Editorial atypique sachant les résultats extraordinaires du scrutin de dimanche
Rédaction
Éditorial
La Rédaction de Voxnr a décidé de mettre en ligne au sein de cet éditorial des articles issus de nombreuses sources afin que le Lectorat soit au mieux renseigné sur le séisme que la France et à un degré moindre l'Europe viennent de connaître. Réactualisation permanente tout au long de cette journée. Sera mis en ligne par la suite un éditorial sous la forme classique.
Elections européennes : les cinq enseignements du scrutin
FN en tête, défaite du PS, désamour européen... par lemondefr
1. Une indubitable victoire du FN avec une abstention moindre
En passant de 6,34 % à plus de 25 % entre 2009 et et 2014, avec une abstention assez similaire entre les deux scrutin (56,9 %, contre 59,37 % il y a cinq ans), le Front national réalise sans conteste un score record. Il est, pour la première fois de son histoire vieille de 30 ans, en tête d'une élection nationale, loin devant l'UMP. Il faut additionner, comme l'ont fait certains caciques du parti de Jean-François Copé, ses scores et ceux de l'UDI, pour qu'elle repasse artificiellement devant le Front national.
Marine Le Pen et son père, qui font partie des eurodéputés les moins assidus au Parlement européen, devraient amener à Bruxelles une vingtaine de nouveaux europarlementaires FN. Ils sont en outre en position de force pour tenter de monter une coalition eurosceptique au Parlement.
2. Un score historiquement bas pour le PS
Le PS subit un revers cinglant, en ne remportant que 14,3 % des suffrages, contre 16,8 % en 2009. Le parti de la majorité arrive, en outre, en troisième position, loin derrière le Front national et l'UMP. Le PS perd ainsi un siège au Parlement européen, et n'y dispose plus maintenant que de 13 députés. Après l'échec des municipales, cette défaite européenne est d'autant plus alarmante pour les socialistes.
Lors d'une allocution télévisée, le premier ministre Manuel Valls a évoqué un « choc », un « séisme ». Un champ lexical qui ressemble à celui employé après le 21 avril 2002, lorsque le FN s'était qualifié pour le second tour de la présidentielle.
L'Elysée a convoqué une réunion dès lundi matin avec le premier ministre et plusieurs membres du gouvernement, estimant que « des leçons doivent être tirées » de ce scrutin.
3. A l'UMP, l'horizon s'assombrit pour Jean François Copé
La droite espérait encore terminer devant le FN. C'est raté, et c'est une mauvaise nouvelle pour Jean-François Copé. Englué dans l'affaire Bygmalion, de plus en plus contesté en interne, le président du parti sait qu'il aura les plus grandes difficultés à faire taire ses opposants internes, qui donnent de la voix, voire n'hésitent plus à réclamer son départ de la tête du parti. Un bureau national est prévu mardi matin 27 mai.
4. Poussée des conservateurs et eurosceptiques en Europe
La France n'est pas la seule à connaître une poussée de l'extrême droite : Le Danemark, le Royaume-Uni, l'Autriche ont donné plus de 15% des voix à des partis proches du FN. Selon les premières estimations, les eurosceptiques auraient jusqu'à 39 sièges antifédéralistes et 33 sièges souverainistes.
5. Le PPE en tête au Parlement
Selon les estimations diffusées par Bruxelles, les conservateurs du Parti populaire européens (PPE) arrivent en tête avec 212 sièges, suivis par les socialistes et démocrates (S&D ; 185 sièges). Les centristes (ADLE) disposeraient, eux, de 71 sièges ; les Verts de 55 sièges et la gauche radicale de 45 députés. Le groupe ECR, où siègent les conservateurs britanniques, obtient 40 élus, contre 36 au groupe EFD, où siègent les eurodéputés du parti UKIP.
Dans ces conditions, il semble que ce soit le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, candidat du PPE, qui sera en mesure de prendre la présidence – très convoitée – de la Commission européenne. Mais, selon le Traité de Lisbonne, la désignation à ce poste n'est pas automatiquement liée au résultat du scrutin ; tout juste les chefs d'Etat qui le désignent doivent-ils tenir compte des élections. En milieu de soirée, M. Juncker a revendiqué la victoire, au nom de son groupe.
Les nouveaux horizons du FN : un groupe à Strasbourg et un congrès en novembre
Le FN va entrer dans une période de négociations avec ses futurs partenaires en vue de constituer un groupe au Parlement européen.
Dès ce lundi, une réunion du bureau politique doit se tenir à huis clos au siège du Front national à Nanterre. Les dirigeants ont deux priorités: décrypter les scores en France pour évaluer l'évolution électorale du FN dans le pays et mesurer celle du vote eurosceptique dans l'Union européenne pour y détecter d'éventuels alliés.
Parce qu'il veut constituer un groupe au Parlement européen, le FN entre immédiatement dans une période de négociations avec ses futurs partenaires en espérant que la dynamique des européennes permettra de nouveaux rapprochements et concrétisera les «contacts très positifs» noués depuis deux ans dans plusieurs pays, selon Ludovic de Danne, conseiller aux affaires européennes de Marine Le Pen.
«Un changement historique»
L'ambition du FN est de peser au sein du Parlement européen. Durant la campagne des européennes, le parti frontiste a avancé, «fourchette haute», qu'il serait en mesure de regrouper près de cinquante eurodéputés au sein d'une formation élaborée sur la base de l'Alliance européenne pour la liberté (AEL). Présidée par l'Autrichien Franz Obermayr, l'AEL a été fondée en 2010 et siège à Malte. Jusqu'à présent, cette alliance rassemblait des personnalités mais pas des partis.
Le Front national était confiant sur la possibilité de réunir plusieurs nationalités dans les trois semaines suivant les européennes (un minimum de 7 pays et 25 députés sont exigés). Il avait évoqué des alliances possibles dans les onze pays suivants: Autriche (FPÖ), Belgique (Vlaams Belang), Pays-Bas (PVV), Grande-Bretagne, Allemagne (Burger In Wut), Suède (Démocrate Suédois), Malte, Lituanie, Croatie, Roumanie et Bulgarie. Dimanche soir, seul le Vlaams Belang semblait plus fragile que prévu mais sans altérer la confiance du Front national qui recevait des «signes positifs» en provenance des pays Baltes.
«Ce sera un changement historique car nous assistons réellement à l'émergence d'une opposition», estimait Ludovic de Danne en évoquant la présence probable de deux autres groupes eurosceptiques, l'un autour du Britannique Nigel Farage et l'autre avec les conservateurs réformistes européens.
La prochaine étape importante se déroulera à Lyon en novembre. «Après les élections européennes, nous entrons dans une nouvelle phase, celle de notre XVe congrès», explique Marine Le Pen. Tous les trois ans, ce temps fort du mouvement est marqué par le renouvellement des instances.
Des centaines de cadres et d'adhérents y élisent le comité central et la présidence. Ils définissent aussi de nouvelles plates-formes électorales en phase avec les nouvelles réalités du mouvement, lequel revendique 75 000 adhérents dans une centaine de fédérations. En janvier 2011, le XIVe congrès de Tours avait été marqué par l'élection de Marine Le Pen à la tête du Front national.
Elections européennes : Marine Le Pen franchit un nouveau palier
Le Front national, le parti le plus anti-européen de France, dispose, à l’issue des élections européennes, du tiers des députés français qui siégeront à Strasbourg.
C’est fait ! Avec 25,1 % des suffrages selon les estimations ce dimanche à 22 heures, le Front national peut se poser en premier parti de France, si l’on veut bien faire abstraction d’un taux d’abstention particulièrement élevé lors de ce scrutin européen. Il s’agit, sinon d’« un choc à l’échelle du monde », comme l’a estimé Ségolène Royal, en tout cas d’un score historique pour le parti d’extrême droite, conforme aux aspirations de Marine Le Pen, sa dirigeante.
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Il dépasse les prévisions des instituts de sondage, lesquels, ces dernières semaines, plaçaient toutefois quasi systématiquement la formation d’extrême droite devant l’UMP. « Le peuple souverain a parlé haut et clair. (...). Le peuple souverain a clamé qu’il voulait reprendre en main les rênes de son destin », a savouré la présidente du FN, après l’annonce des premières estimations des résultats du vote.
Moins de deux mois après le tsunami des élections municipales et la prise record de 11 mairies , la plus anti-européenne des formations politiques françaises réalise donc une nouvelle percée, encore plus impressionnante. Elle arrive en tête dans cinq des sept circonscriptions électorales métropolitaines. Son score dépasse les 30 % dans celle du nord-ouest et il les frôle dans l’est, ainsi que dans le sud-est. Seules les circonscriptions de l’ouest et de l’Ile-de-France, où l’UMP parvient à sauver la face, résistent au parti d’extrême droite.
