 |
Guénon, Clausewitz et la doctrine islamique du tawhid
Tahir de la Nive |
Spiritualités :: Tradition
|
AVERTISSEMENT
Ce qui suit est le texte d’une conférence donnée peu de temps après le Gulf-show de 1990. D’un Bush à l’autre, on se souvient que cet événement s’inscrivit dans un contexte historique marqué par la fin de la bipolarité Moscou-Washington avec pour face la réunification de l’Allemagne et de l’ensemble du continent européen, pour pile l’unipolarité des U.S.A.. Il s’agissait donc pour ces derniers de trouver une nouvelle justification à leur hégémonisme, au rôle de gendarme et de juge universels qu’ils revendiquèrent dès Nuremberg puis par la création de l’O.T.A.N.. Le dit Gulf-show leur en fournit l’occasion, la montée de l’Islamisme leur offrant en outre celle de se livrer sur les gouvernements européens entre autres au chantage à la déstabilisation permanente et de redéployer leur parapluie protecteur sur l’Occident civilisé, à nouveau menacé par Maures, Huns et Barbaresques.
En France notamment, le Gulf Show intervenait un an après les célébrations du Bicentenaire de 1789, festivités dont il ne conviendrait pas d’exagérer le retentissement si justement elles ne précédaient de quelques mois la négation, le parjure par la Cinquième République des principes sacrés et fondamentaux de la Première. De mémoire d’historien, jamais même un roi de France n’avait loué un seul de ses bataillons comme mercenaire de l’étranger. En 1990, les hôtes de l’Elysée ne reculèrent point devant cette honte et des soldats français tombèrent pour une cause autre que celle de la Nation française. Leur successeur alla plus loin en abolissant la conscription, l’armée citoyenne héritée de Carnot et de la levée en masse qui produisit, de Valmy à Verdun, des générations de défenseurs héroïques de la Patrie.
Certes, en l’an 2005, l’auteur exprime sa gratitude au gouvernement de Jacques Chirac et de Dominique de Villepîn pour sa fermeté face au diktat de Washington, pour avoir donné deux ans plus tôt aux Européens un exemple et rendu aux Français en particulier une parcelle de leur fierté nationale, en refusant notamment de risquer la vie d’un seul de leurs soldats pour des intérêts antinationaux ; tout en regrettant que le même gouvernement ait stupidement dilapidé, par l’affaire du ‘foulard islamique’, le capital de sympathie qu’il avait gagné pour lui-même auprès des Musulmans de France, pour la France auprès du milliard de Musulmans dans le Monde. Les attentats de Madrid et de Londres prouvent toutefois que les terroristes sont passés, sur le sol européen, du niveau de détaillants à celui de grossistes, les media du système prenant leur relai dans l’orchestration du fameux «terrorisme islamiste» dont on sait ou devrait savoir que les exécutants sont précisément des anti-islamistes formés par le Wahabisme et ses dérivés, dont la logistique est fournie, seuls les niais voyant là un paradoxe, par les régimes arabes «modérés» et alliés de Washington.
Une guerre totale est donc livrée à l’Europe mais elle n’a plus pour y faire face que des armées, une doctrine de défense, une mentalité de «guerre limitée» en termes clausewitziens ; face aux attentats, une stratégie – qu’on nous passe le jeu de mots ! – attentiste, défensive dans le second sens que l’auteur donne ici à ce terme. Ce n’est pas sans amertume qu’il enregistre la décadence de l’esprit militaire français et généralement européen, le retour de nos pays aux structures féodales sans avoir pour autant en compensation les Turenne et les Dunois. A l’heure où précisément, comme en toute période de crise, l’unité du Peuple et de l’Armée est plus que jamais nécessaire, il observe comment, au contraire, le fossé se creuse entre eux. Il est significatif qu’en France pour raison de sécurité face au terrorisme, le Peuple soit désormais tenu à l’écart des célébrations patriotiques, concédant ainsi un succès marquant à tous ceux qui, à Washington ou ailleurs, sous couvert de déstabilisation terroriste, visent à isoler, à couper le Peuple français de ses gouvernants et de son Armée.
A ce jour, une nouvelle affiche de recrutement de l’Armée vient d’apparaître. Point de drapeaux claquant entre les balles, d’appel à l’héritage des héros d’Austerlitz et de Fontenoy, à la défense de la Patrie… mais plutôt un genre de skinhead en blouson de cuir, la mine triste, sans doute parce qu’à l’A.N.P.E., c’est la déprime! Alors, l’Armée est là qui tend les bras à tous les oisifs et asociaux… comme au temps où les sergents-recruteurs faisaient boire les vagabonds en leur promettant le gîte et le couvert. Cependant, les scandales se multiplient, des exactions commises par des soldats de nos armées européennes au cours de missions dans lesquelles ils agissent en mercenaires et supplétifs de l’Amérique. Aujourd’hui, ce sont des Britanniques filmés en train de tabasser des enfants irakiens, il y a quelque temps, c’étaient des Italiens qui avaient torturé un enfant somalien… Voilà dans quoi tombent nos soldats quand ils singent trop bien leurs modèles yankee, nos armées quand elles sont ramenées au mercenariat et engagées dans des affaires qui n’ont rien à voir avec la défense du Peuple et de la Nation.
Le phénomène du terrorisme fournit donc des justifications incontestables à l’hégémonisme yankee, «pompier-pyromane» de la Planète ; ainsi qu’à tous ses sous-fifres locaux, à tous ceux qui œuvrent au retour de l’Europe à la féodalité. Au temps de l’Inquisition (est-ce par pur hasard que son grand-maître actuel vient d’accéder au ‘pontificat’?), il était courant d‘empoisonner quelques puits afin de justifier la persécution d’une minorité religieuse. Aujourd’hui, le prétendu «terrorisme islamique» vise à la culpabilisation des communautés musulmanes d’Europe. Il justifie en outre et surtout l’omniprésence de Big Brother, la mise sous caméras de tous les pays et peuples d’Europe, les arrestations arbitraires, cependant que l’on en est déjà à légaliser la réintroduction de la torture comme moyen d’interrogatoire quand ce n’est pas d’amusement des boys and girls de la US Army. Nous voici donc rejetés, à l’aube du nouveau millénaire, à l’âge le plus sombre de l’Humanité, avec cette différence que les nouveaux Inquisiteurs et leurs sbires disposent de l’informatique, du nucléaire, de la surveillance et de la communication par satellite, bref de toutes les merveilles technologiques que l’on nous présente précisément comme des instruments du bien-être de l’homme moderne.
Du point de vue du monothéisme intégral qui est celui d’un Musulman, l’auteur voit dans le retour de la société européenne à la féodalité «moins chevaliers et trouvères», à la précarité et à l’insécurité des peuples d’Europe d’une part, dans celui de leurs armées au mercenariat d’autre part, non point une coïncidence mais un phénomène global. Il l’analyse ici du point de vue supérieur, celui de la Métaphysique ou de la Tradition en termes guénoniens.
Guénon et Clausewitz: deux personnages qui au premier abord diffèrent en tout. L’auteur démontre pourtant la convergence de leurs œuvres dans une perspective unitaire: celle précisément de la doctrine islamique du Tawhid, de l’Unicité. Il se refuse toutefois à enfermer cet essai dans le cocon de l’érudition, dans la stérilité dans laquelle se cloîtrent généralement les doctrinaires. Son message se veut authentiquement révolutionnaire, en prenant le mot "Révolution" dans son sens véritable, celui de recyclage et de renouveau.
Il l’adresse aux Européens, plus particulièrement aux Français, leur rappelant qu’ils furent le Peuple Elu du 8 juin 1794. En 2005 comme en l’An II en effet, le ‘génie particulier de la France’ que le général Spillmann identifie à la tradition islamisante de ce pays, de François 1er à Napoléon III, nous dirions même jusqu’à Lyautey ; ce génie particulier, donc, va de pair et ne peut, en fait, s’affirmer sans avoir pour corollaire et pour salaire la haine et le mépris des dynasties et potentats réactionnaires. Comme elle le fut jadis par les Pitt, Metternich, Pie VII et autres fleurons de la Réaction, la France a aujourd’hui pour vocation d’être traitée de rogue state, d’“Etat-voyou” par Bush and Co. - ce qui effectivement ne manque pas de piquant, venant du chef d’un Etat qui, de Meyer-Lansky à Lucky Luciano, ne peut rien refuser à la Mafia!
Alors, face aux nouveaux «Manifeste de Brunswick» venus d’outre-Atlantique, ces éternels voyous et iconoclastes de Français seront à nouveau dignes des mânes de Jemmapes et d’Auterlitz, de leur Tricolore et de leur Marseillaise !
GUENON, CLAUSEWITZ & LA DOCTRINE ISLAMIQUE DU TAWHID
Alors que généralement et en termes conventionnels, les religions, tels le Bouddhisme, le Christianisme, le Zoroastrisme, tiennent leur nom d’un personnage qui serait leur fondateur, l’Islam est celle dont le nom décrit une attitude des éléments de l’Univers vis-à-vis du principe qui les anime et ordonne: la soumission. Cette attitude, cette religion ne sont pas l’exclusivité de l’Homme mais le propre de tous les êtres qui l’observent, y compris ceux des mondes subtils, même s’il est vrai que l’Homme tient un rang privilégié dans cette hiérarchie; privilège qui s’accompagne de la faculté soit d’opter volontairement pour cette soumission, soit de la rejeter. La soumission à Dieu seul est le fondement du monothéisme pur, exprimé par le mot Univers, qui selon l’étymologie latine signifie: ce qui tourne autour et par un principe générateur unique. Ce Tawhid, cette doctrine de l’Unité, ne se confine cependant pas au domaine théologique mais embrasse aussi bien le Temporel que le Spirituel. Bien plus, méconnaissant la rupture entre Temporel et Spirituel propre à l’Occident, elle ne conçoit pas la distinction entre le sacré et le profane, entre le théologique et le social; l’ordre terrestre devant refléter l’ordre céleste selon le principe d'Hermès : "Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, afin de réaliser le mystère de l'Unique".
