Collectivités. Les présidents de région, réunis vendredi en congrès, ne cachent pas leur inquiétude face à la réforme territoriale et à un an d'élections qui s'annoncent difficiles.

Ils ne savent plus vraiment où ils habitent, les présidents de région, socialistes à une écrasante majorité. Le nombre de leurs fiefs passera bientôt de 22 à 13 en métropole, la réforme territoriale est aussi confuse qu'inachevée et la défaite leur est promise aux prochaines élections de décembre 2015.
La visite de Manuel Valls, hier au congrès de l'ARF (Association des régions de France), n'était donc pas superflue pour tenter de ramener un peu de clarté et de sérénité. Arrivé la veille à Toulouse, le Premier ministre a dîné dès jeudi soir avec les barons régionaux au siège de Midi-Pyrénées. « C'était un buffet debout, il ne fallait pas que ce soit d'une opulence ostentatoire », glisse avec un sourire entendu un invité.
Le lendemain, devant un amphi bondé de cadres territoriaux, Valls s'est fait le chantre de la régionalisation, donnant droit à deux des revendications principales de ses hôtes. « Les régions disposeront d'une compétence exclusive » en matière de soutien aux PME, a affirmé le Premier ministre, à la grande satisfaction d'Alain Rousset, le président de l'Aquitaine et de l'ARF. En second lieu, les régions disposeront d'une fiscalité économique dont elles étaient privées depuis la réforme Sarkozy de 2010. En résumé, des compétences et des moyens, même si pour les élus régionaux le calendrier est encore flou. Pour les compétences (qui sont aussi gagnées au détriment des départements), le chef du gouvernement a assuré que l'affaire serait réglée au Parlement « en février au plus tard ». « C'est absolument nécessaire car sinon on va tous partir en campagne pour les régionales sans savoir exactement quelles seront nos futures compétences », soupire un président de région, à demi rassuré.
Il en faudrait beaucoup plus pour regonfler à bloc les élus PS à qui les spécialistes électoraux promettent une déroute fin 2015. « Les élections locales sont rarement favorables à un parti lorsqu'il est au pouvoir, encore moins en période de crise, reconnaît Martin Malvy, le patron de Midi- Pyrénées. Nous ne sommes pas portés par une vague, mais quel sera le climat dans un an ? » Seul président UMP de région, l'Alsacien Philippe Richert arbore, lui, un grand sourire : « Moi, je suis très serein, personne n'est dupe : les régionales vont avoir des conséquences très dures pour les socialistes. » « Si on vote demain, c'est une bérézina, mais d'ici un an le contexte peut changer », veut croire Nicolas Mayer-Rossignol, le jeune président de la Haute-Normandie.
Les bras chargés de trophées sur l'innovation remportés par sa région, Alain Gewerc, le patron de la Picardie, qui ne se représentera pas, fait un voeu : « J'espère que tout ce qu'on a fait pour l'économie locale ne retombera pas. » A peine descendu de l'avion qui le ramenait d'Inde pour un forum de collectivités locales, le Francilien Jean-Paul Huchon a, lui, un peu de mal à retrouver ses repères : « Ils sont chiants ces Indiens, ils m'ont enfermé pendant deux jours dans leur centre de congrès, même pas pu faire un pas dehors. » Il faut se méfier du jet lag en pleine réforme territoriale.