Environ un tiers des députés européens - 23 à 25 sur un total de 74 - que Paris enverra siéger à Strasbourg et à Luxembourg seront estampillés FN. Jamais le parti fondé par Jean-Marie Le Pen n’a eu une telle présence dans l’hémicycle européen. En 1984, il y avait fait pour la première fois son entrée en décrochant 10 sièges. En 2009, il était retombé à 3 représentants. Un de moins que le Parti pour la liberté (PVV), la formation d’extrême droite néerlandaise de Geert Wilders qui, lui, a mordu la poussière. Une contre-performance pour le tribun hollandais au regard de la progression de l’extrême droite observée dans plusieurs pays de l’Union, comme l’Autriche, où le FPO progresse de près de 8 points (12,7 % des suffrages), et la Grèce où le parti Aube Dorée entre au Parlement européen avec un score de 9 %.
En ordre de marche pour la présidentielle de 2017
De toutes ces formations anti-européennes, c’est néanmoins le FN qui disposera des plus gros bataillons. Ce qui place Marine Le Pen en position d’assurer le leadership d’un futur groupe parlementaire des droites extrêmes à Strasbourg. Mais son périmètre s’annonce difficile à cerner compte tenu des réticences, exprimées par certains partis, comme le britannique UKIP, à s’allier avec le FN.
Le score du FN autorise plus que jamais sa présidente à continuer de nourrir de grandes ambitions au plan national. A la différence de l’UMP, en mal de leadership, la formation d’extrême se tient déjà en ordre de marche derrière Marine Le Pen pour la présidentielle de 2017. En attendant, elle n’oubliera pas de jouer les troubles-fêtes. Ce dimanche, déjà, la présidente du FN a réclamé, sans prononcer le mot, une dissolution, en estimant que François Hollande devait « prendre les dispositions qui s’imposent pour que l’Assemblée devienne nationale ».
Le parti de Marine Le Pen obtient environ 25% des voix, loin devant l'UMP à 20% et le PS, autour de 15. Un scénario inédit pour une élection nationale.
«Un gagnant et beaucoup de perdants», analysait dimanche soir le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, sur le plateau de France 2. Selon les estimations, le FN arriverait en tête des européennes avec près de cinq points d’avance sur l’UMP autour de 20%. Un classement inédit dans une élection nationale. Comme prévu, les socialistes au pouvoir se voient infliger une nouvelle claque électorale, deux mois après les municipales, et passeraient sous la barre des 15%. A l’issue de cette campagne européenne, extrêmement courte et atone, centristes et écologistes se talonnent à 10 et 9% tandis que le Front de gauche plafonne à 6,5%, sur fond de forte abstention.
Une abstention toujours forte
Estimée à 57%, elle serait donc inférieure à celle des deux précédents scrutins, en 2009 et 2004. Difficile, pour autant, de se satisfaire de l’indifférence dans laquelle ce scrutin a laissé plus d’un électeur sur deux. La participation a aussi augmenté en Allemagne ou encore au Portugal. Elle devrait en revanche être particulièrement faible dans les pays d’Europe centrale et orientale : ainsi, en milieu de journée, seuls 7,31% des électeurs polonais s’étaient rendus aux urnes.
Le FN largement devant
La pole position du parti de Marine Le Pen avait été évidemment pronostiquée mais le choc n’en est pas moins violent. Selon les estimations, le FN, avec un score autour de 25%, devance l’UMP de cinq points. Du jamais vu. Il se classe même en tête dans toutes les «eurocirconscriptions» de métropole à l’exception de l’Ouest et de l'Ile-de-France et devrait envoyer au parlement européen entre 23 et 25 eurodéputés, soit près d'un tiers des 74 élus français. Une performance probablement au-delà des espérances de Marine Le Pen. «Nous avions raison d’avoir confiance en nous. A la coalition de tous ceux qui ne croient plus en la France, le peuple souverain a clamé qu’il ne voulait plus être dirigé du dehors», a applaudi Marine Le Pen, appelant à la dissolution de l’Assemblée nationale. Elle s’exprimait depuis le siège du FN, devant des affiches titrées dès ce soir... «premier parti de France».
Même si le slogan est à relativiser compte tenu de la très faible participation, le parti d’extrême droite europhobe réalise haut la main son objectif d’une vingtaine d’élus. Le plus gros bataillon de députés français au sein du prochain parlement. En 2009, le FN de Jean-Marie Le Pen était au creux de la vague: avec 6,34% des suffrages, il n’avait envoyé trois députés (Le Pen père et fille et Bruno Gollnisch) à Strasbourg.
L'UMP paie ses divisions et ses affaires
Certes, l’UMP distance les listes socialistes de plus de six points. Mais échoue, si les estimations se confirment, à doubler le Front national. Donnée à 21-22% des voix selon les instituts, pas de quoi fanfaronner. Et la tribune de Nicolas Sarkozy, à trois jours du vote n’a manifestement pas suffi. Jean-François Copé avait d’avance trouvé la parade en appelant, sans rire, à additionner les scores de son parti et des centristes de l’Alternative, au prétexte qu’ils font liste commune… d’habitude.
Souvent divisée sur le fond − comme l’ont montré les empoignades internes sur les propositions de Laurent Wauquiez et les sorties d’Henri Guaino −, la droite s’est montrée inaudible sur ses propositions pour l’UE, car souvent divisée sur le fond, la droite a mené une campagne anti-Hollande strictement tournée sur la politique nationale. Et a surfé sur le rejet de l’exécutif dans l’opinion, après avoir vu ses candidats aux municipales profiter à plein du vote sanction. Surtout, les dernières révélations de Libération sur l’affaire Bygmalion autour de fausses conventions facturées à des sommes exorbitantes, ont carbonisé Jean-François Copé comme elles ont plombé les candidats UMP. François Fillon, qui a donné ce soir une allocution de son côté, a déploré un parti «atteint dans sa crédibilité» dont «l'honneur est en cause» et appelé à «un changement profond». Le bureau politique de mardi matin, où est prévue une première explication, entre une quarantaine de ténors et un Copé carbonisé, promet d'être saignant.
Le PS effondré
A ce niveau, ce n’est plus une gifle, c’est une raclée. D'après les premières estimations, le PS recueillerait entre 13,9% et 16% des voix. Dans l’hypothèse basse, ce résultat serait le pire pour les socialistes depuis les européennes de 1979, premières du genre. Le PS avait tenté de centrer sa campagne sur les enjeux européens, et notamment sur la possibilité d’installer le social-démocrate Martin Schulz à la tête de la Commission. Peine perdue, et bonne chance aux socialistes qui tenteraient désormais de nier la dimension nationale de ce rejet. Comme après les municipales, ce scrutin devrait donner lieu, en interne, à un vif débat autour de la politique gouvernementale. Comme alors, l’exécutif devrait prendre acte de «l’alerte» envoyée par les électeurs; mais maintenir le cap, à quelques concessions près, au nom du redressement des finances publiques. Au grand dam de la gauche du parti, qui se fait déjà entendre.
Le centre uni ne brille pas
Ce scrutin était un test pour la toute récente Alternative donnée ce soir autour de 10%. L’alliance des chapelles centristes (UDI, Modem,...) avait été scellée à l’automne avec les élections européennes en ligne de mire. Les amis de Jean-Louis Borloo et de François Bayrou estimaient que le projet européen est dans l’ADN même du centriste et faisaient même le pari de talonner l'UMP. Mais la retraite de Borloo et l’euroscepticisme ambiant n’ont pas fait les affaires de l’Alternative. En 2009, les centristes étaient dispersés entre les alliés de l’UMP et le Modem qui faisait bande à part et avait obtenu 8,5%. En 2014, l'Alternative n'améliore donc que d'un point et demi le score du Modem en solo.
EE-LV ne réédite pas l'exploit
Recueillant entre 8,7 et 9,9% des voix, le parti vert fait nettement moins bien qu’en 2009, où il avait séduit 16,3% des électeurs, un record qui avait fait sensation. Quoique net, le recul enregistré ce soir doit être relativisé, les écologistes retrouvant simplement leurs niveau des scrutins précédents. Devançant le Front de gauche, EE-LV conserve par ailleurs sa place de deuxième grand parti de gauche.
Le Front de gauche stagne
Les échecs socialistes et écologistes n’auront pas profité au Front de gauche, qui, autour de 6,6%, réalise à peu près le même score que l’alliance PCF/Parti de Gauche de 2009. Rêvant tout haut, Jean-Luc Mélenchon s’était vu en tête de la gauche : il en est loin, et n’a pas plus été en mesure de rivaliser avec le Front national. Cet échec relatif pourrait donner lieu à une explication de texte entre les différentes composantes du Front de gauche, dont les divisions stratégiques étaient déjà apparues à l’occasion des municipales, puis de la préparation de ces européennes.