Il découle de ceci une conception particulière de l’Histoire, essentiellement cyclique: avec Mohammed, ultime messager de Dieu et porteur du Coran, s’achève le Cycle de la Prophétie, initié avec Adam; chaque “Mohammed” précédant un “Adam”, si bien que le cycle même de l’existence de l’Univers se répète en un enchaînement sans commencement ni fin. D’Adam à Mohammed se sont succédés trois centaines d’hommes qu’en Islam on nomme Messagers ou Rasouls (la paix soit sur eux tous), ayant pour mission de rétablir l’harmonie de l’ordre terrestre avec l’ordre céleste. C’est notamment parmi eux que se placent, en termes conventionnels, les fondateurs de religions que nous avons évoqués. Tous n’ont cependant enseigné qu’une seule et même doctrine, qu’une même vérité métaphysique, une seule religion en employant maintenant ce terme dans son sens originel de relation cruciforme, d’une part verticale, entre le Créateur et les éléments de la Création, d’autre part horizontale, entre ces éléments. Ce que nous appelons aujourd’hui, en termes conventionnels, “religions” ne sont en fait que les communautés, au sens du mot arabe Oumma, qui se sont alors formées autour d’eux et qui sont devenues des “communautés de foi”, lorsque, par le processus de décadence inhérent au Cycle, la Doctrine s’est écartée du monothéisme pur, la Connaissance du Dieu unique dégénérant en multiples croyances. En termes purement islamiques ou simplement étymologiques, il n’est donc qu’une seule religion embrassant l’Univers.
A l’instar de Mohammed, la plupart de ces Messagers furent aussi des fondateurs d’empires, unissant les mondes terrestre et céleste et incarnant dans leur fonction impériale le principe d’Hermès précédemment énoncé. En termes purement monothéistes donc, s’il n’est qu’un seul Dieu, s’il n’existe qu’une seule religion, il n’existe aussi qu’une seule théocratie dont les différentes civilisations, les différents empires furent les formes extérieures, les incarnations en des peuples particuliers, dans l’environnement qui leur était propre. Mieux encore que par des textes, l’essence commune aux différentes incarnations de la Théocratie apparaît dans le symbolisme dont Guénon a souligné l’universalité, par exemple du carré ou du cube, du cercle ou de la sphère, symbolisant respectivement les mondes terrestre et céleste; mentionnant par exemple le vêtement rituel des empereurs de Chine dont le bas de la robe formait un carré alors que leur tiare était demi-sphérique; l’ensemble du vêtement symbolisant ainsi le lien que constituait l’empereur entre les sphères célestes et le carré, le Mandala que constitue son empire terrestre. Sa cité impériale formait également un carré dont chaque côté était ouvert par trois portes, chacune placée sous l’un des douze signes astraux… carré formant la base des temples gréco-romains mais aussi du temple primordial, la Kaaba de La Mecque, construit par Adam et autour duquel les circonvolutions des pèlerins reproduisent celles des anges autour du Trône de l’Unique.
Tout comme le Tenno du Japon et le Huang-ti chinois, l’Imperator de Rome était aussi le Pontifex maximus, c’est-à-dire à la fois le chef des Armées dont les enseignes étaient gardées dans les temples et précédées des Faisceaux des Licteurs, autre symbole d’Unité, ainsi que le Grand-maître des Rites, Pontifex, littéralement, celui qui lance le pont entre les mondes terrestre et céleste ; ceci rappelant la phrase de Nietzsche: l’Homme est un pont lancé vers le Surhumain. Le récit des rites de la fondation de Rome, la relation entre les termes latins Orbs et Urbs, en disent assez sur sa sacralité, sur sa nature théocratique. Dans la superbe traduction de l’Illyade et l’Odyssée faite par Bitaubé à la veille de la Révolution Française, les Grecs sont décrits comme les serviteurs de Jupiter, Dieu des divinités qui donne la victoire aux Elus, cependant que ces dernières jouent les rôles qui, dans le Coran, sont attribués aux anges et aux Jnoun.
L’époque d’Homère apparaît toutefois comme précédant de peu celle de la rupture du lien qui unissait la Cité à Dieu. Ayant perdu la qualification de maintenir par les rites l'unité de la volonté divine et de la volonté nationale, la caste sacerdotale eut désormais pour fonction de tenter, par des augures, de deviner la volonté divine afin d'orienter vers elle la volonté nationale. Le temps de Cicéron, témoin que sur le forum deux augures ne pouvaient se rencontrer sans rire l'un de l'autre, annonce la disparition de l'antique caste sacerdotale et la montée sur le trône de César d'un pontife proclamant que le royaume de Dieu n'était plus de ce monde, que son dû n'était plus celui de César. Cette usurpation, ce déchirement du manteau de celui qui était à la fois Imperator et Pontifex, cette rupture entre Spirituel et Temporel, donnèrent naissance à la dichotomie affectant désormais toute la civilisation occidentale.
Ruptures donc, d’une part au sein de la civilisation européenne devenue l’Occident idéologique; d’autre part entre l'Europe christianisée et le reste de l'Univers demeuré loyal au principe de l'Unité. Il allait de soi, ensuite, dans une civilisation où les prêtres proclamaient que leur royaume n'était pas de ce monde, que ceux qui avaient charge des affaires de ce dernier, notamment de la place que doit y tenir la Nation, récusassent le droit des prêtres de s'en mêler. C’est là l’origine de la laïcité. Une fois relâché puis rompu le lien de la Transcendance, après la disparition de l'Autorité, c'est-à-dire de la fonction de l'Etat, sacrale avant que d'être administrative, de veiller à la pureté et à l'exécution des rites, ainsi que le faisaient les empereurs de Rome ou de Chine, que le ferait encore aujourd’hui l'autorité califale si les Musulmans avaient su conserver l'héritage de Mohammed; les quatre éléments: Nation, Etat, Peuple, Armée; ne pouvaient que rouler chacun sur sa propre pente. Rupture, donc, entre Autorité et Pouvoir, puis "séparation des Pouvoirs". Cette dichotomie devait encore prolonger ses fissures jusque dans la vie privée du citoyen, dans la dissolution de l’entité familiale, jusque dans l’individualisme forcené qui, sous prétexte de libérer l’Homme des liens communautaires traditionnels, le livre sans défense aux formes d’esclavage du monde moderne.
Il n’est pas dans notre projet de résumer ici dix-sept siècles d’histoire européenne, plus particulièrement d’histoire de France puisque c’est dans ce pays qu’ont été engendrés les principaux bouleversements de l’Europe. Deux auteurs les ont analysés de points de vue tout à fait différents et c’est justement cette différence qui rend la convergence et la complémentarité de leurs jugements et conclusions si intéressantes. Il s’agit du cheikh Abdelwahid Yahia René Guénon et d’Alexis de Tocqueville. Le premier a, notamment dans "Autorité spirituelle et pouvoir temporel", traité de la façon à la fois globale et radicale de la métaphysique de la dichotomie évoquée, générée par la distinction entre la caste sacerdotale et la caste royale, à la fois guerrière et administrative, celles respectivement des Brahmanes et des Kshatryas dans l’Hindouisme ; dichotomie qui résulte d'une rupture de l'unité primitive, mentionnant qu'entre ces deux pouvoirs (...) il devait y avoir originairement une parfaite harmonie, par laquelle l'unité première était maintenue, et qui se poursuit par un enchaînement de ruptures et de chutes, la caste inférieure se rebellant contre la supérieure quand celle-ci a perdu sa légitimité par sa propre rébellion; ainsi les Vashyas se rebellant contre les Kshatryas après que ceux-ci se soient emparés de l’autorité des Brahmanes, ceux-là mêmes ayant déchu dans leur relation avec l’Unique. Ainsi donc mettons-nous en parallèles à ce phénomène de chutes consécutives une succession de formes politiques qui sont la théocratie, l’aristocratie, la démocratie, la ploutocratie ; de formes de religiosité qui sont l’ésotérisme (la religion-connaissance), l’exotérisme (la religion-croyance), l’idolâtrie, l’athéisme. Tocqueville se place, dans L’Ancien Régime et la Révolution, dans la perspective de l’historien profane sans intérêt déclaré pour la métaphysique; jetant sur la société française du 18e siècle un regard sans complaisance et en déduisant que la Révolution Française n’a fait qu’entériner une situation déjà établie de facto. Il s’attache sur la relation rompue par la Couronne entre la Noblesse et la Paysannerie, lorsque la Noblesse française fut appelée à Versailles, au détriment de sa fonction correspondant à celle des Kshatryas. Il note que les impôts étaient, en proportion, bien moins lourds au temps de Louis XVI que de Louis XIII, que pourtant les paysans s’en acquittaient sous Louis XIII de bien meilleur gré que sous Louis XVI. C’est qu’ils étaient au temps du premier collectés par le seigneur, le même homme qui les précédait sur le champ de bataille, qui vivait au milieu d’eux en temps de paix, étendant sur eux, du haut de son donjon, sa paternelle protection. La taxe constituait en quelque sorte le prix de cette protection et la reconnaissance du labeur au courage, à la noblesse au vrai sens du terme. Après sa dissolution dans les jardins de Versailles, le paysan n’a plus affaire qu’aux “gabelous”, personnages corrompus et détestés. Bientôt, il n’aura plus d’autre image de la monarchie que celle reflétée par ces racketteurs d’Etat.
