Beaucoup d’analyses ont été faîtes de la grève de la SNCF et de la RATP. La plus frappante de celles-ci est sans doute celle du secrétaire général de la CFDT François Chérèque qui a révélé que le gouvernement et la CGT étaient implicitement d'accord pour son déclenchement et son déroulement afin de pouvoir montrer leur force chacun de leur côté. « Je dis qu'il y a une forme de coproduction entre le gouvernement et la CGT en particulier pour organiser cette grève et montrer ses muscles », a-t-il déclaré. Selon lui, le pouvoir a voulu mettre en scène l'affrontement, de même que la CGT. « Le gouvernement a besoin de montrer que cette réforme est difficile et certains syndicats ont besoin de montrer qu'ils résistent. » a-t-il ajouté. C’est sans doute pour cela que la plupart des syndicalistes sont tout heureux de la conclusion de la grève, que le premier ministre François Fillon se « félicite de l'attitude responsable des principales organisations syndicales » et que le nain élyséen a rendu hommage « au sens des responsabilités dont ont fait preuve les grandes organisations syndicales », espérant qu'à l'avenir « elles sauront toujours préférer la négociation à la confrontation ».
L’affaire Denis Gautier-Sauvagnac, avaient déjà révélé aux Français naïfs que le gouvernement, les organismes patronaux et les syndicats ouvriers étaient étroitement interdépendants et s’entendaient comme larrons en foire, en fonction de critères qui leurs étaient propres, sur le dos des ouvriers et salariés. Les déclarations de Chérèque, sans aucun doute faites par dépit, nous confirment cela.
Dans cette affaire la GCT et le gouvernement ont joué gagnant-gagnant. L’un et l’autre ont montré leurs muscles pour renforcer leur position. Le syndicat de Bernard Thibault s’est assuré le leadership de la contestation, il en tirera sans doute des bénéfices électoraux dans ce secteur. Nicolas Sarkozy, quant à lui, a pu apparaître sans difficulté comme celui qui, pour une fois, n’avait pas cédé devant les syndicats et avait « tenu » sa promesse de réformer les régimes spéciaux de retraite. « Cette réforme, je l'ai promise, je l'ai tenue », a-t-il déclaré lors d'un discours prononcé à l'Elysée. « Je n'ai pas l'intention d'arrêter le mouvement de réforme, je n'ai pas l'intention de le ralentir, je n'ai pas l'intention d'oublier des promesses. J'ai pris des engagements, ils seront tenus », a-t-il insisté.
Il faut dire qu’il jouait sur du velours avec des grèves apparaissant pour la majorité des Français, plus ou moins conditionnés par leurs médias, comme plus gênantes qu’autre chose et comme des actions passablement illisibles de privilégiés pour les salariés de la SNCF et de la RATP ou d’inutiles pour la contestation de la loi Pécresse…
Cela étant, même si c’est de manière parfaitement artificielle, le gnome de Neuilly satisfait sans difficultés son opinion. En effet un sondage de l’IFOP, effectué durant les grèves, avait révélé que 57% des Français considéraient que le gouvernement devait « maintenir ses projets pour poursuivre les réformes » et même parmi le « peuple de gauche » il y avait 36% des sondés à vouloir que le gouvernement tienne son cap…
Comme je le remarquais la semaine passée, l’individualisme libéral l’a emporté dans l’esprit de beaucoup, y compris chez ceux qui se croient encore « de gauche », et des mouvements de grève sectoriels comme ceux que nous avons connu ces dernières semaine sont, de ce fait, condamnés à l’échec. Ils le sont d’autant plus quand ceux qui les initient sont de mèche avec ceux contre lesquels le mouvement est théoriquement mené.
« En politique le désespoir est bêtise absolue » ne cessait de répéter Charles Maurras. Il avait raison et nous serions bien inspiré de faire nôtre cette citation conjointement à celle de Guillaume d’Orange : « Là où il y a une volonté, il y a un chemin »