28/04/03 9.22 t.u. Philippe Randa

Visiblement, les manifestations de masse organisées contre l’intervention américaine en Irak sont restées en travers de la gorge de certains. Ils ont rongé leur frein tant que duraient les opérations militaires, mais à peine le régime de Saddam Hussein était-il tombé, ce qui n’a pas été long, ils ont laissé explosé leur rage. Leur ironie aussi.

« On a vu, disent-ils, la belle résistance de l’armée irakienne et de la terrible Garde présidentielle du Raïs : ni l’une, ni l’autre n’ont fait long feu ! »

Certes, mais qui désignait l’armée irakienne comme la 4e plus puissante armée du monde et les divisions de la garde présidentielle composés de fanatiques ultra-entraînés, ultra-armés, prêts à défendre jusqu’à la mort chaque maison de chaque quartier de chaque ville, sinon la propagande US ?

« Vous critiquez les Américains, disent-ils encore, c’est donc que vous voulez les islamistes au pouvoir chez nous ! »

Moins que les Américains ne le désirent eux-mêmes puisque c’est leur intervention qui permet aujourd’hui aux Chiites du sud de l’Irak de revendiquer haut et fort l’instauration d’une République islamiste, semblable à celle de l’Iran voisin, et qu’avait empêché jusqu’alors le régime tant honni de Saddam Hussein.

Moins que les Américains puisqu’ils avaient entraîné et armé en leur temps Oussama ben Laden et ses partisans pour combattre l’Armée rouge.

Et bien moins toujours que les Américains lorsqu’ils avaient soutenu financièrement et politiquement les mouvements de libération algérienne afin de chasser la France d’Afrique du Nord et ensuite le Front islamique de salut pour mieux servir leurs propres intérêts sur place.(1)

« Heureusement que l’Amérique est intervenue pour empêcher Saddam Hussein d’utiliser ses armes de destructions massives, disent-ils enfin. Vous vous rendez compte ! »

Compte de quoi ? Sinon que le diabolique Raïs de Bagdad ne les a pas utilisés, même et surtout en désespoir de cause, et qu’elles sont encore à ce jour… introuvables !

« De toute façon, justifiées ou non, disent-ils (encore, enfin et en plus), on ne va pas pleurer sur une affreuse dictature et maintenant tout est bien qui finit bien ! »

Finir ? Le terme me semble quelque peu inapproprié : outre dans le sud de l’Irak les manifestations chiites, les Kurdes dans le nord ont, semble-t-il bel et bien l’intention d’obtenir (depuis le temps !) l’indépendance de leur pays, réparti non seulement en Irak, mais également en Turquie, en Iran et en Syrie… et on sait la position de chacun de ses pays sur la question ; ce n’est même pas la peine pour les Kurdes d’y penser !

Finir, ont-ils dit ? Alors que le président Bush a traité la Syrie d’« État voyou » et que l’ONU, méprisé par la puissance américaine, refuse de supprimer le blocus contre l’Irak ?

Il y a des victoires à la Pyrrhus, mais cela, George W. Bush n’en a sans doute pas conscience. Il a bel et bien ouvert la boîte de Pandore et qu’ont dit justement ceux qui s’opposaient à cette guerre ? Justement cela : la victoire militaire des USA ne faisait aucun doute, vu les rapports de force… ce sont les conséquences désastreuses qu’elle va engendrer qui sont à redouter.

Tout ceux qui condamnaient la guerre ont donc, à ce jour, vu juste… et c’est bien la raison qui rend plus haineux encore ceux qui hurlent leur admiration de l’Amérique.

Ce ne sont pas les mots « The end » qui se sont inscrits sur l’écran de leur téléviseur, mais « to be continued »… Les événements de la vie réelle ne sont pas forcément inspirés d’un scénario made in Hollywood. Il serait temps que les Américanophiles le réalisent !

(28 avril 2003)

Note
(1) Volonté délibérée ou incapacité réelle d’appréhender la réalité profonde du monde proche oriental, les différentes administrations qui se sont succédées à la Maison Blanche depuis près de soixante ans n’ont cessé de faire le lit des islamistes les plus radicaux. Lire à ce sujet un excellent article de fond sur la politique américaine au Proche Orient de 1945 à nos jours : Le domino fondamentaliste, par Michel Émeriau, Chargé de mission national de l'Alliance. Lien

Philippe Randa
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