Les chiffres obtenus par le Front National, on s'y attendait. Et c'est parce les résultats annoncés dans les sondages se sont vérifiés dimanche 25 mai que cela constitue un choc. En 2002, l'arrivée de Jean-Marie Le Pen au second tour était une réelle surprise. Une décennie plus tard, les Français ont consciemment voté en masse pour le FN.
Deuxième choc : les suffrages exprimés crédibilisent l’hypothèse - considérée hier comme absurde - selon laquelle Marine Le Pen peut devenir un jour présidente de la France. Il y a encore des moyens pour y échapper mais l’hypothèse est envisageable.
Finalement, autant du côté de l'UMP que du PS, toutes les forces vont être concentrées autour d'un seul et même objectif : trouver le candidat qui sera en mesure de contrer la présidente du Front National.
Les 5 chocs de la victoire du FN par LeNouvelObservateur
Européennes : le choc FN résumé en moins de 3... par LeNouvelObservateur
Le score du Front national en France secoue la presse étrangère
La "victoire" électorale du Front national en France, tout comme la poussée des partis euroceptiques en Europe, fait les gros titres de la presse étrangère.
Le Financial Times accorde à une Marine Le Pen hilare la Une de son site ce lundi et titre: "Vague eurosceptique sur Bruxelles". Comme le quotidien financier, les médias européens accordaient une large place au score du Front national en France et d'autres partie europhobes comme Ukip en Grande-Bretagne. Tour d'Europe.
Daily Mail: Outre-manche, le quotidien populaire titre "Mme Le Pen mène la marche de l'extrême droite sur l'Europe".
Le Guardian, quant à lui, reprend les mots du ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, pour assurer: "Il y a eu un vainqueur et de nombreux perdants".
"Le slogan 'plus d'Europe' devrait être pris au sérieux"
Frankfurter Allgemeine Zeitung: En Allemagne, le "Faz" évoque un "Séisme politique", titre le Le quotidien allemand des affaires fait sa Une, comme la quasi-totalité des médias germaniques, sur le triomphe du Front national (FN). "Cela va avoir des conséquences importantes. Le slogan "plus d'Europe" devrait être pris au sérieux", estime le journal.
Le quotidien populaire Bild évoque un "choc électoral en France", tandis que Die Welt juge que "pour le président Hollande, c'est une débâcle". Il ajoute: "En raison de cette catastrophe électorale, le président français François Hollande, battu, se trouve de plus en plus affaibli. Cela devrait être encore plus difficile pour lui d'engager les réformes nécessaires".
Der Spiegel, lui, entame son compte-rendu par une série d'adjectifs entendus dans l'opposition: "défaite dramatique", "désastre catastrophique", "débâcle absolue"... Il juge d'ailleurs que ce résultats représente "essentiellement une débâcle pour François Hollande".
"Le visage amical de l'extrême-droite"
En Italie, La Republica observe un "tremblement de terre en France". Il Corriere della Sera, se son côté, évoque un "choc" pour le pays.
En Espagne, El Mundo voit "l'extrême droite déferle[r] sur la France". La chaîne RTVE, de son côté, décrit une Marine Le Pen comme le visage "amical de l'extrême-droite qui captive les jeunes et les ouvriers".
Prenant plus de distance, la radio portugaise Renascença (RR) souligne la venue d'un "Parlement européen le moins européiste" de son histoire. Negocios, de son côté, juge que "chaque pays a sa Le Pen."
"En marge du pouvoir"
Ailleurs dans le monde, le score du Front national n'est bien sûr pas passé inaperçu. Aux États-Unis, Bloomberg, analyse les 25% du parti créé par Jean-Marie Le Pen comme le signe qu'il a désormais "gagné en crédibilité même s'il reste en marge du pouvoir en France".
Le Wall Street Journal, quant à lui élargissait la focale en s'intéressant aux partis d'extrême-droite dans toute l'Europe. Selon le quotidien financier américain, ces "premières élections depuis la crise soulignent à quel moins les mesures d'austérité et les plans de sauvetage ont érodé l'image d'une institution qui aide à gouverner 500 millions de gens et l'une des plus grandes économies du monde".
En Israël, le Jerusalem Post souligne le fait que c'est "la première fois qu'un parti anti-immigration, anti-UE remporte une élection nationale en quarante ans d'existence".
Lille, Florange et Carmaux ont voté Marine Le Pen !
Des bastions de la gauche sont tombés aux mains de Marine Le Pen. Le Front national est désormais le premier parti chez les ouvriers et les employés !
Le Parti socialiste a perdu ses bastions populaires et ouvriers ! Et c'est sans doute ce qui sera le plus traumatisant pour la Rue de Solférino. Les exemples sont édifiants ! À Carmaux, la patrie de Jean Jaurès, la liste de Louis Aliot obtient 24,6 % des voix contre 23,94 pour celle du PS menée par Virginie Rozière. Dans le département de la Moselle, Florian Philippot écrase le scrutin avec 31,06 % des voix contre 19,71 pour l'UMP Nadine Morano et seulement 13,46 pour le Parti socialiste mené par l'ancien syndicaliste d'ArcelorMittal Édouard Martin. Dans son fief de Gandrange, celui-ci est devancé de 15 points par le vice-président du Front national. Et il termine même troisième à Florange... Dans l'Allier, longtemps bastion du communisme rural, Bernard Monot (FN) obtient plus de 24,5 %. Brice Horfereux pour l'UMP s'en tire avec 23,29 % et la liste PS s'effondre à 15,71 % des voix. Dernier exemple cruel : celui de la ville de Lille. Le bastion de Martine Aubry a basculé dans l'escarcelle de Marine Le Pen. Celle-ci obtient 18,85 %, et la liste de Gilles Pargneaux (PS), 18,16 %. Suivent les Verts avec 16,32 % et l'UMP Jérome Lavrilleux, qui n'obtient que 14,6 % des voix...
Épinay-sur-Seine et La Courneuve votent FN
Quelques symboles encore... Épinay-sur-Seine, la ville de Seine-Saint-Denis qui vit la prise de pouvoir de François Mitterrand au PS, est désormais une place forte du Front national. Aymeric Chauprade y obtient 19,79 %, l'UMP Alain Lamassoure 16,88 % et Pervenche Berès pour le PS 16,71 % seulement. Finissons avec La Courneuve, bastion du Parti communiste qui y organise chaque année sa Fête de l'Humanité. Le FN dépasse 20,5 %, le Front de gauche s'établit à 19,79 % et le PS à 19,35 %.
Selon Ipsos, dimanche, 38 % des employés et 43 % des ouvriers ont apporté leur suffrage à Marine Le Pen et ses troupes. La gauche, sur ce qui constitue historiquement son coeur de cible, est laminée : seulement 8 % des ouvriers et 16 % des employés ont voté PS aux européennes. Le Front de gauche ne bénéficie pas de la déception suscitée au sein de cet électorat par la gauche de gouvernement : 5 % des employés et 8 % des ouvriers seulement ont voté, dimanche, pour le mouvement de Jean-Luc Mélenchon.
Européennes : le FN large vainqueur dans le Nord-Pas-de-Calais
DECRYPTAGE
Si le Front National devient au soir des européennes le premier parti de France, cette pole position est largement amplifiée dans la circonscription Nord-Ouest comme dans la région.
La notoriété de Marine Le Pen n’explique qu’en partie cette « performance » très supérieure à la moyenne nationale du FN. La désespérance sociale est également pour beaucoup dans le succès de l’effet « Bleu Marine » que le petit sursaut de participation n’a absolument pas pénalisé.
La montée du FN, si elle se poursuit, en fait un possible vainqueur des prochaines régionales car son nombre de voix est supérieur à l’addition des suffrages de l’UMP et de l’UDI comme au total du PS, du Front de gauche et des écologistes.
Outre le fief d’Hénin (53,42 %), le FN approche la majorité absolue à Bruay-sur-Escaut (49,9 %). La barre des 40 % est également franchie dans des villes de gauche comme Liévin, Denain, Raismes, Grande-Synthe, Wattrelos. Le FN se contente de 19% à Villeneuve-d’Ascq…mais il arrive en tête dans l’ex-ville nouvelle comme à Saint-Amand ou encore à Tourcoing, Roubaix, Lens, Boulogne et Lille.
L’UMP résiste dans ses bastions
Rares sont les communes où Marine Le Pen n’arrive pas en tête. On y trouve avant tout des bastions de l’UMP où la liste de Jérôme Lavrilleux réalise ses meilleurs scores. C’est le cas à Bondues (35,4 %), Marcq-en-Barœul, Lambersart, Mouvaux ou encore Croix.
