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Mercredi, 23 Juillet 2008
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En marge du débat sur l'Art contemporain
Claude Bourrinet
Politique
En marge du débat sur l'Art contemporain
Un art très contemporain

Ouvrez n'importe quel ouvrage consacré à l'art dit « contemporain », devant un tel capharnaüm, on invoquera inévitablement l'histoire de l'art comme ultime point de repère, histoire d'ailleurs finalement réduite à « une suite de crises, de ruptures, de rejets, de dénonciations, et même de retours en arrière. » (1) A la suite de quoi, devant la difficulté persistante d'y voir clair dans tout ce chaos, on nous sommera de faire « confiance aux professionnels ». « Ils possèdent les codes, les modes et les repères de sélection. Ils nous apportent une grille de lecture de l'art et de son histoire [.] ». (2)

Autant avouer qu'il faut abdiquer son libre arbitre devant les fonctionnaires de la culture, les experts de tous poils, les pédants et autres cuistres dont le poids des ouvrages, la parure universitaire ou la participation à des revues introduites dans le Monde de la Culture institutionnalisée autorisent la confiscation de la parole. On ne saurait au demeurant autant relativiser le projet démocratique d'une démarche si empathique avec une société dont il épouse souvent les horreurs, du monoprix à la décharge, au point d'en constituer finalement la caution apologétique, comme l'était l'art pompier pour la bourgeoisie du Second Empire.

L'adoption d'ailleurs du terme contemporain est significative, car la simple situation temporelle semble octroyer un droit à l'existence. Il existait l'art roman, l'art gothique, l'art classique, l'art baroque ., types esthétiques que les doctes et les professeurs, à la suite d'une démarche initiée par Vasari, ont livré à ceux qui aiment les classifications, mais qui avaient le mérite de désigner des caractères attachés à une manière de sentir, de penser, de rêver, de traduire le sacré, autant qu'à des particularités d'ordre plastique. Lorsqu'on eut pris assez de distance avec la finalité de l'art, qui est de rendre visible l'invisible, on subsuma les mouvements qui s'étaient succédés à partir de Gauguin, des impressionnistes et de Cézanne sous une catégorie temporelle, et l'on parla d'art moderne. Subsistait néanmoins la plastique et ses combinaisons, travail réfléchi en fonction de critères esthétiques, qui fut mise à mal par la critique radicale de toute expression formelle, au nom même de l'expressivité.

Il est difficile maintenant d'aller plus loin que le contemporain (mais il est vrai que le préfixe post- est très pratique pour outrepasser le temps et la logique, et l'on aura sans doute droit au terme « postcontemporain », comme on l'a été de celui de postmoderne). Le moment contemporain est en quelque sorte éternel puisqu'il coïncide avec un présent perpétuel qui se ressasse jusqu'à l'écoeurement.

Durant des siècles, l'évolution plastique de l'art, outre la sensibilité et l'âme qu'elle sollicitait par intermittence, a livré de beaux moments de délectation sensorielle (et non pas seulement des « ruptures », des « crises ».). Mais aujourd'hui la vacuité de la production artistique ne semble réclamer, comme la société consumériste dont elle est le point d'orgue, que le titillement sensoriel, la convulsion nerveuse, et l'hallucination sucrée, ce que la publicité, « art » de la quotidienneté au service démocratique des masses, est susceptible de donner à profusion dans chaque foyer, ainsi que les divers parcs d'attraction qui meublent le mélancolique otium de notre époque.

Il existe une histoire de l'art, une logique, une nécessité des formes et des couleurs, une « fatalité » plastique, qu'il faut mettre en parallèle avec l'émergence de l'humanisme, l'affirmation de la subjectivité face à une matière artistique qu'on appréhende techniquement, la confirmation d'un individualisme, fondement de la société moderne, qui réduit le contenu de l'art d'abord à une simple affaire de goût, puis à la recherche du bizarre, pour finalement cultiver l'obsession de la rupture, en quoi se résume souvent l'unique ambition de maints artistes contemporains.

La Vie contre l'Histoire (de l'art)

On sait que Nietzsche vitupéra les historicistes, surtout allemands. Au XIXème siècle sévissait la vision hégélienne d'une évolution du monde, dont la chaîne de causes et d'effets traduisait l'avènement de l'Idée et aboutissait à la fin de l'Histoire. Pour Hegel l'unique prière consistait dans la lecture matutinale du journal. Nous ne sommes pas loin de l'art contemporain, art évènementiel par excellence et, en quelque sorte, « avènementiel » de cette fameuse fin de l'Histoire, en tant qu'il réduit toute projection existentielle à une adhésion au « Réel » (3), au contraire de l'Histoire qui est faite de folie et de frustrations de tous ordres, y compris métaphysiques. L'adhésion cynique à la matérialité est devenue la nouvelle utopie (en quelque sorte ce « communisme du caca » dont parle Céline dans le Voyage pour désigner la civilisation américaine). L'idée de progrès, malgré tout, supposait une hiérarchie dans l'ordre des valeurs esthétiques. Le discours de la fatalité historique a aboli l'Histoire, et partant, toute recherche, sinon comme éternel retour du même, même si l'on est prêt à invoquer l'Histoire contre l'Histoire (de l'art), comme en témoigne la réaction de Régis Michel face au projet de création d'un Institut national d'histoire de l'art, « discipline, selon lui, d'arrière-garde » (4). L'AC prétend avoir atteint la vérité. Donc plus de progrès. Cependant, son discours invoque encore le poids écrasant de la force historique des choses pour légitimer son hégémonie

Nietzsche, philosophe intempestif, opposait la Vie, son absolu, son intolérance, sa puissance à cette maladie typiquement occidentale qui consiste à théoriser le devenir, à en faire un processus fatal, un mécanisme sans âme et sans profondeur : « Il y a un degré d'insomnie, de rumination, de sens historique qui nuit à l'être vivant et finit par l'anéantir, qu'il s'agisse d'un homme, d'un peuple ou d'une civilisation. » (5). Baudelaire, quant à lui, affirmait que le mythe du progrès était propre aux paresseux (6).