Louis XIV, il est vrai, a d’une autre manière détruit la Noblesse et ce faisant rompu le lien entre le Trône et le Peuple; par la Révocation de l’Edit de Nantes et la reprise de la persécution religieuse dont le sol de la France avait été ensanglanté, plus particulièrement du sang de la Noblesse occitane adepte du Catharisme. Il est bon de se souvenir que Catharisme et Bogomilisme ne sont que deux noms différents d’une même doctrine répandue de l’Iran à l’Aquitaine en passant par la Bosnie. Là, les Bogomils persécutés se convertirent massivement à l’Islam, ici, les Cathares survivants se retrouvèrent parmi les premiers Huguenots. On a parfois prétendu qu’en France la Noblesse était catholique et que les Protestants se retrouvaient dans la bourgeoisie: ceci ne peut être vrai qu’après l’émigration de la noblesse huguenote et se dire sans mentionner l’attirance ressentie pour l’Islam tout autant dans la bourgeoisie intellectuelle que dans la Noblesse, si on considère l’exemple du Comte Ahmed de Bonneval (1675-1747), lié à la famille royale de France, converti à l’Islam et Pacha dans l’armée ottomane. Quoiqu’il en soit, retenons la convergence de ces deux éléments, la persécution religieuse et le retrait de sa fonction militaire et administrative, dans la destruction de la Noblesse française et donc du lien qu’elle représentait entre le Peuple et l’Etat monarchique, Louis XIV sciant les pieds du trône qui s’écroulerait sous le poids de Louis XVI, entre les deux domaines: celui traditionnellement réservé aux Brahmanes, celui des Kshatryas.
Les écrivains traditionalistes, notamment Guénon et Evola, ont vu dans la Révolution Française la poursuite du phénomène dichotomique, l’accomplissement de la phase suivante: l’éclatement de la caste des Kshatryas sous la poussée montante des Vashyas, des commerçants et artisans du Faubourg Saint-Antoine d’où partirent les émeutiers de la Bastille, après avoir pris en main les Soudras, la populace. Ceci n’est vrai que dans la mesure où la Monarchie n’avait pas totalement détruit la Noblesse et pouvait encore y trouver quelques rares défenseurs qui se rassembleront le 10 août 1792 aux Tuileries derrière les Gardes-Suisses. Vers la fin du règne de Louis XVI déjà, le Chevalier d'Arcq (1721-1795) avait du, dans La Noblesse militaire ou le Patriote français, répondre à l'abbé Croyer, auteur de La noblesse commerçante, qu'il ne saurait y avoir qu'une seule Noblesse, celle d'épée. Entre autres belles choses, il s’y élevait notamment contre la stérilité de la Noblesse, coupée du Peuple, prônant au contraire son accès aux meilleurs éléments de la roture, notamment à ceux qui révélaient leur authentique noblesse face aux canons: Si le soldat Français a les sentiments qu'on ne peut exiger que de la Noblesse, est-il tant de distance entre un gentilhomme et lui? Voyez les Grenadiers devancer leurs Chefs, qui à peine peuvent les suivre malgré la mort qui vole de toute part. Demandez alors à l'ennemi si ces héros sont roturiers ou gentils-hommes? S'ils n'ont pas de titres de Noblesse, peut-on leur disputer la gloire de les mériter? Il est un aspect de la Révolution Française généralement méconnu parce qu’occulté: c’est que le gouvernement de Robespierre représenta un phénomène exceptionnel de volonté unificatrice nationale, avec une disparition effective des castes résultant de la dichotomie évoquée, la volonté de créer, à l’Ecole de Mars, une nouvelle élite militaire et de placer la métaphysique et le Culte de l’Etre Suprême au-dessus des “croyances” particulières. Ce fut certes une des pages les plus sanglantes de l’Histoire de France mais l’historien avide de vérité découvrira, à la lecture de témoignages tel celui de sa sœur Charlotte, qu’à l’opposé du monstre sanguinaire de l’Histoire conventionnelle, l’Incorruptible tenta de limiter et même d’abolir la Terreur. Ce furent au contraire ses ennemis qui allaient diriger et provoquer les pires excès, afin d’en rejeter l’opprobre sur celui qu’ils voulaient abattre. Ce furent donc avec les Thermidoriens, gens de la haute finance, du cosmopolitisme et de l’athéisme confondus; les corrupteurs qui avaient su se faufiler entre les charrettes où montèrent Chabot, le prêtre défroqué, les banquiers Frey ses beaux-frères, de leur vrai nom Dobruska, et Cloots, le Prussien égaré dans le Paris révolutionnaire, apôtre du mondialisme athéiste; que se réalisa l’accès au pouvoir des Vashyas, des marchands.
Il est vrai encore que les mêmes auteurs ont poussé plus loin leur théorie en voyant l’étape suivante et finale de ce processus dans la révolte des prolétaires. Nous ne les suivrons pas si loin. En effet, les prolétaires n’ont les moyens ni financiers, ni intellectuels; ni sans doute, comme le reconnaît Evola, la volonté même d’un tel changement. La démocratie telle que leurs meneurs la leur présentent, le prétendu pouvoir du peuple par le peuple, n’est qu’une utopie au service des ennemis du peuple. Lénine et Trotsky effectuèrent leurs voyages de 1917 pourvus de passeports et de dollars remis par Wilson. Presqu’un siècle après leur équipée et un demi-siècle après Yalta, il s’avère que la fameuse “révolution” prolétarienne n’a jamais servi que de phase préparatoire au règne de la ploutocratie - le pouvoir des riches - internationale, plus exactement internationaliste; et on verra comme un symbole de ceci que Michael Eisner, le boss du Dysneyland, soit un petit-cousin de Kurt Eisner, le dictateur de la Bavière bolchevique de 1919. L’Internationale du drapeau rouge n’avait d’autre but que de liquider les “petits bourgeois” au profit des gros, le petit capitalisme national au profit du gros capitalisme international. Le présent spectacle de l’Europe ex-communiste indique qu’elle a bien servi ses maîtres.
Ceci nous emmène à réviser ce que nous disions sur la succession Théocratie-Aristocratie-Démocratie-Ploutocratie ; car si nous considérons les deux exemples de la révolution française de 1789 et de la révolution bolchevique de 1917, nous devons admettre que dans les deux cas, les meneurs appartenaient à la bourgeoisie et non aux masses populaires qui ont fourni à la première l’instrument de sa prise du pouvoir par le renversement de l’ordre établi, de nature aristocratique. Dans le premier exemple, le régime populiste, à volonté démocratique de Robespierre fut mis à bas par la réaction thermidorienne formée tant, dans le domaine social, par la haute finance que, dans le domaine religieux, par la coalition des athées et des nostalgiques de l’ancienne idolâtrie. Le régime de Robespierre reste marqué dans l’Histoire par la Terreur que firent régner ses opposants et les préparateurs de Thermidor. Il fut toutefois, incontestablement, un régime dictatorial et il ne pouvait en être autrement, compte tenu des circonstances ; ce dont on déduira qu’un régime démocratique est inadapté aux périodes de crise, alors réduit pour se défendre à se donner des institutions dictatoriales, « autoritaires » au sens le plus conventionnel du terme, encore plus dures, encore plus absolues que celles propres à la Théocratie et à l’Aristocratie car il ne jouit pas comme elles d’une justification d’ordre métaphysique, faiblesse à laquelle il doit compenser par la force de la répression policière. La révolution de 1917, quant à elle, s’inscrit dans la géostratégie américaine, dirigée contre à la fois l’Europe et l’Asie et trouvant en la Russie le pivot idéal, les USA n’étant eux-mêmes que le bras armé du grand capitalisme. Pas plus les Moujik russes rameutés par les Trotzky, Lénine et autres Kaganovitch que les militants de l’Internationale de Turin et de La Courneuve ne pouvaient entrevoir la nature réelle des projets qu’ils servaient : la mise à bas du patronat « national », certes, non pas au profit de l’internationale des Prolétaires mais à celui des multinationales. Ici, le « pouvoir du Peuple pour le Peuple par le Peuple », ou encore la « dictature du Prolétariat », a d’emblée signifié l’abrutissement du Peuple par les slogans marxistes pour le livrer, sans même lui laisser le temps d’enregistrer la fin du régime tsariste, dans presque un siècle d’enfer stalinien suivi de l’enfer, pire encore, du mondialisme yankee.
Dans le cas plus intéressant de la Révolution Française, on observe que la tentative démocratique initiale présidée par Robespierre ne put se faire et se prolonger, très éphémèrement il est vrai, que par la dictature, qu’elle déboucha sur une tentative théocratique écrasée dans l’œuf par le coalition que nous avons dite, pour être immédiatement remplacée par la Ploutocratie ; l’ensemble n’ayant duré que deux ans, de l’été 1792 à l’été 1794. Qu’un même régime puisse, en une succession si rapide, passer de la Démocratie, il est vrai avortée, à la Théocratie, il est vrai assassinée, voilà qui peut surprendre. C’est que l’antinomie entre Théocratie et Démocratie, pour absolue qu’elle soit dans la théorie, ainsi que le démontre Guénon dans Le règne de la Quantité, veut que, les extrêmes se rejoignant, elles se confondent au point de l’achèvement du Cycle, le « pouvoir du Peuple pour le Peuple par le Peuple », pour utopique qu’il soit, présentant la phase destructrice, la tabula rasa nécessaire à la restauration théocratique engendrant la disparition des fausses élites et des « privilèges », l’écroulement des idoles et le retour à la Tradition primoriale dans toute sa pureté.