La liste conduite par ce proche de Jean-François Copé doit se contenter de 18,7 %, en net recul par rapport aux 24 % qui la plaçait en tête en 2009.
L’Alternative UDI-MoDem retrouve une audience proche de celle du MoDem il y a 5 ans (environ 9 %). Son chef de file, Dominique Riquet, arrive en tête dans sa ville de Valenciennes (35 %) mais aussi à Hem. Il réalise également de bons scores dans des villes gérées par l’UDI comme Saint-André ou Faches-Thumesnil mais arrive derrière le FN à Arras.
Double sanction pour le PS
Deux mois après les municipales, c’est l’effet double lame pour le PS. Le recul sous les 12 % est un record à la baisse. La liste conduite par Gilles Pargneaux résiste dans de rares villes socialistes comme Gravelines (24,9 %) mais connaît la déroute dans des communes perdues aux dernières municipales. Elle se contente de 14 % à Roubaix, 12 % à Tourcoing et Dunkerque. Symbôle de la défaite, le PS est « coiffé » par le FN à Lille !
Pour le Front de gauche, les meilleurs scores viennent des communes gérées par le PC comme Raismes, Saint-Amand, Douchy ou Seclin mais, partout, le FN le précède dans un décalage en forme de grand écart par rapport aux municipales.
Enfin, Europe Ecologie, à hauteur de 7 %, affiche un net recul et ne franchit la barre des 10 % que dans une poignée de communes de la métropole lilloise avec un record (16,3%) à Lille. Toutefois, les écologistes devancent de justesse le Front de Gauche dans la circonscription Nord-Ouest et sauvent un siège contre aucun pour les amis de Jean-Luc Mélenchon.
Européennes. Comment le FN est-il parvenu à la première place ?
Pour la première fois de son histoire, le FN est en tête d'une élection en France, au soir des européennes. Un succès qu'il doit à une combinaison de facteurs.
Le discrédit du PS et de l'UMP, le discours FN
Le FN « profite de la conjoncture de la crise économique », relève la sociologue Nonna Mayer.
Alors que François Hollande avait été élu sur la promesse du « changement », il fait face deux ans plus tard à un haut niveau de chômage et à une croissance atone.
Il y a trente ans, la première percée électorale du FN (10,95% des voix, 10 eurodéputés), s'était d'ailleurs produite au lendemain du tournant de la rigueur socialiste, lors d'élections européennes.
Côté UMP, le feuilleton de l'affaire Bygmalion a pris le pas ces derniers temps sur l'opposition au gouvernement.Dans ce contexte, le discours du FN porte : « Il partage avec de larges pans de l'électorat l'expression d'un mal-être vis-à-vis de l'évolution du monde et de la société, le FN dit qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Il offre un message clair sur ce qui ne va pas et pourquoi c'est arrivé: c'est la faute à la mondialisation; c'est la faute aux élites, c'est la faute aux immigrés », note Joël Gombin, chercheur spécialiste du vote FN.
« Le discours FN a une singularité, c'est bel et bien le seul parti politique qui demande la sortie de l'UE et de l'euro », ajoute Jean-Yves Camus, chercheur spécialiste de l'extrême droite.
Le facteur « Marine Le Pen »
Depuis son arrivée à la tête du FN, en janvier 2011 au congrès de Tours, Marine Le Pen a entrepris un travail de structuration profonde du parti auquel son père rechignait. Il lui a permis de remporter une dizaine de municipalités en mars et d'atteindre un record de listes présentées aux électeurs.
Elle a aussi attiré à elle quelques cadres faisant évoluer l'image du parti, comme le numéro deux, Florian Philippot, jeune énarque se revendiquant « gaulliste ».
« Jean-Marie Le Pen est brut de décoffrage, elle est plus douce » : un militant FN exprimait il y a quelques jours à Valence la différence entre père et fille. Celle-ci a oeuvré pour adoucir l'image du parti et éloigner les « détails de l'histoire » et autre « Durafour crématoire ».
Si Jean-Marie Le Pen n'est jamais avare d'une sortie polémique, comme celle de mardi sur « Monseigneur Ebola » pouvant « régler en trois mois » « l'explosion démographique », Marine Le Pen bénéficie d'une image moins mauvaise chez les Français.
Mais beaucoup de travail reste encore à faire pour espérer un jour accéder au pouvoir: 68% des Français ont encore une mauvaise opinion de Mme Le Pen, selon un sondage BVA publié début mai, 78% ne lui feraient pas confiance pour gouverner tandis que 71% la trouvent « agressive », 67% « démagogique » ou 60% « raciste ».
Une fidélisation des électeurs
Le FN a longtemps été un habitué des résultats électoraux en dents de scie. Mais depuis les cantonales de 2011, la progression est constante. « Il y a une certaine dynamique », se réjouissait récemment Bruno Gollnisch, historique du parti et ancien numéro deux.
Et les victoires amènent les victoires : « C'est un électorat émotif : chaque fois que des victoires sont possibles, ils ne veulent pas rater l'occasion », répète souvent la jeune députée du Vaucluse Marion Maréchal-Le Pen, nièce de Marine.
« Cet électorat émotif devient constant dans ses émotions », d'après Jean-Yves Camus. « Le FN a su mobiliser son électorat. Il s'est manifestement beaucoup plus déplacé que les autres », abonde Sylvain Crépon, sociologue spécialiste de l'électorat FN.
Des européennes « défouloir »
« C'est un scrutin où l'électorat frontiste peut pour le coup exprimer sans risque l'opposition aux systèmes. Le vote aux européennes est régulièrement un vote défouloir, car les électeurs pensent que ce n'est pas si grave de voter pour quelqu'un qui va parlement européen et qui n'aura qu'un pouvoir limité », relève Jean-Yves Camus.
Avec l'élection européenne, « on ne risque pas de se retrouver avec un gouvernement, un président ou un Premier ministre FN », confirme Sylvain Crépon.
Et « voter pour un parti politique dans le cadre d'une élection spécifique ne veut pas dire qu'on va voter pour lui dans d'autres élections ou qu'on veut le conduire à la tête du pays ou d'une assemblée », relativise-t-il aussi.
Mais incontestablement, d'après lui, « le FN est en progression, il s'ancre dans le paysage politique ».
Sur les marches de l’Est, le Front national rafle la mise. Il arrive largement en tête, frôle les 30 %, et emporte quatre des neuf sièges dévolus à la circonscription. Il devance de plus de six points la liste UMP, emmenée par Nadine Morano, qui si elle a réussi le meilleur score de son parti, et obtient trois sièges, n’en affichait pas moins sa déception d’avoir échoué à devancer le parti d’extrême droite. Quant au parti socialiste, il subit une déculottée historique que n’a pu parer l’ex-syndicaliste d’Arcelor-Mittal Édouard Martin, pourtant présenté comme la martingale qui allait redonner des couleurs tonifiantes à la majorité présidentielle. Le MoDem, pacsé cette fois avec l’UDI, sauve le siège de sa sortante, Nathalie Griesbeck (qui avait cinq ans plus tôt bénéficié de la démission de Jean-François Kahn).
Ce ne sera pas pour la sortante écologiste, Sandrine Bélier, alors qu’Europe-Ecologie avait raté d’un cheveu le deuxième siège en 2009.
C’est donc un véritable coup de grisou qu’a provoqué hier le vice-président du FN après avoir pourtant échoué par deux fois à s’implanter à la hussarde en Moselle, aux législatives en 2012 et dernièrement aux municipales à Forbach.
S’il n’est pas besoin d’être grand clerc pour relever que l’abstention a été cultivée, comme aux municipales, par l’électorat de gauche, l’explication demeure insuffisante pour expliquer la poussée du parti lepéniste. La participation (43,19 %) a augmenté par rapport à 2009 de pratiquement quatre points. Il est sans doute trop tôt aussi pour évoquer un possible enracinement du FN, et valider l’hypothèse d’un nouveau tripartisme à la française, mais la percée de l’extrême droite ce dimanche ne se vérifie pas seulement sur des terres électorales déjà plutôt enclines à voter pour elle. Elle est assez largement répartie sur l’ensemble de la circonscription Est de la Bourgogne à Champagne-Ardenne, en passant par la Franche-Comté, puis l’Alsace et la Lorraine. Seule l’UMP parvient à contenir le FN dans plusieurs villes importantes, comme Strasbourg, Reims Besançon, Nancy ou Belfort.
Quant au parti socialiste, il n’arrive au mieux qu’en troisième position. Il réussit même à se faire devancer par le FN dans ses ultimes bastions, comme à Vandœuvre, dans la banlieue de Nancy, conservée par le PS dès le premier tour des municipales.
