La déchéance de nationalité : un devoir
À gauche, on voit la République comme un espace qui donne des droits à tous ceux qui y pénètrent. Naître dans cet espace garantit, en outre, l’acquisition automatique de la nationalité, pour peu qu’on y soit à sa majorité depuis l’âge de 11 ans, et le droit de « réclamer » sa nationalité à partir de 16 ans, pourvu que l’on ait séjourné de manière continue ou discontinue depuis cinq ans. C’est le « droit du sol » présenté comme un droit républicain, par opposition au droit dit du « sang », dont le nom même révulse la pruderie idéologique, tant il évoque chez des esprits simplistes l’idée odieuse de la race. Pas de chance pour eux : le premier droit de la nationalité qui date du Consulat repose sur le droit du sang. Il attribue la nationalité en fonction de celle des parents. Le sang en question, c’est celui de la filiation, quelle que soit la couleur, et aussi pour les enfants adoptés. Le droit du sol, au contraire, régnait – ça va sans dire, et d’ailleurs on ne l’appelait pas ainsi – lorsque ceux qui naissaient sur le territoire du roi étaient ses sujets, dits « régnicoles ».
Bien sûr, en plus du droit du sang, il y a aussi celui de la volonté qui permet à un étranger de devenir Français. Mais, là encore, les approches sont opposées. Est-ce que l’acquisition doit être facile ou est-ce qu’elle doit être exigeante ? Une députée socialiste avait, lors d’une réunion de travail, déclaré que d’imposer à un candidat une demande écrite était pour lui une souffrance.
La carte d’identité doit-elle être comme celle d’une association, un simple ticket d’entrée, d’ailleurs de moins en moins nécessaire, puisque les resquilleurs ont eux aussi des avantages qu’on pensait réservés aux membres ? On peut en avoir plusieurs, soulignent les politiciens de gauche qui vont jusqu’à considérer qu’un détenteur de plusieurs nationalités peut être parlementaire ou ministre. Au contraire, pour qui accorde de la valeur à la nationalité, l’idée qu’on puisse participer à la défense des intérêts d’un pays, à la recherche de son bien commun, à l’élaboration de ses lois, tout en appartenant à une autre communauté nationale avec laquelle il peut y avoir un conflit d’intérêt, est une aberration.
Cet affrontement entre deux conceptions rebondit avec la déchéance de la nationalité. Elle ne doit frapper que des détenteurs de plusieurs nationalités, car le droit ne tolère pas qu’on « fabrique » des apatrides. Mais peut-on, comme l’avait promis le président Hollande, la retirer à des Français binationaux nés en France ? La gauche s’émeut à cette idée pour trois raisons. D’abord, elle brandit par réflexe le droit du sol, qui est un contresens. Ensuite, elle pense à ceux de ses électeurs qui se sentiront peut-être visés par cette mesure. Enfin, elle argumente : le risque de la déchéance n’arrêtera aucun terroriste. Sans doute, mais raisonner en se mettant à leur place est un aveu scandaleux. La déchéance n’a pas à être efficace. C’est une mesure de portée symbolique qu’on apprécie si on accorde une valeur à l’appartenance nationale. La déchéance n’est pas faite pour les déchus, qui méritent bien autre chose. Elle est faite pour rappeler qu’un traître ou un renégat n’ont pas leur place dans une nation qui se respecte. Le retrait de la proposition présidentielle aurait montré le peu d’intérêt du Président pour les symboles. Il a évité cette erreur.
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