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Vendredi, 18 Décembre 2015 |
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Vous avez dit « guerre civile » ?
Jean-Paul Charbonneau |
Intérieur
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La mascarade habituelle des soirées électorales quand tout le monde est content de soi n’a pas eu lieu dimanche soir ; il y avait bien des vainqueurs mais aussi et surtout un vaincu et, si ce dernier en doutait, un bandeau énergique défilait en boucle sur les écrans, l’informant qu’« aucune région n’est gagnée par le FN ». Formule subliminale qui sous-entend que la propagation de ce parti est en tout point comparable à une contamination bactérienne !
Pendant que certains faisaient grise mine, d’autres se grisaient d’un succès d’opérette. On allait pouvoir poursuivre la représentation, maintenant que l’empêcheur de jouer en rond avait été renvoyé dans sa niche.
Reprendre la représentation, c’est continuer à dérouler un texte écrit par d’autres (l’Europe, l’OTAN, etc.), mis en scène par des réseaux influents qui tirent les ficelles de nos marionnettes politiques ; c’est continuer à jouer entre soi devant des publics blasés, sinon décontenancés. Bref, c’est continuer comme avant puisque les victoires à la Pyrrhus n’ont jamais bouleversé le cours des choses.
On va donc très vite oublier les enseignements majeurs de ce scrutin. Dans quelques semaines, le FN va sortir des écrans radar médiatiques et on l’ignorera jusqu’aux premiers jours du printemps présidentiel. On oubliera qu’en voix, plus encore qu’en pourcentage, il a progressé dans toutes les contrées et dans toutes les couches sociologiques du pays.
Mais peu importe que cette évolution s’inscrive dans la durée, peu importe qu’il s’agisse maintenant d’un vote d’adhésion, puisqu’on fera comme si tout cela n’existait pas. Les politologues de service expliqueront la « colère » du peuple avec le seul outil qu’ils connaissent : l’analyse socio-économique au relent d’un marxisme éculé. Le chômage redeviendra le problème numéro un des Français et les « valeurs » républicaines resteront dans les coffres qu’on avait voulu forcer.
Maintenant que le rideau du psychodrame des élections est baissé va se jouer, en coulisses, la comédie la plus sombre, la plus tragique de notre histoire. Au sein des états-majors des partis, dans les rédactions des médias, dans tous les cabinets et officines, dans les comités « Théodule » et autres chapelles, des hommes et des femmes vont s’entre-déchirer pour conserver traitements, prébendes et privilèges que la présence maintenant certaine du FN au second tour des présidentielles menace réellement. Cette majorité de circonstance, cette majorité improbable et hétérogène qui se félicite d’avoir lavé l’affront national, sait qu’il n’y aura qu’une seule place pour précisément… affronter Marine Le Pen.
Si une guerre civile débute aujourd’hui, une guerre sourde, haineuse et subversive, c’est bien celle-là. Cette guerre, impitoyable comme toute guerre civile, ne s’achèvera qu’à l’extinction d’un des protagonistes. On n’en connaîtra pas toutes les péripéties, on ignorera les meurtres du père, du fils ou du Saint-Esprit… On oubliera les vallées de larmes ou les torrents d’injures qui s’en échapperont mais nous serons quelques-uns à compter les points et à ramasser, non sans délectation, les cadavres de ce combat sanglant. Ainsi périra ce vieux système qui prenait trop la vie pour une comédie !
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