Aussi, à Valmy, Goethe salua-t-il l’aube d’une ère nouvelle. Un autre Allemand assista aux triomphes des Armées de la République, puis de l’Empire: Clausewitz. Faisant son apprentissage d’officier au régiment du prince Ferdinand de Prusse, il prit part au siège de Mayence et vit comment la formidable armée prussienne, héritée du Grand Frédéric, se faisait jouer, puis finalement écraser en 1806 à Jena. Avec Scharnhorst, Boyen, Gneisenau entre autres, il constitua une école réformiste qui, forte de l’expérience acquise auprès de l’ennemi mais aussi des soulèvements populaires d’Autriche et d’Espagne, prônait la transformation de la vieille armée frédéricienne, féodale dans son esprit et ses structures, en une armée populaire inspirée des Armées de Carnot, notamment avec la création de la Landwehr et du Landsturm (*). Clausewitz se rendit immortel par son livre Vom Kriege (De la guerre), précédé d’une série d’ouvrages retraçant les dernières campagnes napoléoniennes. Au moment où Vom Kriege était publié, peu après sa mort en 1830, l’Europe était retombée, du moins en avait-elle la trompeuse illusion, dans la société prérévolutionnaire. En Prusse notamment, la Réaction allait frapper les officiers réformistes, qui, selon le spécialiste de l’Armée Allemande Martin Kitchen, en œuvrant à la défaite de Napoléon, avaient scié la branche sur laquelle ils siégeaient. Dépopularisée, l’Armée devint exclusivement un instrument de répression interne, ceci lui interdisant toute action extérieure et à la Prusse même toute politique internationale. L’Armée se signalera ainsi dans l’écrasement des émeutes qui de 1830 à Francfort à la révolution de 1848 à Berlin soulevèrent toute l’Allemagne et il faudra attendre les campagnes de 1864 et de 1866, contre le Danemark puis contre l’Autriche, pour que l’Armée Prussienne lavât l’humiliation d’Olmütz en 1850 et de l’inertie de son gouvernement pendant l’affaire de Crimée.
L’Armée Prussienne n’est pas la seule à ressentir ce malaise. En France notamment, à l’époque de Vom Kriege, paraît Servitude et grandeur militaires, d’Alfred de Vigny. Le livre se compose d’anecdotes militaires se déroulant à travers les guerres de la Révolution et de l’Empire et jusque sous la Révolution de 1830; illustrant le dramatique impact des bouleversements politiques sur la condition militaire. Dans la préface, l’auteur nous confie son drame personnel, celui de la jeunesse française et sans doute européenne, nourrie de récits héroïques, lançant à la tête de ses professeurs les livres de Latin et d’Algèbre aux nouvelles de faits d’armes, ne vivant que dans l’attente du jour de revêtir elle aussi l’uniforme de grenadier ou de hussard, jour qui ne viendra pas, parce qu’entre-temps Waterloo a brisé tous les rêves et que l’Europe va devoir réapprendre à vivre petitement. A Vincennes comme à Potsdam, selon les termes de de Vigny, l’Armée est aveugle et muette. Elle frappe devant elle du lieu où on la met. Elle ne veut rien et agit par ressort. C’est une grande chose que l’on meut et qui tue; mais aussi c’est une chose qui souffre.
A tort ou à raison, Clausewitz a été appelé le “philosophe de la guerre”. Vom Kriege s’inscrit dans le courant de la littérature militaire à vocation encyclopédique des 17e et 18e siècles, entreprenant d’étudier la guerre sous tous ses aspects. A notre humble opinion, il n’apporte rien de nouveau en ce qui concerne l’art militaire tel qu’il était en 1792 et nous nous appuyons en cela sur le fait que dans son étude des combinaisons des différentes Armes, il n’envisage pas le couple cavalerie-artillerie, pourtant si présent dans les campagnes napoléoniennes et qui constitue la base de la guerre moderne, du Blitzkrieg dans lequel l’infanterie n’a de rôle que motorisée, c’est à dire “mise en selle” de la cavalerie blindée et de l’artillerie automobile, ou encore aéroportée. Par contre, Clausewitz excelle dans la mise en évidence, d’une part de certains principes universels de la guerre, tels les concepts de friction, d’ascension aux extrêmes et surtout de la complémentarité de la défensive et de l’offensive, voyant dans la première le principe fort de la guerre; d’autre part de l’interdépendance de la conduite de la guerre et de la politique exprimée par la fameuse phrase: la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens, de pair avec la concordance du type de société et du type de guerre, donc d’armée, qui lui sont propres. A la “vraie guerre”, der wahrhafte Krieg selon les termes de Fichte, le philosophe contemporain des officiers réformistes prussiens et l’idéologue de leur mouvement; c’est-à-dire la guerre dans laquelle Peuple, Nation, Etat, Armée ne font qu’un dans la défense de leur existence ; Clausewitz oppose un autre type de guerre, la guerre limitée, qu’il appelle der Kabinettskrieg; c’est-à-dire la guerre que se livrent des Etats dans des buts qui leur sont propres et qui n’ont rien ou très peu à voir avec les aspirations, les intérêts ou l’existence même du Peuple. Ce type de guerre et le type de société qui lui correspond sont ceux d’avant et d’après la période 1792-1815. Il est toutefois évident que dans Vom Kriege, c’est à la période prérévolutionnaire que s’intéresse Clausewitz et, en ce sens, son œuvre s’applique au même objet que celle de Tocqueville, tout en convergeant avec celle de Guénon, ainsi que nous le verrons.
Tocqueville a donc analysé le phénomène social de rupture entre l’Etat et le Peuple opérée par la Monarchie par le discrédit et la dévirilisation de la Noblesse, privée de sa fonction administrative et diminuée dans sa vocation militaire et, avons-nous ajouté, amputée de ses éléments parmi les meilleurs par la persécution religieuse. Les cent-quatre années qui séparent la Révocation de l’Edit de Nantes du début de la Révolution sont, dans le domaine militaire, l’époque où culmine en Europe le type de guerre limitée. Selon Clausewitz, ces guerres sont limitées, en effet, dans leurs buts, par les finances dont les souverains disposent, par les instruments de guerre au service des généraux. Les buts ne visent plus à la destruction d’un peuple ou d’un Etat voisin, mais sont principalement de nature territoriale, liés le plus souvent à des affaires de succession princière. Ils sont indifférents au peuple qui souvent ignore même que son pays est en guerre, d’autant plus que ces guerres limitées sont presque consécutives; à moins naturellement que ses villages ne se trouvent sur le passage des troupes, que ses fils ne soient enrégimentés, que de nouveaux impôts ne soient levés. Ces guerres sont en effet ruineuses pour les princes et, comme au temps des Condottieri et Lansquenets, le mercenariat fleurit. Des régiments sont ainsi loués au roi d’Angleterre par des princes allemands pour combattre en Amérique. Officiers, soldats et techniciens se mettent au service du plus offrant et il est fréquent qu’ils passent d’un camp à l’autre sans le moindre problème de conscience car le patriotisme leur est pratiquement inconnu. Comme l’écrit alors Cognazzio, officier italien au service de l’Autriche, ainsi que l’avait été le grand Montecucculi, ce sentiment n’est pour la troupe qu’une roue de secours. Aussi, la discipline doit-elle être très dure, souvent brutale, ainsi que l’Armée Prussienne en donne l’exemple. De 1713 à 1740, elle ne comptera pas moins de 30.216 désertions, pas moins de 400 par an, chiffre qui est à peu près celui de ses effectifs d’active! Elle est encore féodale dans ses structures et seuls les Nobles ont accès au rang d’officier. Il en va d’ailleurs de même des autres armées européennes. Ainsi, l’Alsacien Kleber, élève remarqué de l’Académie militaire de Munich, ne peut-il, en dépit de ses qualités, monter hiérarchiquement dans l’Armée Autrichienne où il sert, à cause de ses origines plébéiennes et il lui faudra attendre la Révolution Française - il se trouve lui aussi au siège de Mayence mais dans le camp opposé à celui de Clausewitz - pour accéder au rang qu’il mérite et qu’il finisse gouverneur du Caire en 1800. En 1806 encore, l’Armée Prussienne n’a sur 7000 officiers que 695 roturiers qui ne servent d’ailleurs que dans l’artillerie et dans les services auxiliaires; cependant que la troupe est, selon Clausewitz, recrutée par les princes parmi les oisifs, à l’intérieur ou à l’extérieur de leur frontières; le plus souvent même à l’extérieur, ceci afin de ne pas enlever à l’économie nationale, essentiellement agricole, les bras exigés par l’Armée. Le rang même d’officier, le commandement d’un régiment ou d’une compagnie s’achetait, comme aujourd’hui une étude de notaire, et il n’était pas rare de voir le brevet de colonel déposé, comme don de bienvenue, sur le berceau d’un enfant, rapporte le général français Thoumas.
