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Mercredi, 21 Novembre 2007
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Lettre d’un Suisse sur l’UDC
David L'Epée
Étranger
Lettre d’un Suisse sur l’UDC
Si je prends la plume, le temps de quelques lignes, pour entretenir mes camarades français de ma patrie - la Suisse - c'est que je m'y sens obligé par un devoir d'information. En effet, pour la première fois depuis longtemps, les médias au niveau international se sont fait un large écho de la campagne des dernières élections nationales suisses. En Europe surtout, comme l'a relevé un récent numéro du Courrier International qui consacrait son dossier central à cette question, notre pays a plusieurs fois fait les gros titres, présenté comme la zone obscure du continent, l'avant-poste du repli isolationniste et du racisme le plus outrancier. Ces allégations, bien sûr, relèvent du fantasme. On ne s'en offusquera pas outre mesure, tant on est habitué au goût de la grande presse pour le sensationnalisme et la simplification. Ce qui est plus problématique, par contre, c'est qu'une partie importante des médias de la nébuleuse social-souverainiste et national-révolutionnaire française (presse et sites web confondus) est tombée dans le même écueil en répétant la même chose que Le Monde ou Libération et en se contentant, pour toute liberté d'esprit, d'adopter le jugement inverse - prenant la défense inconditionnelle de l'Union Démocratique du Centre (UDC), parti d'extrême droite par qui le scandale était arrivé.

Par ignorance, par esprit de provocation ou par l'envie bien compréhensible de trouver à l'étranger un allié de taille dans le combat qui est le leur, plusieurs de nos camarades français ont faussé involontairement le débat en réinterprétant la situation helvétique à leur guise et en donnant une définition erronée de l'UDC. Cette définition, idéaliste et absolument fausse, était à peu près la suivante : l'UDC serait un parti de patriotes en lutte contre les diktats de l'Union européenne et l'immobilisme de la classe dirigeante (1), un mouvement d'opinion fondé par de braves paysans appelant à une révolution institutionnelle et soutenu massivement par le peuple suisse (2). Si c'était la vérité, il y a longtemps que j'y aurais pris ma carte ! Mais la réalité est moins rose.

Ce parti, qui fut effectivement agrarien dans un passé déjà lointain, est depuis longtemps dirigé par une clique de financiers zürichois - et veuillez bien croire qu'au fond d'eux-mêmes, ces messieurs du comité central se fichent de l'identité nationale comme d'une guigne ! Christophe Blocher, conseiller fédéral milliardaire et leader incontesté du parti, est lui-même un gros industriel (président du groupe EMS Chemie), un homme pour qui, contrairement à ce qu'il clame aux tribunes, il n'existe pas de frontières quand il s'agit de faire du business. Ron Hochuli le relève dans Le Temps du 25 septembre dernier:

« Les milieux économiques cultivent la discrétion. Bon nombre soutiennent Christophe Blocher. Parce qu'il est favorable à un Etat maigre, désendetté, à une législation réduite et simplifiée en matière économique. Parce qu'il incarne le libéralisme économique au sein du Conseil fédéral. Parce que, en favorisant le libre-échange avec les Etats-Unis, il a élargi le champ d'une boussole économique jusque là braquée sur Bruxelles. Enfin, parce que pour nombre de patrons, il est un modèle, parti de rien dans le monde des affaires et couronné de succès. »

Si la fermeté de son opposition à l'entrée de la Suisse dans l'Union européenne peut tromper au premier abord, il faut savoir que ce n'est ni pour la souveraineté populaire ni pour l'identité nationale qu'il mène ce combat, mais pour permettre à ses amis banquiers (qui sont ses principaux mécènes, faisant de l'UDC le parti le plus riche du pays (3)) de conserver le fameux « secret bancaire » suisse qui permet, par un système fondé sur l'opacité, les malversations les plus crapuleuses, système qui laisse par ailleurs une grande latitude dans les tractations financières avec divers dictateurs et magnats du pétrole. L'argent n'a ni patrie ni couleur, l'UDC le sait bien : elle chasse les moutons noirs sur les affiches mais elle les accueille à bras ouverts s'ils apportent dans leurs frisettes laineuses suffisamment de dollars - le plus international des visas.