Dans la circonscription aux quatre frontières européennes, la déflagration de ce dimanche a la résonance historique d’un 21 avril à l’échelle européenne.
Pour son septième mandat, le leader du FN rejoint Strasbourg avec quatre colistiers. L'UMP chancelle, le PS est loin
Seul élu Front national du Sud-Est en 2009, Jean-Marie Le Pen se sentira désormais moins seul au Parlement européen de Strasbourg. En obtenant 28,18 % des suffrages hier soir dans cette "eurorégion" de 11 millions d'habitants, le président d'honneur du FN fait plus que tripler son score d'il y a cinq ans (8,49 %) et sera accompagné de quatre colistiers : la Niçoise Marie-Christine Arnautu, le désormais conseiller municipal de Hyères mais ancré à Lyon depuis 30 ans, Bruno Gollnisch, la Grenobloise Mireille d'Ornano et le Savoyard Dominique Martin qui dirigeait la campagne de Jean-Marie Le Pen en 2009.
À 86 ans, la locomotive frontiste entame donc un septième mandat européen sur une vague inédite, historique pour l'extrême droite. Il fait moins bien que sa fille Marine dans le Nord-Ouest (33,6 %) et que Florian Philippot dans l'Est (28,96 %), mais mieux que Bernard Monot dans le Centre (24,18 %) et Louis Aliot dans le Sud-Ouest (23,7 %), tous en tête dans leur circonscription.
Un raz-de-marée national
Un raz-de-marée national qui s'appuie dans la région sur un ancrage fort, historique, concrétisé par un groupe d'une vingtaine d'élus au conseil régional et la gestion d'un secteur de Marseille et sept villes aux municipales de mars, sur onze en France. Avec un tel score, les frontistes relèguent, comme dans une grande partie de l'Hexagone, leurs adversaires politiques sur des strapontins.
Jean-Marie Le Pen n'a pas manqué l'occasion, pour sa première déclaration hier soir, d'assimiler cette première à une sanction d'État, demandant la "dissolution de l'Assemblée nationale" et l'application d'une proportionnelle qui fait son miel européen. Et à laquelle seule l'UMP a fait mine de résister, la liste conduite par le Marseillais Renaud Muselier glanant 22,4 % des voix.
Les batailles intestines de l'UMP
Il découvrira l'Europe au côté de la Lyonnaise Françoise Grossetête qui avait conduit la liste en 2009, l'emportant avec 29,34 % des bulletins. Un écart de sept points qui se traduira par la perte sèche de deux eurodéputés. Seul le maire de Chambéry (Savoie) Michel Dantin complètera la délégation. L'UMP paie, ici comme ailleurs, un discours de campagne plus anti-Hollande que pro-européen, ainsi que ses batailles intestines.
Le Parti socialiste emmené par Vincent Peillon, lui, s'effondre dans les mêmes proportions qu'en 2009, sauvant de justesse, avec 11,87 % des voix, son deuxième siège dévolu à la Lyonnaise Sylvie Guillaume. Un score encore pire que les 14,5 % d'il y a cinq ans, très loin des 28,6 % obtenus par Michel Rocard en 2004. Une gifle prévisible pour l'ex-ministre de l'Éducation nationale dans un contexte national très négatif pour la gauche.
Dans la lignée des municipales. Payant, eux, leurs divisions nationales et régionales, les écologistes qui avaient placé trois des leurs en 2009, coupent, avec un résultat de 9,6 %, leur total en deux et ne laissent que la Drômoise Michèle Rivasi à Strasbourg. Pour le Front de gauche, la soirée a été très longue. Élue en 2009 avec 5,9 %, Marie-Christine Vergiat résiste à 5,96% et sera reconduite.
Le treizième siège revient au centre droit, la Marseillaise Sylvie Goulard, tête de liste UDI-MoDem, gardant, avec 8,3% des suffrages exprimés, le siège qu'elle avait glané en 2009 dans l'Ouest. Et récupérant la place occupée ici par Jean-Luc Bennahmias (MoDem). Mais c'était avant que cet homme de gauche ne se fâche avec François Bayrou aux municipales. Une guéguerre interne de plus dans un paysage politique particulièrement déchiré. Et qui explique aussi un taux d'abstention de 57,03 %, toujours au-dessus de la moyenne nationale (56,85 %).
Laurent Bouvet : « Le FN est désormais un parti installé »
Pour l'auteur du « Sens du peuple » et professeur de science politique à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, le fait que la « hausse de la participation a profité au FN » prouve qu'il « n’est plus seulement un parti de protestation ». Il estime par ailleurs que le gouvernement a une « responsabilité importante » dans ce résultat « parce qu’il a mené une politique indifférenciée de celle que menait la droite de Sarkozy ».
Marianne : Est-ce avant tout une victoire du Front national ou une défaite des partis traditionnels ?
Laurent Bouvet : Les deux. Ce soir, il y a un vainqueur, le FN, et des battus, tous les autres partis. Hormis le FN, il n’y en a pas un seul qui s’en sort. Mais parmi ces vaincus, ce qui me frappe le plus, c’est le très faible score du total gauche (environ 33%). C’est terrible, car cela montre que le PS n’est pas le seul à être mal en point et qu’il n’y a pas d’alternative à gauche, que l’alternative se situe en fait de l’autre côté, c’est à dire entre la droite classique et le FN. Le score de l’UMP, lui, est décevant pour ses partisans, mais il faut quand même lui ajouter celui de l’UDI. On a donc une reconstitution d’une droite à deux têtes et, au final, d’un jeu politique à trois : entre la droite parlementaire constituée de l’UMP et de l’UDI, la gauche et le FN.
Dans ce nouveau contexte, le Front national est-il le premier parti de France ?
Non, le FN n’est pas le premier parti de France, ce n’est pas sur une élection qu’on le devient. Mais si ça continue comme ça, aux élections régionales, l’an prochain, le FN pourrait faire entre 25 et 30%. Il n’y a pas de raison que ça change, il n’a aucun souci à se faire. Parce que personne ne se pose la question de ce que disent les gens qui votent FN. Quand on écoute les responsables politiques traditionnels, ce sont tous des abrutis et des irresponsables qui n’ont rien compris à l’Europe, et qui, en plus, défendent des idées qui ne sont pas respectables. Cette critique des électeurs est très compliquée… Tant qu'elle perdurera de la sorte, les gens continueront à voter pour le FN. On leur répète constamment qu’ils sont stupides et racistes. A force, l’électeur du FN finit par répondre : oui, d’accord, je suis bête, je suis raciste, et alors ?
Les responsables politiques français n’ont donc toujours pas saisi la signification de ce vote FN ?
L’inconscience des responsables politiques classiques est totale : ce soir, en regardant la télévision, on voit que Juppé et Fabius sont d’accord sur tout. C’est dur à regarder parce que c’est exactement le message que fait passer le Front national sur l’ « UMPS ». C’est catastrophique
Mais l’abstention n’explique-t-elle pas en bonne partie la « victoire » du FN ?
Pas cette fois. Pour la première fois, la petite hausse de la participation a profité au FN, alors que d’habitude c’était le contraire. Ce qui montre que le FN est désormais un parti installé, avec un fort vote d’adhésion. Ce n’est plus seulement un parti de protestation. Même si, lors de ce vote des européennes, les gens ont pu se dire : on a une chance de faire un très bon score donc on va enfoncer le clou, montrer qu’on arrive, qu’on s’installe.
Le gouvernement est-il le principal responsable de cet échec ?
Sa responsabilité est importante parce qu’il a mené une politique de droite, indifférenciée de celle que menait la droite de Sarkozy. Et il n’a pas tenu ses promesses faites sur l’Europe en ne renégociant pas les traités, comme il l’avait annoncé en 2012. Mais la légitimité du gouvernement n’était pas en jeu.
Comment expliquer l’effondrement du Front de gauche en France alors que son allié, Syriza, a totalement fait oublier le Pasok, en Grèce ?
Le Front de gauche a un vrai problème de leadership et de différenciation. Cette gauche en France n’a pas l’équivalent d’un Alexis Tsipras en Grèce. Et puis Syriza a su se constituer en un véritable parti alors que le Front de gauche n’est pas un parti mais une coalition.
Les Européens n’ont jamais semblé aussi unis que ce soir, même si c’est, paradoxalement, dans la contestation…
Dans beaucoup de pays, les partis d’extrême droite alliés au FN ont fait de très bons scores. Au Danemark, par exemple, l’équivalent du FN est aussi arrivé largement en tête. Ça n’aura pas de conséquences au sein du Parlement européen parce qu’il n’est pas sûr que tous ces partis parviennent à s’allier. Mais ça en dit beaucoup sur la manière dont sont perçus l’Union européenne et le système politique en place dans chaque pays.
