Ainsi donc, François Hollande s’est invité en toute dernière minute sur les terres du tout nouveau président de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Xavier Bertrand, pour inaugurer le monument des Fraternisations à Neuville-Saint-Vaast (Pas-de-Calais).

Les journalistes ont voulu y voir une visite « hautement symbolique » et ce, d’autant plus que Xavier Bertrand doit sa victoire (contre Marine Le Pen) au ralliement de la gauche. Cependant, il n’est pas sûr que François Hollande soit venu « fraterniser » avec Xavier Bertrand. Sa visite, qui ressemble plus à la visite du chef des vaincus sur les terres du vainqueur (par défaut), cache un autre message, un peu plus subtil et subliminal : celui de vouloir reprendre la main, en endormant la méfiance du vainqueur, en lui faisant croire dans l’euphorie de la victoire qu’un autre chemin est possible et que l’alliance de circonstance peut perdurer et déboucher sur un avenir meilleur.

Mais contrairement à de Gaulle et Mitterrand, François Hollande et Xavier Bertrand n’ont que peu de culture historique. Ils devraient pourtant se souvenir de ces moments de fraternisation qui ont rythmé, sur le front, la fin de l’année 1914.

Après quatre mois de guerre qui avaient fait presque 300.000 morts rien que du côté français (plus de 2.400 morts par jour !), les corps et les esprits étaient déjà épuisés. En août, on pensait que la guerre serait terminée pour Noël. Or, Noël arrive et constitue le détonateur, principalement chez les Britanniques et les Allemands, un peu moins chez les Français, parce qu’ils ont été envahis, qu’ils sont agressés. Tous ces soldats, quel que soit leur camp, sont très majoritairement chrétiens et Noël est, pour eux, une fête importante au même titre que Pâques. Il existe aussi entre les Alliés et les Allemands une sorte de communauté de situation et de souffrance. C’est pourquoi, sur certains points du front, des scènes de rapprochement ont lieu. On en profite pour enterrer les cadavres, pour discuter. Un match de football est même organisé entre Britanniques et Allemands dans le no man’s land à Ploegsteert (Belgique) à la Noël 1914.

Entre, d’une part, la visite de François Hollande et son appel à la « concorde » et, d’autre part, l’histoire des fraternisations de 1914, il n’y a que le mot campagne (politique d’un côté et militaire de l’autre) en commun. Pour le reste, cette opération de communication frise la récupération à plein nez.

Pis : ce qu’il y a d’indécent dans l’attitude de François Hollande, c’est que l’histoire et la mémoire servent de marchepied à la politique et que son attitude est décalée et totalement anachronique. Vaincu sur les terres de Nord-Pas-de-Calais-Picardie, François Hollande vient braconner les voix du centre pour se refaire une virginité politique. Lui-même sait pourtant que cette stratégie est vouée à l’échec. Qui dit fraternisation dit ouverture : VGE, Mitterrand et Sarkozy s’y sont essayés avec plus d’ennuis que de succès. Enfin, quelle naïveté de croire que le sens de l’humanité peut l’emporter sur les idéologies ! La trêve de Noël pour les Alliés et les Allemands n’a duré que quelques heures. La guerre a repris son cours, avec le résultat que l’on sait. Vae victis.