La conduite de la guerre est le résultat direct de ces différents facteurs, auquel s’ajoute celui de l’évolution des armements; c’est-à-dire principalement l’amélioration des armes à feu d’Infanterie et l’apparition de l’Artillerie, jusqu’ici essentiellement de siège, sur le champ de bataille. Il est vrai que Marignan fut la victoire de la cavalerie française appuyée par l’artillerie sur la fameuse infanterie suisse: le couple artillerie-cavalerie qu’il est étrange de ne pas trouver chez Clausewitz alors qu’il fut un des principaux éléments de Rossbach, un des plus beaux succès de Frédéric II, le premier monarque d’Europe à avoir suivi l’exemple de Gustave-Adolphe de Suède, introduisant des pièces d’artillerie dans sa ligne de bataille. Exemple et succès sans lendemain, du fait du mépris dans lequel l’artillerie est tenue par l’ensemble de l’Armée. Il faudra attendre les réformes du Français Gribeauval, sous Louis XV et XVI, pour que l’artillerie soit considérée comme partie intégrante de l’Armée. L’apparition des canons, dont l’effet destructif menace toute concentration, tels les carrés d’infanterie suisse à Marignan, et du fusil dont est dotée toute l’infanterie, sont à la base de l’ordre dit mince ou linéaire, de lignes de trois rangs, afin d’une part d’offrir le moins de profondeur possible aux boulets, d’autre part de faire tirer au fusil toute l’infanterie, qui ne peut le faire que sur trois rangs au maximum. Ainsi, la plupart des tableaux de bataille des 17e et 18e siècles nous offrent-ils ces lignes de différentes couleurs selon les uniformes, dans l’espace desquelles les canons jettent leur flamme, cependant qu’à leurs ailes cavalcadent les escadrons qui n’ont plus qu’un rôle secondaire: au début de la bataille, suivre les mouvements de l’ennemi et lui cacher ceux de sa propre armée en faisant écran, à la fin, pourchasser l’ennemi en déroute. Nous autres, Musulmans, qui au début de chaque office devons rechercher sur le tapis de nos mosquées l’alignement le plus parfait, imaginons le mieux ce que devait représenter le déploiement et l’alignement de 20 à 40 000 hommes, fatigués par la marche, énervés ou appeurés par la proximité ou déjà le feu de l’ennemi, un grand nombre n’attendant que l’occasion de déserter. Chaque mouvement dans la ligne y signifiait le désordre, parfois la rupture et l’effondrement. Vouée à l’immobilisme, la bataille prend la forme d’un duel entre les deux lignes des armées qui viennent de se rencontrer après de longues et éprouvantes marches à travers la campagne. Comme un duel, elle a lieu par consentement mutuel et peut fort bien être évitée par le général qui le désire. Elle est rarement décisive, par manque de cavalerie et par le peu d’effet destructif des armes; aussi prend-elle le plus souvent, comme on aime à le rappeler à propos de Fontenoy, la forme courtoise d’un jeu d’échecs entre gentilshommes dirigeant leur piétaille. L’importance est donnée au maniement d’armes, donc à la Tactique, au détriment du mouvement, donc de la Stratégie, pratiquement absente. Il est en effet important de noter, pour comprendre la différence essentielle entre ce type de guerre et celui qui va suivre au siècle suivant, avec Napoléon puis avec von Moltke, que dans celui-ci le mouvement, c’est-à-dire presque uniquement la marche des armées, ne fait pas partie du combat mais ne sert qu’à s’y rendre.
C’est donc là une guerre en tous points artificielle, faite par des professionnels souvent étrangers au pays dont ils portent les emblêmes, liés essentiellement au prince qui les paye, que ce soit par conscience professionnelle ou par un sentiment de fidélité hérité des temps féodaux; une époque riche en grandes figures militaires, la plupart d’entre elles excellant à la fois par l’épée et par la plume, ceci se traduisant par une littérature militaire extrêmement riche qui dans les années précédant la Révolution Française deviendra un véritable forum entre les défenseurs de différentes théories. On sent que ce caractère artificiel, que cette immobilité ne peuvent durer. En France, c’est notamment Guibert qui représente la réforme qui va se réaliser de 1792 - un an après sa mort - à 1815 et la Révolution même cependant que dès 1780, dans Le citoyen-soldat, le général Servan, ministre de la Guerre en 1792, prône l’armée populaire héritée de Rome et d’Athènes, en des termes annonçant les grands penseurs militaires du siècle suivant. Sur le champ de manœuvre, les tacticiens français Folard et de Broglie, sur le papier le ministre Choiseul tentèrent de rétablir le mouvement dans le combat, plus précisément par un ordre perpandiculaire de lignes attaquantes opposé à l’ordre parallèle de lignes se faisant face, quasiment immobiles. Une arme était apparue dès la fin du XVIe siècle, sur les bords de la Nive, qui aurait dû permettre leur application: la baïonnette. Leurs tentatives, cette application même, restèrent sans effet, car le changement de la guerre devait venir, comme le pressentait Guibert, comme l’enregistrera Clausewitz, d’un bouleversement de la société. Ce fut 1789.
Délaissons ici la controverse portant sur la valeur des armées françaises de 1792 et des hommes qui les composaient et commandaient. Il demeure qu’elles tinrent tête à l’Europe coalisée, et ceci pendant vingt-trois ans si on tient compte que la Grande Armée napoléonienne, née à Austerlitz fin 1805, fut leur prolongement. Evitons de même la controverse sur les bienfaits et méfaits de la Révolution et reconnaissons, avec Tocqueville, qu’elle fut avant d’être et même, avec Guénon, qu’il était dans l’ordre qu’elle advint, que la dichotomie engendrée en Europe par la fin de sa Théocratie passât par le 10 août 1792, par le fait que la Monarchie qui avait été l’Etat de la France depuis Clovis fut ce jour-là défendue, héroïquement, par des troupes étrangères que nous dirions mercenaires si ce terme n’avait reçu un sens péjoratif, contre la Nation et ses Gardes-Françaises. Déjà depuis avril le canon tonnait aux frontières et jusque sur le Pont-Neuf à Paris pour appeler les volontaires. 15.000 Parisiens se présentèrent en une semaine. Il fallait les encadrer, les armer, les nourrir. La République trouva un homme à la hauteur de la situation: ce fut Carnot. Tout manquait, cependant. La grande chance de ces armées, ce fut leur pauvreté. Pauvreté de leur instruction, de leur armement et de leurs moyens, éléments qui concoururent à leur donner un style et une doctrine propres, et finalement la victoire. Parce que les nouvelles recrues étaient incapables de se plier aux manœuvres compliquées et savantes de l’ordre linéaire, elles se donnèrent d’instinct des formations tactiques souvent improvisées mais délibérément offensives, en accord avec leur tempérament et leur foi révolutionnaire. Elles y étaient d’ailleurs contraintes par le manque de fusils, souvent remplacés par la pique qui avait triomphé le 10 août et était devenue un symbole de la Nation en armes. Le manque de pain et de tentes les contraignait en outre à obtenir des succès rapides, à la conquête de villes où l’on mangerait enfin à sa faim, où l’on dormirait sous un toit! Le discours du général Bonaparte au début de la première campagne d’Italie est éloquent à ce sujet! Tout concourait donc à ce que les tentatives de de Broglie et de Choiseul, le succès des réformes militaires de ce dernier comme de Gribeauval, dépandant jadis des sentiments que lui portaient les concubines royales, la Dubarry et la Pompadour; à ce que les écrits de Guibert et Folard d’avant 1790 se concrétisassent enfin sur le terrain, à ce que se formassent les colonnes d’assaut de la Révolution contre la ligne statique de l’ordre établi mais fissuré de longue date. Alors qu’au Camp des Sablons, dit Ecole de Mars, 3.000 fils d’ouvriers et paysans, habillés à la Romaine par le peintre David, formés en Centuries et Décuries, entamaient chaque journée au chant de Père de l’Univers, suprême intelligence, et la continuaient en exercices militaires, un nouveau manuel était écrit par le général Meunier sous le titre évocateur de Bayonnettes et République. La baïonnette devint en effet l’arme de prédilection et même le symbole de ces tactiques éminemment offensives. Ce qui toutefois a trop été passé sous silence par les chantres de la République, c’est qu’à Valmy et à Jemmapes, à côté des bataillons de Bleus nouvellement créés se tenaient les Blancs de la vieille armée royale et qu’aux cris de Vive la Nation! des premiers répondaient ceux de "En avant, Navarre sans peur!" et "Toujours Auvergne sans tache!", hérités des temps de Turenne et Vendôme. Surtout, la formidable artillerie créée par Gribeauval pour le roi de France allait, de toute sa supériorité, imposer le silence à celle d’en face et permettre aux Français la concentration des colonnes d’assaut, puis, comme à Marignan pour les chevaliers de François 1er, battre dans les rangs ennemis déjà décimés par la mitraille, les brêches dans lesquelles ces colonnes s’engouffreraient baïonnettes et piques en avant, tronçonnant et anéantissant la ligne ennemie. Napoléon allait, quelques années plus tard, augmenter l’effet de choc des colonnes en le confiant à ses lanciers et cuirassiers, ainsi qu’à la nouvelle artillerie, dite la “volante”, dont les batteries vont à la vitesse de la cavalerie, en quelque sorte l’ancêtre ou le modèle de la Sturmartillerie, l’artillerie d’assaut de la Wehrmacht. Nous avons ici le principe même du Blitzkrieg, que nous avons appelé, dans ce contexte, le “Blitzkrieg en sabots”, sabots des fantassins de Jemmapes ou sabots des chevaux d’Eylau: le principe reste le même. A Jemmapes en tout cas, il est le résultat de la combinaison de l’esprit révolutionnaire de Carnot, de la vieille tradition militaire française et de l’artillerie royale créée par Gribeauval.