Le vote de ce soir est-il un rejet de l’Europe ou seulement d’une Europe ?
On paye ce soir la construction européenne comme elle est menée depuis trente ans. On n’a jamais vraiment demandé aux gens quelle Europe ils voulaient. On leur a dit : voilà l’Europe comme elle doit être, c’est à prendre ou à laisser et si vous n’en voulez pas, vous n’êtes que des abrutis. C’est comme ça depuis les années 1980. On a finalement l’impression que si on avait dit non à Maastricht, ça n’aurait pas changé grand-chose, quand on voit ce qu’il est advenu du référendum de 2005...
Faut-il donc sacrifier l’Union européenne ?
Non, l’Union européenne doit survivre, on ne va pas en sortir comme ça, d’un coup. Une immense majorité d’Européens a quand même compris qu’il fallait construire un projet commun, que c’était essentiel. Mais l’Union européenne d’aujourd’hui est un vide politique. La construction européenne est guidée depuis trente ans par une politique libérale au sens profond du terme. Et ce qui est clair, c’est que cette politique non démocratique n’est plus approuvée par une majorité d’Européens.
Les européennes marquées par la victoire du FN en France
BRUXELLES (Reuters) - Répétition orthographique, bien lire Nigel Farage §2-16)La première place obtenue par le Front national en France a marqué les élections européennes bien au-delà des frontières de l'Hexagone dimanche, mais le vote protestataire et anti-européen a progressé dans beaucoup d'autres pays touchés par l'austérité et un chômage élevé.
En Grande-Bretagne, le Parti de l'indépendance du Royaume-Uni (UKIP) de Nigel Farage, qui prône une sortie immédiate de l'UE, a lui aussi bouleversé l'échiquier politique et s'oriente vers sa première victoire à une élection nationale.
Sans attendre les résultats définitifs, le Premier ministre français, Manuel Valls, a estimé que la victoire du FN, crédité de 26% des voix - cinq points de plus que l'UMP et 12 de plus que le Parti socialiste -, était "un choc, un séisme (...) pour la France et pour l'Europe".
Pour Marine Le Pen, la présidente du FN, "le peuple a parlé haut et clair (...) Il ne veut plus être dirigé du dehors, se soumettre à des lois qu'il n'a pas votées, ni obéir à des commissaires qui ne se sont pas soumis à la légitimité du suffrage universel."
Une participation faible (43,1% à l'échelle de l'Union) a favorisé dans bon nombre d'Etats membres les partis d'extrême droite et de la gauche radicale, même si en Allemagne, en Italie et en Espagne, les partis au pouvoir l'ont emporté.
Si les eurosceptiques semblent en passe de doubler leur nombre de sièges au Parlement européen, ils n'empêcheront pas la droite et la gauche social-démocrate de conserver le contrôle de l'assemblée.
Sur la base des dernières projections officielles, le Parti populaire européen (PPE), où siègent notamment les députés européens de l'UMP française, de la CDU allemande et du Parti populaire espagnol, arrive en tête avec 212 des 751 sièges du futur Parlement.
"Le PPE est en train de gagner les élections européennes. Et il revendique donc la présidence de la Commission européenne", a déclaré sur son compte Twitter Jean-Claude Juncker, le candidat du bloc pour la présidence de l'exécutif communautaire.
QUEL PROFIL POUR LA FUTURE COMMISSION ?
L'ex-président de l'Eurogroupe et ancien Premier ministre luxembourgeois a également souligné que le conseil européen devrait respecter l'issue des élections au moment de désigner le successeur de José Manuel Barroso à la présidence de la Commission.
"Si les dirigeants ne respectent pas le principe selon lequel ils doivent choisir un des candidats, c'est leur problème", a-t-il dit.
Les chefs d'Etat et de gouvernement des Vingt-Huit se réuniront pour un dîner informel mardi soir à Bruxelles pour tirer les premières conséquences de ce scrutin continental et engager des discussions sur le profil de la future Commission.
Le Parti socialiste européen (PSE) est quant à lui crédité de 186 sièges. Son candidat à la succession de Barroso, l'Allemand Martin Schulz, a déploré "une sale journée pour l'Union européenne quand un parti avec un programme raciste, xénophobe et antisémite obtient 24 à 25% des voix en France".
"Mais ces électeurs ne sont pas des extrémistes, ils ont perdu confiance, ils ont perdu espoir", a-t-il dit.
Le président du Parlement européen sortant a également refusé de concéder sa défaite. "Une chose est claire: le PPE va perdre 60 sièges au Parlement. Et une seconde chose est aussi claire: sans accord avec l'aile socialiste et démocrate du Parlement, aucune majorité n'est possible."
L'alliance hétérogène des eurosceptiques et des europhobes obtiendrait dans son ensemble jusqu'à 141 élus mais se présente en ordre dispersé. Or, pour constituer un groupe politique au Parlement, il faut réunir un nombre minimal de 25 députés issus d'au moins sept pays de l'Union.
Dans une interview accordée vendredi à Reuters, Nigel Farage, le président de l'UKIP, a exclu de former une alliance avec le Front national. "Je ne veux pas être impoli envers Marine Le Pen, ce n'est pas nécessaire, mais je ne pense pas que son parti fasse partie de notre famille politique", a-t-il dit.
Le FN, qui travaille depuis plusieurs années avec le FPÖ autrichien, le Vlaams Belang flamand, les Démocrates suédois, et discute avec le PVV néerlandais, estime pour sa part que la porte de l'UKIP n'est pas fermée.
"Sa position est tactique. Son objectif est d'avoir un groupe et d'en être à la tête. S'il n'y arrive pas, peut-être qu'il changera d'avis", disait Marine Le Pen de Nigel Farrage dans une interview accordée à Reuters à deux semaines du scrutin.
Suivent l'Alliance des démocrates et libéraux (ADLE), projetée à 70 sièges et dont le chef de file pan-européen, l'ex-Premier ministre belge Guy Verhofstadt, mettant en exergue le recul du PPE et du PSE, a insisté sur "la nécessité de négociation élargie avec le troisième groupe".
Les écologistes emmenés par le tandem formé par l'Allemande Ska Keller et le Français José Bové devraient disposer de 55 élus et la gauche radicale européenne ralliée derrière le Grec Alexis Tsipras de 43 députés.
UN PARTI ANTI-IMMIGRATION EN TÊTE AU DANEMARK
Compte tenu de ces résultats, les retombées politiques de ces élections pourraient se faire ressentir plus fortement au niveau national qu'à l'échelle de l'Union, en incitant certains partis conservateurs à infléchir leur ligne vers la droite et à mettre l'accent sur leur politique d'immigration.
Au Danemark, le Parti populaire, ouvertement anti-immigrés, devrait arriver en tête avec 23% des suffrages et en Hongrie, le mouvement d'extrême droite Jobbik, accusé de racisme et d'antisémitisme, se classe en deuxième position avec 15%.
A l'aune de ces performances, le PVV (Parti pour la liberté) néerlandais, le parti anti-islam et eurosceptique de Geert Wilders, allié potentiel du FN français au PE, peut être déçu: il a raté la première marche du podium, son objectif, en se classant derrière les chrétiens-démocrates.
En Allemagne, l'AfD, un mouvement créé l'an dernier qui milite pour l'abandon de l'euro, a remporté ses premiers sièges de députés avec environ 6,5% des voix. Mais il reste loin de la CDU-CSU d'Angela Merkel, créditée de 36%, et des sociaux-démocrates du SPD, à 27,5%.
En Italie, le Parti démocrate (PD) du président du Conseil Matteo Renzi triomphe avec un peu plus de 40% des voix selon des projections de la Rai, reléguant le Mouvement 5 Etoiles de Beppe Grillo à près de vingt points (23,1%).
En Grèce, c'est un parti de gauche bien plus radical, Syriza, qui est donné en tête avec 26,7% des voix, reléguant la Nouvelle démocratie du Premier ministre Antonis Samaras à 22,8%.
Ce résultat peut évidemment s'expliquer par les conséquences de la politique d'austérité mise en oeuvre par Athènes sous la férule de la "troïka" (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international).
Pour autant, le gouvernement Samaras, qui ne dispose que de deux sièges de majorité au Parlement national, affichait sa confiance dimanche soir.
Le scrutin grec a aussi été marqué par les 9,3% attribués au parti extrémiste Aube dorée.
(avec les bureaux européens de Reuters; Henri-Pierre André et Marc Angrand pour le service français)
Anne Sinclair, Directrice éditoriale du Huffington Post
Frappant hier soir, le choc et la stupeur, devant le score respectif des trois principaux partis français: la victoire du FN, la défaite de l'UMP, la déroute du PS.
Saisissant, le sourire triomphant de Marine Le Pen, suivie par plus de micros et caméras que jamais son père ne déplaça.