L'affaire des moutons noirs, parlons-en, puisque c'est cela qui a déclenché la polémique au niveau international. Cette affiche n'était pas originellement destinée à la campagne électorale (même si elle l'a beaucoup servie) mais à une initiative en faveur de l'expulsion des étrangers criminels. Renvoyer chez eux ceux qui commettent chez nous des délits graves et génèrent de l'insécurité plutôt que de les entretenir dans nos prisons aux frais du contribuable, voilà qui tombe sous le coup du bon sens, dira-t-on à la première lecture. Mais il y a un hic, et de taille. D'une part, ces mesures de renvoi n'ont rien d'innovantes, elles existent déjà en Suisse et sont appliquées (parfois avec un certain laxisme il est vrai, mais c'est un autre problème), et d'autre part, l'initiative de l'UDC propose des méthodes d'inspiration féodale en voulant rétablir dans le droit moderne l'hérédité du crime (aboli en France par la Révolution) et expulser, avec le criminel en question, l'ensemble de sa famille - les empereurs chinois de jadis ne procédaient pas autrement. En France, Marine Le Pen elle-même, que personne ne suspectera d'angélisme, s'est insurgée contre cette campagne de l'UDC, prenant soin d'ajouter que la question du multiculturalisme en Suisse et en France n'était pas comparable du fait que la Suisse n'a jamais été une puissance coloniale. Aussitôt, une multitude d'imbéciles sortis de la droite dite nationale lui sont tombés dessus avec un sens de la galanterie très peu gaulois (on se souvient du « quelle conne ! » de Robert Spieler, président d'Alsace D'abord (4)), lui reprochant de ne rien comprendre à rien et de semer la désunion dans les rangs de la résistance nationale. Ou, comme beaucoup d'autres, ces gens-là n'ont rien compris à ce qui se passe en Suisse, ou ils parlent au contraire en connaissance de cause, nous montrant par là que dans cette frange de la droite française dite nationale, on est plus de droite que national...

Car il faut bien être de droite - dans le sens sarkozyen du terme - et pas qu'un peu, pour prendre la défense de l'UDC, un parti ultra-libéral aux accents reaganiens. L'UDC n'est ni le parti raciste que dénonce Doudou Diène (5), ni le front patriotique auquel rêve une grande partie de l'électorat suisse des classes populaires. Non, l'UDC n'est qu'un parti libéral de plus, au discours un peu plus viril, au ton un peu plus populiste, mais qui ne diffère en rien du reste de la droite affairiste sur les questions économiques et sociales (outre la question européenne). Si ce n'est qu'elle cache habilement ses positions anti-sociales derrière de stériles polémiques sur l'asile et l'immigration qui ne sont que des coups d'esbrouffe, des cache-sexe, des écrans de fumée permettant en sous-main d'imposer au pays une politique toujours plus favorable aux riches - suisses ou non - et toujours plus liberticide et plus dangereuse pour ce qui reste d'acquis sociaux et de services publics sur ce bout de territoire qui ressemble de moins en moins à une nation et de plus en plus à un supermarché (6). Dans l'intelligentsia du parti, le patriotisme n'est pas une conviction, c'est un instrument électoral, une arme démagogique pour s'assurer le soutien d'une partie importante des classes populaires tout en rabotant insidieusement les droits et le niveau de vie de ces mêmes classes populaires par un ensemble de réformes que, je le répète, n'aurait pas renié un Sarkozy. Dans Le Temps du 9 novembre dernier, Grégoire Gonin, licencié en histoire et sciences politiques de l'Université de Lausanne, analyse judicieusement le phénomène :

« Risquons une hypothèse : trop intelligents pour être racistes, ces pontes de l'UDC n'utilisent la xénophobie comme carotte que pour mieux asséner des coups de bâton néolibéraux, au profit des grandes entreprises et des actionnaires millionnaires. Corollaire direct, la droite traditionnelle a beau jeu de fustiger le penchant nationaliste conservateur de l'extrême droite. Car pour ce qui relève non de la façade mais du coeur même de son programme, la politique sociale et économique, la grande famille bourgeoise fait preuve d'un esprit de corps à toute épreuve. »

Compte tenu de cette réalité, que je vis quotidiennement sur le terrain, comprenez le désaccord profond que j'ai pu éprouver en lisant certains communiqués de divers groupements qui me sont sympathiques tels que VoxNR (7), Egalité&Réconciliation (8) ou encore la Gauche Nationale (9) - quoique ce dernier groupuscule me soit nettement moins sympathique. Ne tombez pas dans le piège de la simplification que vous tendent les grands médias, n'essayez pas de comparer l'UDC avec d'autres mouvements nationaux-populistes européens, c'est un cas tout à fait particulier. Je suis bien loin d'être lepéniste mais je ne puis souscrire à ceux, et ils sont nombreux, qui comparent Blocher à Le Pen - même les pires ennemis du FN ne sauraient trouver comparaison plus infamante !

