09/09/02 20.57 t.u. Philippe Randa

Comme tout autre parti, c'est la sclérose qui guette le Front national, et non l'implosion !

Le Front national, parlons-en ! Vous savez quoi ? Je pense qu'il est mort. Et plutôt en bonne santé, encore ! Et pas de la faute du "voleur de l'Élysée", du "traître de Vitrolles", du "despote de Saint-Cloud" ou je-ne-sais qui encore, j'en passe et des plus terribles assurément.
Non, il est mort d'avoir bientôt trente ans. C'est comme pour les sportifs : il y a une limite d'âge pour les partis(1) et le FN l'a largement dépassé. Bien plus que son fondateur qui a prouvé, récemment encore, qu'il avait plutôt bon pied, bon ¦il.
Certes, il y a l'exemple du Parti communiste qui a vécu bien au-delà de cette durée. Lorsqu'il approchait la trentaine et survivait tant bien que mal, la Seconde Guerre mondiale survint. Elle aurait pu lui être fatale, elle lui donna au contraire un nouveau départ... d'une grosse trentaine d'années encore, puisqu'à partir des années 80, le PC commença un lent déclin qui devait mener son candidat sous la barre des 5 % à l'élection présidentielle d'avril dernier.
Aucun autre parti d'importance n'a connu de longévité aussi importante.

L'erreur des Mégrétistes
Tout observateur politique voit bien que le Front national, tel qu'il était depuis sa création ­ et tel qu'il avait évolué Jean-Pierre Stirbois, puis Bruno Mégret et enfin Bruno Gollnisch regnant ­ est arrivé à ses limites. Tous ses cadres et dirigeants actuels le concèdent volontiers en privé, même si aucun d'entre eux n'ose en faire la déclaration publique.
Cela fait d'ailleurs quelques années que la plupart d'entre eux le sentaient confusément. Cela a même été la raison la plus importante de la scission des Mégretistes à la fin de l'année 1998. L'erreur de ces derniers a toutefois été de focaliser toute idée de changement sur la seule personne de son leader charismatique.
L'expérience malheureuse du Mouvement National républicain est la tragique concrétisation de ce qui a été une gravissime erreur, plus sans doute qu'un crime. Nombre de critiques formulées par l'ex-délégué général du FN étaient fondées en 1998. Elles sont d'ailleurs aujourd'hui reprises par nombre de cadres, restés fidèles à Jean-Marie le Pen, et ce au plus fort de la tourmente de son mouvement. Le "maire consorts de Vitrolles" et ses partisans se contentèrent de créer un clone du FN, en tout point semblable. L'avenir ne pouvait lui sourire davantage, ni même aussi bien, qu'à son original.
Non, ce n'est pas Le Pen lui-même qui devait être remis en cause, c'est le FN qui avait besoin d'être débarrassé de nombre d'idées dépassées, de peurs et d'angoisses imaginaires, de certitudes devenues fausses, de réflexes paralysants et de références obsolètes.

Être ou ne plus être dans l'coup ? That is the question
Dès le début des années 90, avec l'effondrement de l'URSS, il était évident que la lutte contre le communisme n'était plus d'actualité. Nombre de femmes et d'hommes qui avaient été à la pointe de ce combat, souvent seuls et en butte à la violence morale et physique de ce Parti totalitaire, n'ont pu le réaliser. Ils se sont retrouvés un peu dans la situation ­ et ils comprendront peut-être cette comparaison, même si certains ne me la pardonneront pas ­ comme ces militants d'organisations secrètes qui, des dizaines d'années durant, ne connaissent que la guerre clandestine et ne parviennent pas à s'arrêter, même une fois la victoire atteinte.
De même, vingt-cinq ans après la loi Weil sur l'avortement, la remettre en cause est peut-être encore justifiable spirituellement, mais ce n'est toujours pas un argument politique et encore moins que jamais, aujourd'hui, électoral. Confondre spiritualité et politique a toujours été une erreur des plus stériles.
Les sujets sont ainsi très nombreux sur lequel le Front national a eu raison bien avant tout le monde, mais sans avoir su malheureusement toujours évoluer correctement sur la façon de les appréhender.
Dans les années 70, il est vrai "qu'un million d'immigrés", c'était "un million de chômeurs". Mais c'est qu'alors, les Gaulois avaient honte de ne pas avoir de travail ; ils avaient honte de vivre de la charité publique, rebaptisé "Assedics" et les Grands Manitous de l'économie donnaient le travail ­ leur travail, considéraient-ils à juste titre ­ à des populations qu'ils pouvaient ainsi sous-payer.(3) Vingt ans plus tard, les Gaulois n'ont plus honte de vivre de la charité publique et la notion même de travail horrifie généralement la plupart d'entre eux. Que des millions d'immigrés soient directement passés à la case "charité" sans être passé par la case "travail" est une autre question. D'actualité, celle-là !
C'est belle et bien une Révolution culturelle intérieure que le Front national, sous quelque houlette que ce soit, doit faire. Comme tout autre parti, c'est la sclérose qui le guette, et non l'implosion ! Il serait temps que ses dirigeants, tous ses dirigeants, l'admettent au grand jour.


Philippe Randa

Notes
(1) Je précise : pour les partis, et non, hélas, pour les hommes politiques français qui ont cette spécificité qu'aucun d'eux (ou si rarement !) ne décrochent jamais avant d'être six pieds sous terre.
(2) Rappelons que le Parti communiste est issu d'une scission de la SFIO survenue en 1920 au congrès de Tours.
(3) Et aujourd'hui que les ex et nouveaux immigrés coûtent chers, aussi chers que les Gaulois, les Grands Manitous délocalisent le travail, loin de la France et de ses lois sociales.


Philippe Randa
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