Bien souvent, les impressions spontanées valent aussi bien, sinon mieux, que de longues réflexions.
Des impressions, je n’en ai pas manqué, dimanche soir, en suivant la soirée électorale à la télévision.
Elles ont été, bien sûr, toutes négatives.
Quelle fut la première action de notre nouveau Président de la République ? Non pas d’aller à la rencontre de ses électeurs, de ces Français modestes qui l’ont placé loin devant la candidate des bobos… Non, Nicolas Sarkozy a commencé, d’une manière particulièrement signifiante, par fêter sa victoire avec quelques peoples dans un restaurant chicos des Champs Elysées…
Puis il y a eu la fête, place de la Concorde. Comment ne pas penser alors - en voyant s’empresser Enrico Macias, Faudel, Doc Gyneco, Arthur, Bernard Tapie, Roger Hanin ou Arno Klarsfeld auprès du nouvel élu – à ce classique de la sagesse populaire : « Dis moi qui sont tes amis, je te dirai qui tu es ».
J’avais ces impressions en tête quand est parvenu dans ma boîte mail le premier communiqué saluant la victoire du petit Nicolas. Il était issu du CRIF !…
J’avais toujours ces impressions en tête quand j’ai lu, le 7 au matin, une dépêche de l’AFP qui annonçait que l’on allait « Vers une nouvelle politique française au Proche Orient » et qui ne cachait pas que « Les médias israéliens ont salué une victoire qui prélude à "une ère nouvelle dans les relations franco-israéliennes". (…) La victoire de Nicolas Sarkozy a suscité une grande satisfaction en Israël et au sein des organisations juives dans le monde, tranchant avec les commentaires plutôt sobres dans le monde arabe et en Iran. (…) Le Premier ministre Ehud Olmert s'est "déclaré convaincu que les relations entre Israël et la France (allaient) se développer et se resserrer" durant le mandat de M. Sarkozy. Proche "ami" de Sarkozy, le chef de l'opposition israélienne Benjamin Netanyahu a estimé que le prochain président français -contrairement à son prédécesseur Jacques Chirac qualifié d'"ami des Arabes" - est "un homme qui voit les intérêts de la France sous un autre angle". »
C’est pour éviter cela que j’avais conseillé à mes amis de voter pour Ségolène Royal.
Soyons clair, je ne fais guère d’illusion sur le nombre d’électeurs nationaux que j’ai pu influencer, mais j’ai cependant été agréablement surpris de constater, alors que les médias nous annonçaient un ralliement à 80% de l’électorat de la mouvance nationale à Sarkozy, que ce report de voix n’ait finalement été que d’environ 60 % (20% s’étant abstenu et 20% ayant choisi Ségolène).
C’est le comportement de ces 40% des « nôtres » qui me fait espérer.
Nous avons perdu une bataille, nous en perdrons vraisemblablement d’autres car disposant désormais d’un contrôle quasi total sur l’appareil d’Etat, Nicolas Sarkozy peut espérer enclencher un vaste processus de clientélisation de la société française et, en particulier, des classes populaires et des classes moyennes.
Mais rien n’est fini car l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence ressemble à un gigantesque quiproquo : c’est le vote d’une grande partie des employés, des ouvriers et des classes moyennes déclassées, reléguées loin des grands centres urbains, de leur dynamisme économique et culturel, qui a permis à Sarkozy de passer la barre des 30% au premier tour et de triompher au second.
Il y a là un paradoxe : si le candidat néo-libéral a été élu président, c’est grâce aux classes populaires. Or ces électeurs n’ont aucunement approuvé le programme économique de Nicolas Sarkozy. Bien au contraire, ils lui ont demandé d’user de son autorité pour sauver les acquis sociaux dus à la gauche.
Si ces électeurs ont choisi Sarkozy pour la répression de la délinquance, ils espéraient aussi le maintien du système de protection sociale, et ils n’ont pas cru que l’entourage de Nicolas Sarkozy le laisserait détruire l’héritage gaulliste en matière d’institutions et d’indépendance nationale.
Or sur ces trois points la déception populaire ne devrait pas tarder à poindre, et la désaffection la suivre.
Un boulevard s’ouvrira alors devant le mouvement national-populaire, si celui-ci sait dans l’entre-deux se réorganiser et se déblaireautiser.