Race horizontale contre race verticale
Nous arrivons maintenant à la grande formule de l’attitude du XXe siècle concernant la race : la race est une différenciation horizontale des hommes. Le matérialisme du XIXe siècle, confondant race et anatomie, considérait la race comme une différenciation verticale des hommes. Il était « abstrait » – éloigné de la réalité – et partait de la volonté de systématiser, plutôt que de la contemplation sereine des faits vivants. Une telle contemplation était rendue difficile pour eux par l’existence du nationalisme politique, qui tentait de construire des murs de toutes sortes entre les races et les peuples de l’Occident.
Mais s’ils avaient été capables de parvenir à une vision des faits, ces matérialistes auraient vu que les races de l’Europe étaient des créations de l’Histoire et pas une simple continuation du matériel aborigène qui était présent en 900 après J.C., avant le début de la haute Histoire dans cette région. En voyant le processus de création des races, ils auraient vu que la signification de la race était bien plus grande au sens subjectif qu’au sens objectif. Car ce sont toujours des hommes racés qui créent les actions de l’Histoire, et les unités qu’ils dirigent sont d’une importance secondaire.
La tentative de créer un système de races vertical était apollinienne – c’était un effort de l’intelligence. En réalité, la race a la signification primordiale de la présence d’un puissant rythme cosmique – une signification dionysiaque.
Le point de vue du XXe siècle dans cette matière part des faits, et le fait observé est que toutes les minorités fortes – à l’intérieur comme à l’extérieur d’une Haute Culture – ont accueilli dans leur société l’étranger qui était attiré par elle et qui souhaitait la rejoindre, quelle que soit sa provenance raciale, objectivement parlant. Le snobisme racial du XIXe siècle était intellectuel, et son adoption dans une sphère trop étroite par la Résurgence de l’Autorité en Europe entre les deux premières guerres mondiales fut une grotesquerie.
Ce qui compte pour une unité engagée dans une mission, c’est la force de volonté que d’autres groupes peuvent lui apporter. Interpréter la mission historique comme étant la « sauvegarde de la pureté de la race » dans un sens purement biologique est du pur matérialisme. La race, dans ses deux significations, est le matériel de l’Histoire, et non l’inverse. La race fournit la fécondité, la sûreté et la volonté-de-puissance à la Mission. La Mission ne peut jamais être de rendre la race « pure » au sens biologique, aussi satisfaisant que pourrait être un tel résultat esthétiquement. Et avec ce dernier mot on en arrive à l’autre facteur dans le lien tragique entre cette vision démodée de la race et le puissant et vital mouvement de Résurgence de l’Autorité : nous avons vu que tous les concepts du XIXe siècle dans ce domaine, Race, Peuple, Nation, Etat, Culture, étaient d’origine rationaliste-romantique. Romantique : la moitié de cette mésalliance du Futur et du Passé a son origine dans des idées romantiques-esthétiques. L’esthétique est pourtant un domaine à part, et n’a pas une vitalité suffisante pour fournir la motivation d’un combat politique. Sa présence ici ne peut être que superflue.
La dure valeur historique dans cette matière est simplement celle-ci : ce qui compte c’est seulement que la Mission soit accomplie, même si dans le processus tout le reste est anéanti. Et après ? Darius a-t-il jamais pensé qu’un jour les lions rôderaient sur sa terrasse de Persépolis ? Et s’il l’avait fait, qu’aurait-il pu y faire ? L’Histoire, avec ses grands rythmes – les plus amples et les plus profonds que nous connaissons – est aussi immergée dans le Cosmos, et le fait que l’homme de Culture pense qu’il puisse imposer sa volonté au futur éloigné dans les millénaires est seulement un hommage à sa fierté d’intelligence, mais pas un compliment pour sa sagesse. Nous pensons ici en siècles, pas en mois ou en années. Il faut s’opposer à l’attitude du après moi le déluge, qui prévaut en ce moment. Ce n’est pas se dérober à son devoir de dire que seule la Mission historique compte, mais la plus haute affirmation possible du Devoir.
Il n’y a pas de devoir pour la race. La race au sens vertical est une abstraction, ne correspondant à rien d’existant. Si elle est prise au sérieux, elle conduit la victime en-dehors du chemin de l’Histoire et dans un cul-de-sac esthétique.
Pour la vision du XXe siècle, un homme n’appartient pas à une race – soit il a de la race, soit il n’en a pas. Dans le premier cas, il a une valeur pour l’Histoire ; dans le second, il est sans valeur, un laquais.
La tentative d’interpréter l’Histoire en termes de race doit être abandonnée. Le XXe siècle la voit tout à fait autrement. Cette tentative fut une mode, historiquement parlant. Ce fut la vogue d’un siècle. Elle est maintenant complètement morte. Sa dernière formulation, et sa plus radicale, tenta même d’intervenir dans le domaine de l’action. Ce fut la dernière tentative de ce genre. Un Empire de mille ans – oui, cela a existé, en Inde, en Chine, en Egypte. Mais les dernières nations qui posèrent les fondations de ces Empires ne pouvaient pas savoir si les barbares viendraient bientôt ou jamais. L’Empire de Montezuma aurait aussi pu durer mille ans, mais les Espagnols apparurent. Il n’y a pas de garantie de durée, raciale ou autre. En fait c’est la race qui doit être interprétée en termes d’Histoire, car c’est la séquence de développement factuelle. Ce point de vue n’est pas une mode, une image abstraite arbitraire, mais un point de vue reflétant les faits de l’histoire.
Extrait du livre de Francis P. Yockey, Imperium (1948). |