Pour tous ceux qui suivent la politique française d’un bâillement persistant, le nom de Nadine Morano ne disait jusqu’à peu que très vaguement quelque chose… Quant à ceux qui n’appréhendent cette même politique française qu’à travers les Guignols de l’Infos sur Canal Plus, la chose était entendue : Nadine Morano ne pouvait pas exister telle qu’elle était caricaturée, ou à la limite, à Marseille, rayon « Il est pas frais mon poisson ? »…
Et pourtant… Plus elle apparaît sous les feux de la rampe, plus l’ex-Ministre sarkozyste surprend : elle existe en chair et en os, quasi-telle que les Guignols la montrent… et comme ses collègues ou adversaires parlent d’elle : VSD.fr titrait ainsi un article, en février dernier, « Nadine Morano : La chauffarde de la République », rappelant que « les attaques dont la ministre est la cible sont souvent d’une violence peu habituelle, même en politique. Sophia Aram, humoriste en titre de France Inter, la trouve “vulgaire”, pour Brice Hortefeux elle est “Madame Sans-Gêne”, “la Castafiore” pour Fadela Amara, Jean-Jacques Bourdin ose “Vous dites des bêtises” »… On ne se retient guère avec celle qui fut à l’évidence l’incontestable « Madame Sans-Gêne » du quinquennat de Nicolas Sarkozy… et qui entend continuer à le rester, même après que son mentor ait quitté le devant de la scène.
« J’y suis, j’y cause et j’y reste » dans cette 5e circonscription de Meurthe-et-Moselle où elle a été élue députée en 2002 et où elle entend bien le rester, faisant fi des ukases de l’UMP vis-à-vis du Front national… Non contente de clamer haut et fort aux électeurs de celui-ci qu’elle partage les mêmes convictions qu’eux, elle récidive dans l’hebdomadaire Minute, puis affirme au téléphone à Louis Aliot, numéro 2 du parti à la flamme tricolore, que « Marine Le Pen a beaucoup de talent ! »
Sauf que ce n’était pas Louis Aliot, mais l’humoriste Gérald Dahan qui l’a piégée, après en avoir piégé bien d’autres : du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin à la socialiste Ségolène Royal en passant par le défunt président du conseil régional d’Alsace Adrien Zeller ou le footballeur Zinedine Zidane…
Trop, c’est trop, et François Fillon, cette fois, de la tacler à son tour sur l’un de ses comptes Twitter (« FillonParis2012 ») : « Nadine Morano aurait dû raccrocher tout de suite car on ne parle pas aux dirigeants du FN. Il faut rejeter tous les extrémismes, FN comme Front de Gauche. »
Trop, vraiment ? Pas pour « La Nadine » qui réplique du tac-au-tweet : « François Fillon devrait dénoncer le délit pénal d’un Dahan militant socialiste. Pour le reste, je suis une responsable politique libre. »
Réponse plutôt soft de l’intéressée qui n’a donc pas été jusqu’à imiter son ex-mentor ; lui n’aurait sans doute pas manqué, en pareille occasion, de remettre à sa place son ex-Premier ministre par un vibrant : « Ta gueule, pauvre con ! »
Mais gageons que la considération pour le personnage est la même !
Il y a tout de même dans la réponse de « La Nadine » quelques mots à souligner : « Une responsable politique libre », soit le pendant d’« une femme politique libre », qu’on a entendu récemment pour la défense d’une autre Dame qui a « tenu la une » de cet entre-deux-tours d’élections législatives. Valérie Trierweiler a, en effet, pris officiellement position pour le dissident socialiste qui entend faire chuter « l’ex de son mec. »
Comparer alors ces deux furies de la politique française est sans appel : Nadine Morano, capable de tout dire, de tout faire, de tout oser, pour obtenir ce qu’elle veut et de ne pas s’en laisser imposer par qui que ce soit, finit par emporter une certaine sympathie, tout comme son illustre ancêtre historique, Madame sans-Gêne, qui fascinait Napoléon et tenait tête à Talleyrand… Alors que Valérie Trierweiler fait affreusement penser, elle, à un vilain personnage des frères Grimm : une Reine Consort qui écrirait hargneusement des tweets obsessionnels : « Dis-moi, oh mon beau tweet, qu’elle est la plus jalouse ? »