Le budget de la France sera au coeur des discussions de l'Eurogroupe aujourd'hui à Luxembourg.
Paris veut démontrer que son effort d'ajustement n'est pas très éloigné des objectifs.

Michel Sapin est prévenu : l'ambiance promet d'être électrique cet après-midi à Luxembourg, où se réunissent tous les ministres des Finances de la zone euro. La tension est encore montée d'un cran sur le budget français ce week-end après la charge du président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem. « Nous avons l'impression que le projet de budget de la France est assez loin de l'objectif, à la fois en termes de déficit nominal et de mesures effectives, concernant le déficit structurel et le nombre et la qualité des réformes qui doivent être réalisées », a-t-il indiqué à l'agence Reuters en marge de la réunion du FMI à Washington (lire p. 8). Il plaide pour que la France modifie sa copie avant de la rendre mercredi à la Commission.
Depuis le début du mois, le débat sur le budget français fait rage en coulisse. Et de nombreuses sources anonymes à Bruxelles répètent qu'il ne passera pas la rampe des traités. Mais les propos publics de Jeroen Dijsselbloem sont très mal passés à Paris. « C'est nous qui décidons du budget », a réagi le Premier ministre, Manuel Valls, demandant à ses partenaires européens de « respecter » la France. « M. Dijsselbloem ne représente pas l'Europe », a ajouté Michel Sapin, après s'être expliqué avec son homologue néerlandais à Washington. Cherchant à calmer le jeu, la Commission européenne est sortie de son silence, expliquant qu'elle n'avait pas, à ce stade, « formé son opinion sur le plan budgétaire français ».
Discussions incessantes
Paris n'a pas l'intention de revoir sa copie d'ici à mercredi. « Comment peut-on réellement penser que nous pourrions envoyer à Bruxelles un document différent de celui que nous avons déjà présenté au Parlement ? », s'étonne-t-on au sein de l'exécutif. S'ouvrira ensuite une phase de discussions jusqu'à la fin du mois avec la Commission sortante, puis la première quinzaine de novembre avec la nouvelle Commission. « Notre objectif est de faire comprendre et partager notre raisonnement sur l'Europe, pas de changer les règles du jeu », poursuit-on à Paris.
De fait, les discussions sont déjà incessantes afin d'éviter que la Commission émette un avis négatif sur le budget français. Paris plaide « les circonstances exceptionnelles » en lien avec une très faible croissance et inflation dans la zone euro pour justifier le report à 2017 de son objectif de déficit à 3 % de PIB. Mais l'argument ne fait pas mouche à Bruxelles. En réalité, le coeur de la discussion porte sur l'effort consenti pour ramener les comptes à l'équilibre structurel (hors effets de la conjoncture). Paris table sur un ajustement structurel de 0,1 point de PIB cette année et de 0,2 point l'an prochain, très éloigné du 0,8 point recommandé par la Commission. Cet écart a choqué les partenaires européens dont certains, comme le Portugal, ont rappelé les efforts qu'ils ont, eux, consentis. « Mais, à métrique inchangée, notre ajustement structurel est dans la marge d'acceptabilité de la Commission », plaide-on à Paris, où l'on insiste sur les 21 milliards d'économies programmées. Traitement des crédits d'impôt, impact de l'inflation, estimation de la croissance potentielle, etc., les débats techniques sont en cours entre les services de Bercy et ceux de la Commission.
Reste une dernière cartouche que compte bien tirer Paris pour gagner la mansuétude de la Commission. Celle d'un agenda précis de réformes. Pour cela, le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, a prévu de dévoiler dans les prochaines semaines les grands axes de sa loi pour la croissance. Et ce sans attendre la présentation en Conseil des ministres à la fin de l'année.