Ainsi réalisée au niveau tactique, la mobilité allait recréer la stratégie qui ne peut vivre sans elle et qui avait effectivement disparu de la guerre, pour la raison que nous avons dite, depuis l’Espagnol Gonzalo de Cordoba qui en 1495 en Italie tint tête et finalement, après plusieurs campagnes, battit des armées franco-suisses doubles ou triples en nombre. Selon le grand écrivain militaire espagnol, le Commandant Villamartin, Gonzalo adopta la stratégie de la guerre de détail, des coups de main, des petites victoires à peu de prix, puis il envahit la Calabre, recrute 6000 Calabrais et inaugure la campagne avec un jeu rapide de marches et contre-marches; dans une conduite de la guerre donc éminemment stratégique, visant, par un mouvement constant, à déconcerter l’ennemi, à l’amener à diviser ses forces numériquement supérieures et à les anéantir séparément. C’est donc en Italie que la Stratégie a disparu pour reparaître, sur la route de Milan à Parme, plus précisément à Marengo en juin 1800. Ali Napoléon Bonaparte, devenu 1er Consul, a fait traverser les Alpes à son armée contre l’attente de tout homme raisonnable de l’époque, tel que l’était sans doute le général autrichien Melas. Il lui saute donc, sinon au visage, du moins à la nuque, tendant autour de lui un filet dans lequel il devra venir s’empêtrer, ne pouvant refuser le combat comme cela était possible au temps de la guerre limitée. Marengo est donc, sinon le Baptème de la Stratégie comme nous l’avons écrit dans Centurio, du moins sa résurrection. Le mouvement, la marche des armées ne sont plus, comme dans la guerre limitée et essentiellement tactique, une phase séparée de la bataille; elles en sont partie intégrante, le combat, l’affrontement tactique n’en étant plus que le dénouement, la conclusion, l’instant où, selon Clausewitz, comparant la guerre à une tractation commerciale, l’argent change effectivement de mains.
Cette résurrection de la Stratégie intervient le jour même où Kleber est assassiné au Caire, ville où quelques mois plus tôt le jeune général Bonaparte, qui a déjà lu Guibert, le grand Frédéric, Dutheil, Bourcet, Lloyd et tant d’autres, a cependant trouvé son vrai maître en Art de la Guerre: le Messager de l’Unique, Mohammed. Face aux Egyptiens qui mettent un jour en doute la sincérité de sa conversion à l’Islam, il s’écrie: Je vous le dis encore: j’aime le prophète Mohammed. Je l’aime parce qu’il était un brave comme moi. En prononçant la profession de foi de l’Islam, comme l’a fait quelques jours avant lui le général Abdoullah Jacques Menou, il a pris le nom islamique Ali, celui d’un autre brave, à la fois cousin, gendre et porte-étendard du Prophète. Avant même de mettre en application les enseignements de ce dernier en donnant aux Français, en 1804, un code de loi découlant du Droit islamique puis en tentant d’instaurer pour toute l’Europe un système monétaire excluant l’Usure; il allait s’inspirer de son génie militaire. En prononçant ces mots devant un auditoire égyptien, il pouvait certes prêter aux soupçons d’opportunisme, mais de quel opportunisme peut-on le soupçonner dans son exil de Sainte-Hélène? Devant le fidèle Gourgaud rapporteur de ses paroles, à l’occasion d’une discussion sur le Mahomet de Voltaire, il réaffirme son attachement, son admiration pour le Prophète, plus particulièrement pour le courage et le génie militaire qu’il déploya à Badr. Là en effet, Mohammed défit un ennemi trois fois supérieur en nombre, quatre ou cinq fois même si on tient compte des effectifs de la cavalerie; faisant montre de toutes les qualités du chef de guerre, à commencer par le courage personnel, le génie stratégique et l’habileté tactique. C’est le modèle de tous les chefs d’œuvre militaires et, dans sa conception, notamment d’Austerlitz. Plus précisément, nous voyons Mohammed, conscient de son infériorité numérique, faire du Clausewitz avant la lettre en adoptant une stratégie puis une tactique défensives: après s’être rendu maître des lignes de communication menant au centre stratégique de la bataille que constituent les puits, il a adopté une ligne tactique défensive dont la composition implique l’emploi graduel d’armes à trois portées, infligeant à l’ennemi trois fois supérieur en nombre des pertes qui, selon Clausewitz, doivent être en effet, dans ce type d’attaque frontale, triples chez l’attaquant. Cette trinarité est toutefois largement dépassée lorsque la main divine transforme ce chef d’œuvre en miracle, lorsque pour quatorze Moujahidine qu’elle enleva du champ de bataille pour les porter en Ses Jardins, elle y fit tomber soixante-dix de leurs ennemis; donnant dans le Coran même aux vainqueurs encore étonnés de leur succès l’explication de ce phénomène: Ce n’est pas vous, c’est Moi qui les ai battus! Par Son intervention, l’Unique apposa sur Badr le sceau du Tawhid, du principe islamique de l’Unité. Unité dans la complémentarité et la succession de la Défensive et de l’Offensive, Unité du commandement militaire, politique et religieux, donc du Pouvoir temporel et de l’Autorité, qu’il est un pléonasme de dire spirituelle; Unité, enfin, des Empires céleste et terrestre, la main de l’Unique s’identifiant à celle de Son serviteur. Son épouse Aïcha disait du Prophète: Il est le Coran en marche. A Badr, lui et ses compagnons étaient le Coran combattant, l’incarnation héroïque du Tawhid, de l’Unité pleinement établie entre les mondes.
Au temps de la “ligne”.
Pour tout Musulman, l’exemple du Prophète Mohammed constitue l’illustration de la Doctrine, une pédagogie vivante portant sur son application. Ainsi en va-t-il de Badr, de cette bataille entre Arabes, livrée il y a quatorze siècles autour d’une humble oasis de l’Orient et qui s’inscrit dans la pédagogie de l’Islam, voie de redressement national autant qu’individuel, plus précisément de Révolution au sens étymologique du terme, du Latin revolvere, signifiant l’achèvement d’un Cycle, le retour à la Tradition primordiale, selon les termes de Guénon. Ainsi en va-t-il aussi de l’ensemble de la stratégie du Prophète, de sa conduite de la guerre et de la politique. L’Unique, dans le Coran, nous fait savoir qu’Il ne change pas la condition d’un peuple, à moins qu’il ne change ce qui est en lui-même. Aussi, cet exposé manquerait-il le but de tout discours authentiquement islamique, qui est essentiellement révolutionnaire au sens que nous venons de dire, s’il ne constituait un élément de réactualisation de la Doctrine, une ligne directrice pour le changement intérieur et profond dont notre Europe et les peuples qui la composent ont besoin pour survivre, pour justifier cette survie aux yeux de l’Unique.
Libre de tout chauvinisme, il nous faut admettre - et ce que nous allons dire n’est d’ailleurs pas particulièrement en faveur du pays de Carnot, de Bonaparte et de Guénon - que par un phénomène sans doute lié à la nature cyclique de l’Histoire qui fait que souvent les choses finissent là où elles ont commencé, c’est en France que nous voyons réapparaître le type de société propre à la guerre limitée. Nous disons ceci alors que le gouvernement français qui célébra avec tant de pompe le fameux Bicentenaire de la Révolution Française, indissociable de l’appel aux armes qu’elle lança au peuple de France, a violé un des principes essentiels de la République en abolissant la conscription au profit de l’armée dite “de métier” qui, dans le contexte présent, est appelée à redevenir l’armée mercenaire du temps où la Pompadour disputait à la Dubarry le privilège de nommer ou de casser les maréchaux; même plus d’ailleurs cette armée des Lys victorieux de Marignan et de Fontenoy mais celle des “forces de projection” que la France avec le sang de ses fils et l’argent de son peuple est sensée mettre au service de la politique de Washington, du F.M.I., des tyraneaux neo-colonialistes et des princes du pétrole; suite au précédent constitué par ce que nous avons appelé le Gulf-show qui a replongé nos pays d’Europe dans l’illusion de la guerre limitée, alors qu’est menée contre eux une guerre totale, la plus véritable en termes fichtiens jamais enregistrée par l’Histoire. Une guerre totale qui vise à la disparition pure et simple de l’Européen, tout ayant été mis en œuvre pour qu’en 2030 notre Continent soit un immense désert ou une vaste zone d’immigration pour des peuples venus des contrées de ce qu’on appelle aujourd’hui encore le Tiers-Monde, dévastées et déstabilisées par le neo-colonialisme de Washington et du F.M.I..
Là, les conflits armés et incessants ont pris aujourd’hui une forme particulière et nous croyons que les milliers d’orphelins aveugles ou unijambistes d’Afghanistan et d’Angola ne nous pardonneraient pas de la passer sous silence. Dans son essence, elle découle d’ailleurs d’un des principes universels de la guerre; celui-ci voulant que l’apparition sur le champ de bataille d’armes au volume de destruction sans précédent, dans la mesure où elles menacent la concentration de forces nécessaire à tout projet offensif, ait pour effet de donner au conflit une nature défensive, l’impossibilité d’une conclusion militaire se confirmant à mesure que celui-ci se prolonge.
Sans doute nous faut-il ici insister sur le fait qu’il existe deux genres de Défensive, comme d’ailleurs d’Offensive. Il y a celle décrite par Clausewitz comme la « forme forte » de la Guerre, éminemment axiale et Yang selon la terminologie taoïque. Sa bonté se mesure aux capacités de contre-offensive qu’elle offre, ainsi que l’ultime Messager de l’Unique en fit la magistrale démonstration à Badr ; car c’est bien ce dont il s’agit : prendre possession du terrain, provoquer, ex-citer l’ennemi, confiant dans sa supériorité numérique, l’inviter à s’y aventurer à la légère, lui infliger des pertes jusqu’à avoir effacé cette supériorité, jusqu’à ce que le moment soit venu de la contre-offensive, de sa déroute et mise en pièces. Il y a l’autre, la défensive frileuse et déjà défaitiste, résultant du manque d’imgination et de courage tant intellectuel que physique. Elle se complait dans les systèmes de défenses, les casemates dans lesquelles une armée se rend déjà prisonnière de l’autre, dans des lignes qui n’ont d’autre destin que de voler en éclats. Historiquement, c’est celle de l’ordre établi contre l’élan révolutionnaire, opposant, en 1794 comme en 1940, le Sitzkrieg linéaire au Blitzkrieg en pointe de flèche. C’est inexorablement celle des vaincus. Parallèlement, il y a aussi l’offensive folle et aveugle, la fuite en avant résultant, elle aussi, du manque d’imgination et cachant souvent sa propre forme de défaitisme, relevant du souci d’un général d’être battu glorieusement au prix du sang de ses soldats.