Le reproche que j'adresse à mes camarades français se veut donc courtois et bienveillant ; je sais à quel point il est difficile de se faire une idée juste d'une situation à laquelle on est extérieur, surtout dans le climat de désinformation qui règne en ce moment un peu partout. Je ne suis pas politologue, je suis seulement un citoyen suisse à l'écoute de l'actualité et passablement actif dans les milieux politiques. C'est à ce titre que j'adresse mes salutations fraternelles à tous les souverainistes français, tous les vrais socialistes et tous les vrais patriotes, et que je vous invite à continuer à vous intéresser à la Suisse tout en vous recommandant un peu plus de circonspection pour les prochaines fois.

notes

David L'Epée dirige Côté Rue

J'ai écrit deux autres articles sur la question, consultables en ligne : Par-delà les moutons noirs - et Cocu pour cocu...

(1) Ueli Windish, le sociologue genevois, explique avec justesse dans Le Temps du 22 octobre dernier : « L'UDC capitalise un maximum sur des problèmes laissés en deshérence par les autres partis. [...] Le patriotisme a été abandonné à l'UDC. [...] Dans les couches populaires, il existe un véritable sentiment d'adhésion au pays, une sympathie naturelle. Mais si vous dites pendant des dizaines d'années que cela ne vaut rien, vous aurez la revanche des gens qui voteront UDC. »

(2) On pourrait croire que ce dernier point au moins est vrai puisque l'UDC est sorti le grand vainqueur des élections avec la plus forte progression un peu partout, mais il faut savoir que compte tenu du grand nombre des partis (quinze) actuellement actifs dans la Confédération, il lui a « suffi » d'obtenir près de 30% des voies pour obtenir ce statut de premier parti. 30% qui ne prennent pas en compte les abstentionnistes, les bulletins blancs, les mineurs, etc.

(3) L'UDC a dépensé durant sa dernière campagne plus de 15 millions de francs suisses, soit un chiffre supérieur à la somme des budgets de campagne de tous les autres partis réunis ! - « On sait que l'UDC a dans ses rangs des multimillionnaires qui peuvent injecter beaucoup d'argent dans la campagne. [...] Lorsqu'un parti ou un candidat dispose de fonds propres considérables qui lui permettent d'écraser ses concurrents, cela pose un vrai problème. Celui qui ne dispose pas d'autant d'argent a le choix entre deux solutions : soit il accepte de rester en retrait, soit il cherche par tous les moyens à disposer d'autant d'argent. Et là, les dérapages et risques de corruption existent. » (Tiziano Balmelli, constitutionnaliste, Le Temps, 27 septembre 2007)

(4) Il écrit sur son site : « J'accuse Marine Le Pen de trahir le combat identitaire, régionaliste ou nationaliste. J'accuse Marine Le Pen de trahir notre peuple et notre idéal. J'accuse Marine Le Pen de trahir honteusement les milliers de militants qui défendent avec dévouement leur région, leur patrie et leur civilisation européenne. J'accuse Marine Le Pen de se coucher lamentablement devant les lobbies du politiquement correct. Marine Le Pen a définitivement démontré qu'elle n'était pas des nôtres, et je la combattrai avec une détermination absolue. »

(5) Rapporteur spécial de l'ONU sur le racisme

(6) Dans un interview accordé au Temps le 29 octobre dernier, Ueli Maurer, le président du parti, explique : « Aujourd'hui, les gens votent Blocher comme ils achètent du Coca-Cola. A terme, l'UDC doit devenir une marque similaire. »

(7) "De pochtrons polacks en racistes helvètes" de Philippe Randa (VoxNR), 25 octobre 2007

(8) Le sympathisant enthousiaste d'Egalité&Réconciliation que je suis a été horrifié de lire sur le site de l'association un article sur la fameuse initiative sur le renvoi des criminels étrangers qui n'était autre que le communiqué officiel de l'UDC !

(9) "L'UDC l'a démontré : la vérité triomphera toujours du mensonge" de Zemetal (Gauche Nationale), septembre 2007 - mais ce groupuscule, comme son nom ne l'indique pas, n'a rien de socialiste et sa conception de la nation est pour le moins problématique...
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