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Le Front national va-t-il changer de nom ?
François Teutsch |
Intérieur
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Faut-il changer de nom pour changer d’image ? Cette question a déjà été tranchée par Nicolas Sarkozy, qui a transformé l’UMP en « Les Républicains », pour signifier l’avènement d’une nouvelle ère, loin des combats de coqs de l’élection Copé-Fillon. La question se pose également, et sérieusement, au Front national. Jusque-là presque taboue, elle revient sur le devant de la scène dans un contexte politique marqué à la fois par l’éviction du père fondateur et par les succès électoraux de sa fille, dont la difficulté à transformer sept millions de suffrages en exécutifs régionaux marque les limites de la stratégie.
Changer de nom n’a de sens qu’à condition de changer de stratégie : conquérir de nouveaux électeurs, s’ouvrir à d’autres horizons, rassembler plus largement, sans rien renier des fondamentaux d’un parti qui demeure, à ce jour, le pivot du souverainisme en France. Changer de nom, c’est aussi tourner la page d’un passé qui appartient désormais à l’histoire politique, et en ouvrir une autre sur laquelle tout reste à écrire. Il ne suffit pas d’un titre, fût-il accrocheur.
Le Front national est l’œuvre de Jean-Marie Le Pen. L’éternel opposant, que la conquête du pouvoir intéressait sans doute moins que la lutte tribunicienne contre le « système », a, quoi qu’on en pense, lié le nom de sa formation à un certain nombre d’erreurs, de bons mots d’un goût parfois douteux et a minima destructeurs dans une société médiatique. Mais il a permis aussi, parce qu’il était le chef incontesté, de promouvoir deux personnes, sa fille Marine et sa petite-fille Marion, qui, en dépit de leurs évidentes divergences tactiques, sont à l’origine du renouveau du parti patriote.
Mais, comme l’a souligné ici Robert Ménard, le mouvement national – entendu au sens large – n’a aucune chance d’accéder au pouvoir s’il ne poursuit un effort d’ouverture, de rassemblement, de clarification, et s’il n’achève de se transformer en parti de gouvernement. Malheureusement privé d’exécutifs locaux, à l’exception des villes conquises en 2014, il ne peut faire la preuve, en se frottant aux réalités quotidiennes de la vie publique, de sa capacité à bien gouverner. Et, à droite, il lui reste un obstacle infranchissable : cette grande peur des bien-pensants qui interdit à la bourgeoisie, aux retraités et aux professions intellectuelles de lui accorder son suffrage, bien qu’ils partagent largement ses opinions en matière d’identité nationale. Son programme économique est présenté comme un épouvantail.
Le Front national n’a donc pas le choix : soit il se cantonne à un isolationnisme hautain, soit il décide de s’ouvrir. Et de changer de nom au passage pour tourner la page Jean-Marie. À ce titre, il semblerait qu’un proche de Philippot ait déposé à l’INPI « Les Patriotes », en écho malicieux aux « Républicains ». Un nom qui pourrait faire l’unanimité à droite : dépourvu de toute agressivité, de toute référence idéologique (contrairement aux autres), il est court, parfaitement clair et percutant. Une idée excellente.
Reste à savoir si l’équipe dirigeante répondra à l’appel de Robert Ménard. Et si, à droite, des personnalités aussi diverses que Nicolas Dupont-Aignan, Philippe de Villiers, Christian Vanneste et quelques membres de l’UMP – et pourquoi pas les fondateurs de Sens commun ? – oseront franchir le pas : celui qui, par l’élaboration d’une plate-forme de gouvernement axée sur l’essentiel, permet de passer de l’illusion à la conquête du pouvoir.
Tous Patriotes ?
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