L’arme nouvelle en question pourrait être aujourd’hui l’arme nucléaire tactique comme elle fut l’artillerie de campagne sous Gustave-Adolphe dont, nous l’avons vu en effet, l’apparition engendra l’ordre linéaire. Ordre linéaire encore que celui des tranchées de 1915, en vertu du même principe, représenté ici par la mécanisation des armes et par l’accroissement des calibres… mais aussi par l’apparition des barbelés, des mines et des gaz; de tous ces moyens de briser l’élan d’un assaut, de créer entre les armées des zones d’interdiction mutuelle, les empêchant de se rencontrer et d’emporter une décision militaire. Ce sont ces moyens qui ont donné à la guerre moderne son caractère hybride de guerre limitée, pour les raisons que nous avons vues; et de guerre totale dans la mesure où elle affecte les populations; combinant les maux des deux types. Nous avons aussi vu comment, d’instinct, les militaires éprouvent méfiance et répulsion pour ces moyens nouveaux de destruction, y voyant une démilitarisation pour une industrialisation de la guerre. Ainsi en était-il pour l’Artillerie, jusqu’à ce qu’il appartienne à Gribeauval puis à Dutheil et à son disciple en la matière, Bonaparte, de la transformer, par de nouvelles tactiques, de facteur d’immobilité en facteur de mobilité. Rien de semblable n’est cependant à tenter ni à espérer avec les mines et les gaz qui firent que la première guerre mondiale dura quatre ans, celle entre l’Iran et l’Irak, pour les mêmes raisons, le double; moins cependant que les conflits d’Afghanistan et d’Angola, pour ne citer que ces deux exemples, les manipulations des services secrets (ou « spéciaux » pour parler à la mode « Langley » !) et des instituts financiers s’ajoutant aux effets des armes pour que les conflits qui ensanglantent le soi-disant Tiers-Monde passent d’un millénaire à l’autre. Les lignes tactiques, pour peu qu’elles n’aient cédé à la complète dispersion, se voient alors séparées, fixées au sol par les zones d’interdiction mutuelle que constituent les champs de mines et de pollution chimique. De limitée dans l’espace tactique, la guerre devient illimitée dans le temps mais aussi dans les destructions et dans les coûts. La guerre limitée d’antan, pour être celle des princes au détriment des peuples, était déjà celle des banquiers et des marchands de mercenaires. A qui lui demandait alors quelles étaient les nécessités premières de la guerre, Montecucculi répondait: Trois choses: de l’argent, de l’argent, et encore de l’argent! La guerre d’aujourd’hui est de cette dernière catégorie seulement, donnant aux banquiers et aux marchands d’armes les seuls bénéfices, qui montent en flêche en proportion des destructions et de la durée du conflit. L’immobilisme remonte alors à travers la hiérarchie clausewitzienne tactique-stratégie-politique: partant des lignes statiques du front, il étouffe la Stratégie dont le mouvement constitue l’âme, pour se répercuter sur les Etats, provoquant les implosions ou explosions, comme jadis en 1789 et 1919, et les bouleversements politiques qui sont aujourd’hui les seules conclusions possibles de conflits militairement interminables et au sortir desquels les Etats se retrouvent en solde au pied des financiers. Les Français appellent ce type de guerre la guerre d’usure! Nous souvenant qu’au temps de Foch et Ludendorff, un certain Rathenau, plus tard abattu par l’Organisation Konsul, fut le premier à appeller à la guerre des tranchées tout en étant le directeur de la Chemiche Werke & Allgemeine Elektrizitätgesellschaft et de cent autres entreprises indutrielles et financières; nous croyons légitime la question : les récents développements de la guerre, limitée militairement mais totale socialement, sont-ils réellement le résultat de l’évolution des armements, ou bien ceux-ci, nous pensons notamment aux mines, aux armes chimiques et bactériologiques, sont-ils délibérément mis en œuvre afin de donner aux conflits la forme qui convient le mieux aux financiers internationaux? Dans les pays tombés dans la démocratie parlementaire, dans la division, suivant la-dite dichotomie, de l’appareil politique en partis achetables et dirigeables par les financiers et par les lobbies de l’étranger; la conduite de la guerre, les décisions stratégiques et le choix de ceux qui sont chargés de les interpréter dépendent des intérêts électoraux, le cabinet au pouvoir devant assurer sa popularité, lorsque les élections approchent, par quelque victoire sur le terrain, quel qu’en soit le prix en vies et en destructions. L’intérêt des politiciens parlementaires est d’encourager le vedétariat des généraux, Foch contre Joffre, Falkenhayn contre Hindenburg au temps de Verdun, et leurs dissensions, sans se soucier des centaines de milliers de cadavres pourrissant entre les barbelés, des boucheries stratégiquement inutiles, électoralement providentielles… D’autant mieux qu’on attribuera ces dernières au commandement militaire, privé du droit de se défendre contre les attaques des media et de ces mêmes politiciens.
Fort égoïstement, nous pourrions considérer qu’en Europe nous vivons enfin en paix, nos peuples ayant appris, bien à leurs dépens, à ne plus se quereller pour quelques hectares. Malheureusement, l’observation de l’évolution interne de notre continent coupe court à cet optimisme. Le conflit ethnique inter-européen des Balkans témoigne que cette folie sanguinaire peut resurgir à tout instant, ainsi qu’en témoignent aussi les attentats commis ici et là par des organisations clandestines séparatistes. En ce qui nous concerne, Européens, nous sommes désormais confrontés à la guerre totale la plus implacable alors que nos gouvernements ont ramené nos armées aux structures, à la doctrine et à l’esprit de la guerre limitée ; persistant à maintenir nos pays au sein d’une alliance qui est dominée par leur ennemi selon la définition clausewitzienne : celui qui cherche à nous imposer sa volonté et en a les moyens; la dite alliance n’étant qu’une immense toile d’araignée dirigée moins contre l’ « ennemi » que contre l’ « ami », distinction d’ailleurs dénuée de toute signification dans la cadre de la stratégie américaine d’anéantissement tantôt par absorption de l’ « ami », tantôt par confrontation directe avec l’ « ennemi », en tenant compte de tout l’éventail de possibilités déployé entre ces deux extrêmes.
Si nous revenons sur les bords si romantiques de la Seine et aux célébrations auxquelles nous faisions allusion, et ceci par ironie à l’égard de ceux que nous voyons quotidiennement fouler aux pieds tous les principes de la Première République après les avoir enveloppés de leurs trémolos; nous nous souvenons qu’au lendemain de ce Bicentenaire, une mosquée de la banlieue parisienne était livrée aux bulldozers, des lycéennes musulmanes interdites de porter leur hijab; prélude à l’orchestration du “terrorisme islamique” montée sur le sol national par des services secrets étrangers et les media régimistes afin de justifier le retour de la France au temps de la Saint-Barthélémy où les sept ou huit millions de Musulmans seraient les nouveaux Huguenots, de créer un fossé de haine et de ressentiment entre eux et le reste de la population, bref de poser dans ce pays un dispositif de guerre civile, ethnique et religieuse, de déstabilisation activable à tout moment de l’étranger.
Les interdictions arbitraires de livres et les procès intentés à de nombreux journalistes et historiens ainsi même qu’à ceux qui vendent leurs écrits, ont réintroduit le délit d’opinion, l’Inquisition et l’embastillement. Le système social qui tant bien que mal donnait l’illusion de la fameuse Egalité est en train de s’écrouler, faisant place à l’exclusion et au brigandage du temps de la Cour des Miracles et de la Forêt de Bondy ; ni la Droite ni la Gauche n’étant capables ou même vraiment désireuses de combler le fossé qui bée de plus en plus largement entre les classes sociales, les pauvres toujours plus pauvres face aux riches que le système plouto-usurocratique ne cesse d’enrichir. A travers toute l’Europe, nous voyons donc fondre comme neige au soleil tous les acquis sociaux de protection des défavorisés, que ce soit en matière d’éducation et de santé, de droit à la justice et à la dignité. L’écart entre les couches sociales est appelé à s’élargir sans cesse, en proportion de la montée de la précarité et de l’exclusion qui engendrent la délinquance et l’insécurité, le règne de la loi de la jungle dont le monde civilisé se vantait de s’être à jamais libéré. Il est bien vain d’attendre des gouvernants qu’ils consentent enfin à s’intéresser à la fameuse “crise de l’emploi”, alors que les gabelous du mondialisme ont reçu pour mission de transformer le “marché du travail” en un marché planétaire de serfs prêts à tout pour quelques miettes. Les nouvelles épidémies ne rappellent que trop la peste et la lèpre qui ravageaient l’Europe médiévale.
Qu’on se souvienne du déchaînement médiatique qui dénonça l’avènement de l’Islamisme en Iran comme un retour au Moyen-Age! Malgré la guerre de huit ans imposée au régime islamique dès son instauration, l’Iran a pourtant, en quelques années, accompli un véritable bond dans le développement économique, social, technologique et en matière d’éducation; alors que les vassaux de Washington sont en train de ramener l’Europe à la féodalité moins les chevaliers et trouvères. Les écrivains traditionalistes tels Guénon et Evola ont pu trouver au système féodal, même si nous ne les suivons pas sur ce point, quelque grandeur, quelque mérite, notamment, justement, des fondements d’ordre traditionnel. Quoi qu’il en soit et comme l’écrivait Evola, les serfs modernes n’auront même pas pour vision de leur maître celle d’un chevalier, mais celle des nouveaux gabelous du mondialisme.