Déconcertantes, les mines désemparées de l'UMP et surtout celle de Jean-François Copé qui sait que les règlements de compte ne vont pas tarder, peut-être même dès mardi: il fallait entendre François Fillon, Rachida Dati, Brice Hortefeux, ou plus élégamment, Alain Juppé pour savoir que les jours, ou du moins la liberté de manœuvre de l'actuel Président de l'UMP sont comptés.
Impressionnants, le visage décomposé de Stéphane Le Foll, le porte-parole du gouvernement, et celui, plus sombre que jamais de Manuel Valls.
Insupportables, ces expressions répétées tant de fois qu'on ne peut plus les entendre: "coup de tonnerre", "coup de semonce", "alerte", avant que sur France 2, deux personnalités politiques atypiques, trouvent des mots justes pour qualifier la soirée: Jean-Luc Mélenchon, l'air ravagé, disant "je suis triste pour ma patrie", ou Rama Yade parlant de "tragédie démocratique".
Inattendu, le communiqué au ton grave de l'Elysée qui convoque une réunion de crise ce lundi, comme pour endiguer une catastrophe naturelle.
Enfin, troublantes, les unes des journaux étrangers, comme en témoignent l'éclat de rire de la présidente du FN en première page du Financial Times, ou les titres chocs des sites européens du Huffington Post, où l'exemple français vient illustrer le traumatisme de ces élections : "Schock in Frankreich", "Le Pen sul trono di Francia" ou "la ultra le Pen arrasa en Francia" : pas besoin de traducteurs, les eurosceptiques sont partout mais l'ouragan est en France.
Tout cela vous l'avez vu. Je devrais même dire vous l'avez revu. Il y a douze ans, le 21 avril 2002, je me souviens de ces visages consternés, de ces Français en pleurs dans les rues, de ces banderoles disant "plus jamais cela". On a déjà vécu cet ébranlement, rien n'a changé depuis dans le train-train de la politique française, et personne ne pleurait hier soir dans les rues de nos villes.
Sans doute parce que nous nous sommes malheureusement habitués à la montée de l'extrême droite, mais aussi parce que la différence est de taille: hier, ce n'était pas une élection nationale, mais une élection européenne; Marine Le Pen n'est pas arrivée en tête à la présidentielle, mais, à l'instar des autres pays du continent, a bénéficié du rejet d'une Europe incomprise des citoyens, et du désarroi des peuples soumis à la crise. Les Français n'ont pas donné mandat de gouverner à l'extrême droite mais ont dit leur méfiance vis à vis de tous les partis de gouvernement - et principalement et très sévèrement vis à vis du Parti Socialiste - sans conséquence majeure sur l'avenir immédiat de la République: les sondages publiés dimanche soir par Harris, Ipsos ou CSA disent tous le même chose, les Français ont voté en fonction d'enjeux européens avant tout, sans prendre de risque au niveau national.
Il ne faut donc pas tout mélanger. Le scrutin d'hier a d'abord des conséquences européennes: une Union Européenne à droite avec une domination du PPE; et une grosse poussée eurosceptique, qui aura des répercussions sur les politiques économiques, et notamment sur les contraintes budgétaires dans l'Union, vécues comme une insupportable austérité.
Mais on distingue mal encore l'ampleur des rebondissements sur la politique française. François Hollande, qui voit sa popularité baisser sans cesse, qui subit des désaveux cinglants tous les deux mois (alors que le Parti Démocrate de l'italien Matteo Renzi ne se porte pas si mal), doit agir. Oui, et dire quoi? Manuel Valls, miraculeusement encore populaire, ne peut pas ne pas tenir compte de ce scrutin dans la politique conduite par son gouvernement. Oui, mais pour faire quoi? L'opposition devra sans doute repenser l'alliance entre droite et centre, ce qui chagrinera Jean-François Copé et réjouira Alain Juppé. Oui, mais avec quel leader? Nicolas Sarkozy, dont curieusement la tribune dans le Point a été accueillie avec une certaine indifférence, va continuer à donner les signes d'un retour probable, mais 2017 est encore loin. Quant au FN, qui gère désormais des villes contentes de leur vote aux municipales puisqu'elles l'ont confirmé en mettant les listes frontistes en tête, une fois sa victoire clamée, brandie, savourée, va se retrouver dans une situation qui ne lui sera probablement pas aussi favorable de sitôt. La dissolution n'aura pas lieu, la proportionnelle n'est pas pour demain (sinon peut-être une "instillation", dont on parle depuis vingt ans), et les accords électoraux nécessaires pour arriver au pouvoir, pour l'instant, n'ont pas d'écho: il fallait voir les clins d'œil appuyés de Florian Philippot à Henri Guaino et Rachida Dati "avec lesquels je pourrais travailler" pour mesurer sa solitude.
Les vrais enjeux sont plus profonds et vont bien au-delà de la tactique politique: comment refonder une démocratie vivante avec des citoyens qui s'en sentent exclus? Comment redonner confiance dans les gouvernants quand depuis 20 ans, les hommes et femmes politiques de ce pays patinent sur un chômage qui mine la santé démocratique de la France? Comment rebâtir un consensus républicain avec des repères socio-économiques complètement chamboulés (le Nord et le Pas de Calais, à la population ouvrière depuis toujours, qui se donne à plus de 30% au Front National parce qu'ils se sentent à la dérive)? Comment, pour tout dire, répondre aux peurs de la société française ?
"Cela fait trop longtemps, gauche et droite confondues, que l'on évite de traiter les choses en profondeur" disait hier soir Manuel Valls. C'est vrai, mais c'est d'une telle ampleur que ça pourrait s'appeler refonder la République. Bigre...
"Le Pen est le visage sinistre du pourrissement républicain"
CARREFOUR DES GAUCHES - Mehdi Ouraoui, ancien bras droit d'Harlem Désir à la tête du PS et membre du Conseil national du PS, publie cette semaine un brûlot où il accuse le PS et l'UMP d'être directement responsables de la victoire du Front national. Dans cet essai intitulé Marine Le Pen, notre faute (Editions Michalon), il dénonce la passivité des deux grands partis face au "délitement républicain" et met en cause l'austérité pratiquée par le gouvernement Valls. Le JDD en publie les meilleurs extraits.
"Ce monstre que nous avons créé"
"Comment avons-nous pu en arriver là? Tristesse, amertume, révolte…Pour ma génération militante, qui avait 20 ans le 21 avril 2002, le triomphe de Marine Le Pen n’est pas seulement une défaite politique majeure, c’est un crève-cœur. Divisée, démobilisée, déboussolée, la gauche vient de subir un nouveau 21 avril, le Parti socialiste est une nouvelle fois relégué derrière la droite et l’extrême-droite.
Le plus désespérant, c’est l’absurde ballet des responsables de gauche et de droite qui, errant tels des âmes en peine sur les plateaux de télévision, s’accusent mutuellement de ce désastre, avec le Front National en arbitre des élégances. Il y a, comme toujours, les indignés, les affligés, les professionnels de la langue de bois qui relativisent la catastrophe et nous expliquent que tout peut et doit continuer comme avant. Parmi eux, aucun pour dire cette vérité simple, qui requiert certes un peu de lucidité et d’humilité : nous portons une responsabilité dans le succès de Marine Le Pen.
(…) Les partis républicains ont été incapables depuis 30 ans de réduire la progression du Front national. Ni l’antiracisme festif de SOS Racisme ni le braconnage sarkozyste sur les terres lepénistes ne l’ont empêché de devenir une force politique centrale, avec des résultats électoraux à deux chiffres. Les mêmes partis républicains ont toujours refusé toute introspection, toute autocritique, sur leur responsabilité dans la montée du Front national, qu’ils imputent trop facilement à la crise (...).
La défaite de la pensée de gauche
Nous sommes quelques-uns, dès les universités d’été 2013 du PS à la Rochelle, à avoir défendu la nécessité pour la gauche de mener la bataille idéologique, le "combat culturel" comme disait Gramsci. C’est la seule solution pour faire avancer nos idées de progrès dans un pays qui n’a pas été converti au socialisme comme par enchantement le 6 mai 2012. Notre victoire électorale à la présidentielle n’a pas signé notre victoire idéologique ni notre hégémonie culturelle, loin s’en faut!
Nous sommes dans la situation paradoxale où la gauche n’a jamais détenu autant de pouvoirs, nationaux et locaux, et se retrouve pourtant incapable d’imposer ses idées, ses choix, ses valeurs dans le débat public. Nous avons tous les pouvoirs et sommes réduits à l’impuissance… Il suffit, pour s’en convaincre, de se souvenir du feuilleton ridicule sur la Procréation Médicalement Assistée, abandonnée piteusement au lendemain d’une manifestation pourtant décrite comme "extrémiste" par nombre de dirigeants de gauche. Enième reculade.