Face à cette momification de la pensée, Nietzsche prônait l'innocence, la naïveté, la libération de ce fatum nihiliste qui, loin de produire la tragédie, fondement de l'Homme, l'enrégimentait pédantesquement dans une activité productrice de gestes, de comportements dont l'unique justification provenait d'un passé fabulé, fût-on en rupture avec lui. Le « dernier homme » ne se demande pas ce qu'il doit faire en fonction de son être profond, c'est-à-dire de ce qui le dépasse et rejoint des Forces cosmiques, lesquelles le tendent comme la corde d'un arc, mais ce qu'il doit faire par rapport à ce qu'il faut faire, en regard de ce qu'il bienséant de faire, en conformité avec la règle idéologique, laquelle se présente toujours comme l'idole devant laquelle il est correct de se prosterner. Chronos, avec Ploutos, est l'un des derniers dieux qui nous restent, sous son avatar néomaniaque. Breton faisait remarquer à Giacometti que tout le monde savait ce qu'était une tête. Face à ce savoir unanime et convenu, Giacometti rétorqua au « pape du surréalisme » que lui, l'ignorait. Toute sa vie, dans son misérable atelier de la rue Hippolyte Maindron, il s'attachera à traquer désespérément les arcanes du visage humain. Au lieu de fixer l'essentiel, c'est-à-dire cette « part d'éternité » (ce « premier élément » du « divin gâteau » selon Baudelaire) incarnée dans le temps (la « modernité » (7)), le « dernier artiste » se demande de façon obsessionnelle s'il est en retard, s'il anticipe, s'il coïncide avec la marche de l'Histoire, s'il ne s'est pas lié à des pratiques surannées. Il est comme ce voyageur qui fait tel site touristique, et consulte sans cesse son itinéraire planifié ainsi que les indicateurs de chemin de fer, de peur de manquer un train. Ce n'est pas un spectacle déplaisant que ces empoignades d'entrepreneurs d'art autour de cette course contre le temps (ou avec lui).

L'artiste authentique obéit à ce qui lui est nécessaire en tant qu'artiste, non comme héritier ou opposant. Il peut certes inscrire son art dans une tradition, ou en rupture, mais c'est là comme une conséquence de son être, et le fruit d'une recherche patiente. Il peut se sentir proche d'un artiste, ou rejeter violemment un autre, mais c'est toujours en fonction de ce qu'il est, de sa nature profonde. On peut tenter d'expliquer Delacroix par l'influence de Géricault, de Gros, des Anglais, des tapis persans etc., jamais on ne parviendra à percer le mystère de l'artiste Delacroix. « Recueille-toi profondément » (8), disait-il ; et, à propos des grands maîtres : « Ils ont peint leur âme en peignant les choses et ton âme te demande aussi son tour. » (9). L' « âme », c'est l'anima, ce qui, du plus profond de l'être, donne vie.

Le véritable artiste vit hors du temps par ce que sa pratique comporte de lutte et de victoire contre la mort. Il échappe à la sclérose par la sève qui rompt la carapace des discours sur l'art. Il fracture la porte de la perception par son atemporalité, et nous projette hors de nous-même, hors du social. Il crée un regard nouveau parce que la Vie est ailleurs. Sa violence est patiente parce qu'il lutte avec une matière rétive, mais sa patience est prompte par l'éclat de son désir. Il se moque de l'éloquence, mais reste au niveau de ce que l'Homme a de meilleur, de son angoisse, de son amour, et par là reste plus près de l'Homme que ne le sont les stratégies communicationnelles du marché contemporain de l' « art ».

notes

(1) Elisabeth Couturier, L'art contemporain, mode d'emploi, 2004, Filipacchi, p. 20

(2) Ibid.

(3) Cela donne, dans le jargon hégélien : « L'expression du réel est le réel lui-même, de sorte qu'il reste en elle autant d'essentiel et que l'essentiel n'existe qu'autant qu'il est en une existence extérieure immédiate », Hegel, Encyclopédie.

(4) In Aude de Kerros ; L'Art caché ;Paris, 2007, p. 164

(5) Nietzsche, Seconde considération intempestive, Flammarion, p.78

(6) Baudelaire, Fusées, Mon cour mis à nu

(7) Il faut se garder de considérer la modernité baudelairienne comme une adhésion à celle-ci (elle est essentiellement, par le disciple de De Maistre, la critique du monde moderne, sa condamnation morale et religieuse), et la phrase de Rimbaud, à la fin d'Une Saison en Enfer (Il faut être absolument moderne) comme une injonction (il s'agit plutôt là comme la résignation d'un jeune homme déjà vieilli, qui renonce à l'alchimie du verbe, qui prend le pli de la réalité (qui se plie) dont il sollicitera une rente (Je veux être rentier)).

(8) René Huygue, Delacroix, 1964, Hachette, p. 172

(9) Ibid. p. 163
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