" Les Etats-Unis débordent de leurs frontières nationales dans tous les domaines et cela est très dangereux, personne ne se sent plus en sécurité, parce que personne ne peut trouver refuge derrière le droit international."
Vladimir Poutine

Vladimir Poutine a entamé dimanche à Ryad une tournée au Proche-Orient qui le conduira ensuite au Qatar et en Jordanie, cela au lendemain d’une violente mise en cause, à Munich, de l’unilatéralisme des Etats-Unis.

Alors que la guerre froide a pris fin, théoriquement, il y a seize ans, les Etats-Unis n’ont jamais cessé de se renforcer et de mener une manœuvre d’encerclement et de délitement de l’ex-URSS. Facilité par la faiblesse économique de Moscou et la déliquescence de l’Etat sous Eltsine, ce processus s’est renforcé avec la montée des néo-conservateurs et les événements du 11 septembre 2001: l'armée américaine a occupé l'Irak et l'Afghanistan en contournant l'ONU; les faucons de la Maison Blanche ont rejeté la plupart des accords et des traités internationaux, dont le Traité sur la limitation des systèmes de missiles antimissile. (Traité ABM); les «révolutions orange» ont été financées en sous main par Washington, etc. La Maison Blanche s'est même employée ces derniers mois, à installer des radars anti-missiles en Pologne et en République Tchèque, démarche qui est, dans l'optique de Moscou, un pas vers l'élargissement de l'OTAN vers l'Est, avec pour but de bloquer totalement la Russie.

Moscou, qui jusqu’alors maintenait un profil modéré a récemment changé de stratégie et adopté une politique ferme envers les Etats-Unis. Dans une telle conjoncture, les propos de Vladimir Poutine fustigeant le bilan de Bush revêtent une importance toute particulière et la plupart des observateurs politiques estiment que Moscou et Washington vont avoir de nouveau recours aux stratégies de l'époque de la guerre froide.

C’est dans ce cadre que la tournée diplomatique que Vladimir Poutine a entamée dimanche en Arabie saoudite prend l'allure d'un défi lancé aux Américains dans leur pré carré moyen-oriental. Pour sa première visite d'État à Riyad, Doha et Amman, alliées historiques de Washington, Vladimir Poutine évoquera les dossiers brûlants de la région : le conflit israélo-palestinien, l'ambition nucléaire de l'Iran, et bien sûr l'Irak. Sur cette dernière crise, il a, dans une interview accordée samedi à la chaîne al-Jezira, estimé que la situation en Irak était pire aujourd'hui que sous Saddam Hussein, en mettant en regard les « 148 victimes chiites » qui ont valu le gibet au dictateur irakien avec les 3 000 morts américains et les « centaines de milliers » de morts civils irakiens depuis le début « des opérations militaires ».

Le Proche-Orient est le premier terrain sur lequel la diplomatie russe marque son retour sur le devant de la scène. Le Kremlin s'y distingué des positions de la Maison-Blanche sur tous les grands dossiers régionaux. Ainsi, alors que le Hamas est considéré comme une organisation terroriste par la Maison-Blanche et l'Union européenne, le Président russe a souligné lors du même entretien qu’«Il faut respecter le choix du peuple palestinien qui a voté le Hamas. Il n'a y aucune incompatibilité entre la démocratisation du Moyen-Orient et le respect du choix de ses peuples. Le Hamas a été vainqueur des élections palestiniennes. C'est le choix du peuple palestinien et il faut le respecter» Et d’insister : «Moscou ne considère pas du tout le Hamas comme une organisation terroriste. Au contraire, l'année dernière, les membres du Hamas ont été invités à Moscou. Ils ont de l'influence parmi le peuple palestinien. Pour cette raison, il ne faut pas supprimer le Hamas de la liste des groupes négociateurs.»

Mais ce n’est pas tout. Moscou a vendu récemment des armes à l’Iran et n’exclue pas d’en vendre à l’Arabie Saoudite. Dans les deux cas le symbole est important.

Tout cela entre dans une politique russe étrangère profondément marquée par un rapprochement avec le monde musulman et un souci d'intensifier les relations économiques avec les pays arabes. La Russie suscite la confiance au Moyen-Orient et ce n'est pas un hasard si elle a obtenu en 2005 le statut d'observateur а l'Organisation de la Conférence islamique et si un groupe de réflexion stratégique «Russie - Monde musulman» a été mis en place en 2006. Comme le font ressortir les analystes de RIA Novotsi, il s’agit d'une tentative d'élaborer une vision commune des crises régionales, а savoir du conflit israélo-palestinien et de la situation en Irak, en Afghanistan, au Liban et autour de l'Iran. Il s'agit aussi d'harmoniser les intérêts dans le Caucase et en Asie centrale. Le monde musulman a également besoin du soutien de Moscou dans la lutte contre l'islamophobie et que la Russie fasse contrepoids а l'influence américaine dans la région.

Ce réveil de la Russie ne peut que satisfaire les partisans d’un monde multipolaire que nous sommes. Il ne rend dans le même temps que plus caricatural et méprisable le comportement des «politiques» français (de Ségolène Royal à Nicole Borvo - présidente du groupe communiste au Sénat - en passant par Nicolas Sarkozy, François Bayrou, Bertrand Delanoë, François Léotard, Christian Poncelet, président du Sénat, et Corinne Lepage, candidate à la présidentielle) qui ont annoncé leur présence ce soir au meeting du CRIF appelant à la guerre contre l’Iran.

Une guerre qui pourrait bien ne pas avoir lieu, au grand regret de Tel Aviv, grâce au réveil de Moscou.