Le retour au mercenariat, la transformation des armées nationales d’Europe en armées professionnelles, n’est donc un phénomène sociologique ni fortuit ni isolé. Il ne s’agit pas seulement d’adapter la condition militaire à de nouvelles formes de conflits ou encore à de nouvelles technologies de guerre nécessitant des spécialistes au détriment d’une troupe-piétaille, mais bien d’un retour aux armées coupées du Peuple et de la Nation, de gens faisant leur job, pour parler comme certains militaires britanniques dans le Golfe, en techniciens sans état d’âme. Tout appel au patriotisme, à l’honneur, aux vertus militaires disparaîtra des campagnes de recrutement au profit des promesses d’une “situation” confortable, avec certes en perspective quelques brins d’aventure, mais sans évocation du risque, du sacrifice inhérent au combat pour la survie de la Nation. Ce recrutement ne s’adressera d’ailleurs pas à ses meilleurs éléments mais à sa lie, aux désœuvrés, aux asociaux; faisant un appel croissant aux étrangers, ainsi que l’écrivait Clausewitz de l’ancienne armée prussienne ; soldatesque mercenaire se conduisant en pillards et en brigands vis à vis des populations, amies comme ennemies. A la différence des citoyens-soldats, ils tueront sans se poser de question d’ordre moral, en automates, ainsi que l’écrivait Alfred de Vigny. Le Peuple leur rendra d’ailleurs la pareille, conscient que cette soldatesque n’a strictement rien à voir avec la Nation réelle, que ce ne sont ni ses intérêts ni son avenir qu’elle défend mais seulement des intérêts privés, tout au plus ceux des “princes”, comme au temps de la “guerre de cabinet”. L’attitude des peuples français et britannique lors du Gulf Show de 1991 fut assez éloquente à cet effet: le premier, dont les fils faisaient encore l'objet de la conscription, était extrêmement réticent à participer à un conflit qu’il jugeait sans relation avec les intérêts de la Nation. Le second, par contre, salua l’envoi de ses boys dans le Golfe comme il l’aurait fait du Manchester United vers quelque tournoi international, afin qu’ils y accomplissent leur job avec un maximum de brio; sans grands sentiments pour leurs tués et blessés, somme toute payés pour ce type de risque. Il est d’ailleurs notoire que l’attitude inculquée à l’officier britannique est d’éviter toute fraternisation avec la troupe de privates ou encore de commoners, afin de pouvoir l’envoyer froidement à sa destruction, observant celle-ci de loin, à la lorgnette (il nous est arrivé de voir des officiers britanniques suivre les évolutions de leur troupe vêtus, non de leur uniforme, mais comme pour la chasse à courre !) ; alors que le type d’officier que nous prônons, en observance de nos traditions militaires, est le « père de ses soldats » ou, plus précisément en Islam, leur « Frère aîné », les précédant, à la manière de La Tour d’Auvergne et d’Ardant du Picq, dans leur course à l’ennemi, les galvanisant par son propre exemple, jusque dans les Jardins de l’Unique s’il plaît à Celui-ci.
C’est donc au type de société, dans tout ce qu’il pouvait avoir de néfaste et de dangereux, d’injuste et donc d’instable, du temps des bandes mercenaires, de la guerre limitée en termes clausewitziens; que nous reconduisent les actuels vassaux européens de Washington. Politiquement, socialement, culturellement, nous voyons notre continent sombrer dans l’état, dans les structures et la condition propres, non plus à la société des gabelous et des galères; mais au Tiers-Monde actuel. Il est prévisible, le moment où les luttes sociales et tribales provoqueront l’arrivée des Casques Bleus sri-lankais et ougandais, pour y rétablir l’”ordre”, à Rostock, Belfast, Donostia et Ajaccio ou encore dans les banlieues de Londres et de Paris; où nos pays seront eux-mêmes devenus les cibles des fameuses “forces de projection”, sans avoir les armées qui firent autrefois leur gloire à leur opposer. Pour nous, Européens, ce n’est plus en l’un de nos pays, comme jadis vainement en quête de l’hégémonie continentale, ni dans le péril jaune ou autre niaiserie de ce type; mais, en toute logique géopolitique, outre-Atlantique qu’il faut chercher cet ennemi, dans l’immense bulldozer des peuples et des âmes. Sachons gré aux gouvernants européens qui, sans rien avoir de la majesté d’un Louis XIV ou d’un Pierre le Grand, replongent notre continent dans les structures jadis observées par Tocqueville tout en prenant les fondements de l’Octogone d’Al Qouds pour nouveau Canossa; du mérite d’avoir toutefois si bien confirmé les enseignements convergents de Clausewitz et de Guénon.
Le verset coranique que nous citons si volontiers et dont nous avons fait le leitmotiv de l’Eurislamisme insiste sur la condition qu’un peuple doit remplir afin d’obtenir de l’Unique la bénédiction d’une résurrection historique: changer ce qui est en lui-même; autrement dit, accomplir sa révolution intérieure. Il ne s’agit pas seulement de mettre à bas, de remplacer par un autre un ordre social particulier, mais bien d’opérer le changement culturel radical, en retrouvant l’étymologie du mot culture, lié à culte. Nous parlions du changement intérieur et profond dont l’Europe et les peuples qui la composent ont besoin pour survivre, pour justifier cette survie aux yeux de l’Unique. Il s’agit donc d’une révolution au sens le plus totalitaire du terme car à l’heure où nos peuples européens sont menacés de disparition et l’humanité tout entière d’asservissement sans frontières, le temps n’est plus aux timidités et aux atermoiements. En d’autres termes, il n’est plus à s’interroger sur ce qui peut être conservé du semblant d’ordre ancien, de croyances et de dogmes qui ont mené l’Europe et le monde à leur perte. On peut d’ailleurs observer que les agents de l’Occident, aussi bien chrétien que mondialiste, n’ont éprouvé aucun scrupule ni restriction mentale d’aucune sorte dans la destruction, allant de pair avec le génocide aussi bien physique que culturel, de l’ordre, celui-là authentique bien que décadent, de l’Europe antique puis des civilisations des autres continents ; qu’ils n’ont aujourd’hui nullement varié dans les méthodes aussi bien que dans le cynisme avec lequel ils les appliquent, dans la soumission de l’humanité à l’hégémonisme yankee, bras armé de l’Occident new look, l’atome et le napalm, sans oublier la famine et le Sida, ayant donné au processus d’extermination des peuples l’élan technique qui manquait aux Croisés.
Il ne s’agit donc pas de replâtrage mais de jeter nietzschéennement à bas ce qui doit de toute manière s’effondrer, en prenant toutefois bien soin que dans sa chute l’Occident n’emporte pas l’Europe. Il serait ici hasardeux et de toute façon inapproprié de définir les formes et structures étatiques de l’Empire eurislamique futur, dernière chance de nos peuples, mais on peut affirmer avec certitude qu’il restaurera l’harmonie par laquelle l'unité première était maintenue entre les deux pouvoirs, celui des Brahmanes et celui des Kshatryas, pour reprendre les termes de Guénon; rétablissant l’Unité qui régnait avant la rupture de l'unité primitive. En termes clausewitziens, il rétablira l’Unité du politique et du militaire, la continuité de la conduite de la politique et de la guerre, ce faisant remontant le long des fissures dichotomiques qui ont engendré le jet aux quatre vents, une fois rompu le lien de la transcendance théocratique, de la Nation, de l’Etat, du Peuple, de l’Armée jusqu’à leur source commune, le bris originel de l’Unité de l’Autorité et du Pouvoir, la rupture du lien qui unissait les mondes et qui faisait que, selon le principe d’Hermès, ce qui était en haut était comme ce qui était en bas.
Ce faisant, il s’agira aussi de réparer l’autre rupture, la rupture externe entre nos peuples et les autres cultures et civilisations, l’Europe réintégrant l’Ordre universel dont elle s’est séparée, retranchée en s’occidentalisant. Face à ces autres cultures et civilisations, l’Européen christianisé s’est comporté en conquérant, en négrier et en exterminateur. Aujourd’hui, il se comporte en assiégé face aux nouveaux Huns et Sarrasins qui, décidément, ne veulent rien comprendre aux bienfaits de la démocratie parlementaire et aux beautés du mondialisme; restant aveuglément accrochés à leur identitarisme forcené. Dans les deux cas, dans les deux attitudes, la seconde ne faisant qu’entériner la faiblesse résultant de la dichotomie des pouvoirs, l’Européen est situé face aux autres peuples dans une situation de crise qui ne peut, dans l’état présent des choses, aboutir qu’à sa défaite et, à l’heure de la guerre totale, à sa disparition finale. Le fameux “choc des civilisations”, engendré par la nature de l’hégémonisme occidental, semble aujourd’hui inévitable. Certains le souhaitent parce qu’ils en espèrent la disparition totale et définitive de l’Europe. Souhaitons quant à nous que l’Europe se libère à jamais de l’Occident pour au contraire intégrer puis mener, avec tout ce qu’il subsiste des qualités propres à ses fils, la grande Révolution, le grand recyclage des peuples libres et régénérés. Peut-être est-il encore temps.
La Landwehr prussienne fut créée par l’édict royal du 17 Mars 1813, appellant à la défense du pays tous les hommes de 18 à 45, capables de porter les armes et ne servant pas déjà dans l’armée régulière. Le Landsturm fut instituée en Prusse à la même époque, équivalent de la levée en masse de la France révolutionnaire, vingt ans plus tôt. Il fut officiellement aboli en 1918. |
|
 |