Il est rageant de voir la gauche battre en retraite face à ce que l’intellectuel israélien Zeev Sternhell, reprenant le mot de Nietzsche, appelle les "anti-Lumières", ce mouvement profond de la société française fondé sur le rejet des valeurs des Lumières : la raison, le progrès, l’universalisme et les droits…
Face à ce bloc droitier de plus en plus homogène, agressif, sûr de ses valeurs conservatrices, la gauche ne parvient pas à affirmer solidement sa légitimité à gouverner. Pour quelques grandes réformes, la refondation de l’Ecole par exemple, combien de renoncements et de déceptions avons nous infligés aux Français? Notre ligne Maginot idéologique est en train de céder face aux assauts de cette nouvelle droite. Pour preuve, notre difficulté à définir même ce que nous sommes : "sociaux-démocrates" disent les uns, une gauche "sociale-patriote" pour les autres, "sociale-libérale" redoutent certains… Nous ne parvenons même plus à nous définir par cette identité qui a traversé le siècle dernier : être tout simplement so-cia-listes! Après tout, même si certains rêvent de rebaptiser le PS, les Français n’ont pas voté en 2012 pour le "Parti social-démocrate" ni encore moins pour le "Parti social-libéral"…
Pour dire les choses plus clairement encore : je crois que la ligne politique portée par Manuel Valls est dangereuse pour la gauche. Elle reprend les vieilles recettes de la "Troisième Voie" blairiste : "trianguler", adopter les thèmes de l’adversaire, un discours d’ordre sécuritaire et de libéralisme économique. Or, la recette de Blair a échoué. Certes elle permet à celui qui l’emploie de caracoler en tête des sondages grâce aux bonnes opinions de droite, mais elle fait du mal à la majorité en éloignant de nous le peuple de gauche. C’est normal : on ne peut pas mener la bataille idéologique en se plaçant d’emblée sur les terrains de prédilection de la droite.
Pis : c’est l’indifférenciation entre la droite et la gauche, cette idée mortifère que "tout ça c’est pareil, ça ne change pas ma vie", qui nourrit le rejet du politique et la montée du Front national dans notre pays. Comment peut on combattre l’idée de "l’UMPS" portée par Marine Le Pen si la différence s’estompe entre gauche et droite, au point qu’au cœur du pouvoir, à l’Elysée, le secrétaire général soit un ancien ministre sarkozyste? (...) Comble de l’ironie, l’absence de nos alliés communistes au gouvernement n’a pas empêché les couacs ni la désorganisation : on est juste passé de la "gauche plurielle" à la "gauche bordel"… (...)
De quoi Marine Le Pen est elle le nom?
Elle est dangereuse mais elle est avant tout le symptôme d'une crise beaucoup plus profonde contre laquelle les partis traditionnels ont refusé d'agir: le délitement républicain, dont l’extrême-droite se nourrit. Comment ne pas voir que les 4 grands piliers de la République sont minés?
L’Ecole, la méritocratie, l’ascension sociale, n’ont pas résisté à la ségrégation sociale qui alimente le désespoir de la jeunesse, les frustrations et la détestation d’élites qui se reproduisent sans partage. L'Etat-providence et la redistribution subissent les assauts des ultralibéraux depuis les années 1980 et le discours sur l’assistanat a battu en brèche l’attachement national à la fraternité et à la solidarité.
L'intégration et la laïcité sont quotidiennement remises en question par la montée des communautarismes mais aussi par la banalisation des discours racistes jusqu’au plus haut niveau de la société, dans une France où une enfant est incitée à traiter une ministre noire de "guenon". Et évidemment la vie politique est sclérosée, sans parité ni diversité, verrouillée par des professionnels qui se lamentent de voir les jeunes et les ouvriers se tourner vers le FN mais ne leur donnent pas la place qu’ils méritent dans la démocratie française. Il faut casser l’idée dangereuse d’un "système" qui étouffe la démocratie, de représentants qui ne représentent plus qu’eux-mêmes (...).
La gauche ne peut se contenter des discours politiquement corrects qui proclament que "la France a des atouts pour s’en sortir" comme une pensée magique anti-crise, une méthode Coué qui ne fait pas un projet politique. Nous devons, contre le délitement républicain, redonner de la force et de la réalité au "rêve français" qui était la promesse du 6 mai 2012 (...).
Marine Le Pen est notre Portrait de Dorian Gray, elle est le visage sinistre du pourrissement républicain que trop de responsables politiques refusent de voir en face. Il ne suffit plus de pointer le risque, réel, que représente le Front National, il est temps de répondre à la crise de valeurs que notre pays traverse. La gauche n’y parviendra pas en étant timorée, ni en s’engluant dans la gestion sans ambition d’une austérité qui exaspère les Français. Le temps d’une autre politique est venu.
Européennes : pourquoi le 25 mai est plus grave que le 21 avril
Analyse. Mesurons l'ampleur du séisme politique des élections européennes en France : le 25 mai 2014 est bien plus grave que le 21 avril 2002. Pour trois raisons. D'abord parce que la victoire historique du FN dans un scrutin national ne provoque pas de réaction collective, comme si l'encéphalogramme démocratique restait désespérément plat, là où le 21 avril avait conduit une partie de la société française, notamment de sa jeunesse, à sortir dans la rue et la gauche à se battre pour permettre la victoire de Jacques Chirac contre Jean-Marie Le Pen.
La société française a donc choisi une forme de « laisser-faire ». En conscience. Alors que les sondages annonçaient assez précisément l'ampleur du vote FN, donné à 24 % vendredi soir par l'ultime enquête Ipsos-Steria, les électeurs de la droite et de la gauche républicaine, plus encore, ont laissé le parti d'extrême droite l'emporter.
Là où les électeurs FN se sont mobilisés, par conviction, la « génération » du 21 avril – celle qui a trente ans aujourd'hui – apparaît totalement désabusée, et le FN peut se présenter tranquillement comme le parti leader parmi les 18-35 ans. La stratégie de « dédiabolisation » du Front national, portée par Marine Le Pen, a donc porté ses fruits.
Deuxième raison : le 25 mai marque aussi une nouvelle défaite des partis dits de gouvernement, embourbés dans leurs affaires internes, incapables de se renouveler, déconnectés de la société, pétrifiés par l'ampleur des crises économiques, sociales, démocratiques.
Dans la tectonique des plaques politiques, le mouvement engagé par le FN n'a pas fini de provoquer des répliques et de fracturer ce qui reste de la politique d'« endiguement » de l'extrême droite – dans ce contexte, le « front républicain » n'est plus qu'un lointain souvenir. Après les élections municipales, les européennes, ce seront les régionales, probablement à l'automne 2015, avec une droite profondément divisée, et une gauche anémique, sans réserves, sans idées, sans souffle, et à la limite de la relégation en seconde division politique dans certains territoires, les plus paupérisés, où elle franchit à peine les 10 % de voix.
UNE PAROLE PRÉSIDENTIELLE DÉMONÉTISÉE
Troisième raison, la plus grave. Le 25 mai rend plus illusoire encore la réforme de la société française. Que peut donc faire François Hollande après un désaveu aussi profond ? Comment peut-il gouverner avec une majorité politique aussi fragile ? Comment assumer et porter l'effort de rigueur budgétaire, là où pour l'instant il n'en est resté qu'aux préliminaires ? François Hollande peut-il relancer ce qu'il reste de son quinquennat sur une réforme structurelle ?
Et notamment sur la grande réforme territoriale, désormais présentée comme la mère des batailles pour permettre d'engager la baisse des déficits ? Le chef de l'Etat va devoir s'opposer à ses troupes d'élus, à une droite d'autant plus combative qu'elle va regagner la plupart des pouvoirs locaux, et à tous les lobbies possibles, du BTP aux syndicats de fonctionnaires territoriaux. Il va devoir se plonger dans le Meccano des équilibres locaux, des usines à gaz des collectivités, des identités locales, notamment départementales – très loin des préoccupations exprimées par les Français.
François Hollande peut certes continuer à jouer des mots, notamment sur l'Europe, pour exiger sa réorientation politique et le desserrement des contraintes budgétaires. Mais les paroles du chef de l'Etat n'ont pas plus de poids à l'échelle européenne que sur le territoire français, et ses discours n'impriment plus, nulle part, ni à Bruxelles, ni à l'Assemblée, ni à Forbach, ni à Lille ou Marseille, ni même au sein du Parti socialiste. Dans l'opinion, François Hollande est passé au-delà de la colère, il relève désormais d'une forme d'indifférence – le pire qui puisse aujourd'hui arriver à un homme politique, tant celle-ci signe son impuissance.