Gageons que l’histoire des Fortin, dont le procès du père s’est déroulé hier devant le tribunal correctionnel de Draguignan, inspirera sous peu, si ce n’est déjà le cas, un scénariste pour une comédie dramatique, peut-être même déjà programmée pour cet été ou le suivant.
Il y a matière à tenir en haleine plusieurs épisodes : un couple qui explose, le père qui disparaît avec ses deux enfants, onze ans de cavale dans la France rurale, puis l’arrestation inévitable, suivi du tout aussi inévitable comité de soutien au père…
Un père dont on ne cesse de vanter l’amour pour ses fils et l’excellente éducation qu’il n’a pas manqué de leur donner, malgré les difficultés qu’on imagine facilement dans une existence basée sur la fuite, le mensonge et la peur permanente du gendarme…
Cette histoire, débutée dans les cris et la douleur, s’est donc achevée hier dans un souci d’apaisement général, à tel point qu’on se demande pourquoi tous les protagonistes n’ont pas songés plus tôt à raison garder. Humain, trop humain, sans doute…
La saga Fortin, c’est l’illustration parfaite de la société soixantuitarde dans laquelle nous avons baigné les quatre dernières décennies. Tous les ingrédients y sont. Un couple de Beatnick d’Épinal, vivant en concubinage et qui explose quand madame se lasse d’une existence en caravane, sans eau ni électricité, successivement dans l’Aveyron, dans le Gers, en Normandie et dans les Cévennes au milieu de la verte nature et de leurs amis les bêtes : peace and love ; manquait malheureusement le chauffage central.
Pour le père, en revanche, la société comme la vit tout un chacun d’entre nous est par trop insupportable. Pas question de la réintégrer. Ce côté dernier des Mohicans est finalement plutôt sympathique, bien davantage en tout cas en regard de ces professionnels du gauchisme et de l’écologie électorale qui vilipendent les marchands tout en comptabilisant avec avidité les points de retraite pour assurer leurs vieux jours.
De fait, Xavier Fortin, lui, n’a jamais réclamé la moindre allocation, le moindre RMI, la moindre subvention… Il a mis ses idées au bout de son existence austère, ce qui n’est pas si courant pour que ce n’en soit pas respectable.
Beaucoup plus discutable est ce choix de vie qu’il a imposé à ces fils ; ces derniers affirment l’avoir suivi volontairement, certes et pourquoi pas… mais à l’époque âgés d’une dizaine d’années, on imagine qu’il n’a sans doute pas eu trop de difficultés à les influencer comme il lui convenait pour les convaincre de sa vue du monde comme il va ou plutôt comme il ne va pas…
Et c’est justement là que la belle image du dernier des Mohicans soixantuitard s’écorne quelque peu. Priver des enfants de leur mère parce qu’elle ne partage pas, ou plus, sa vision du monde, sent fort l’autoritarisme tel que brocardé chez les Bourgeois conservateurs tant honnis. On pourrait même y soupçonner quelques relents de machisme fort beatnickement incorrect… Étrangement, aucune chienne de garde ou autre passionnaria féministe, si prompte à criser devant les caméras dès qu’elle renifle le moindre mâle dominateur, ne s’est manifestée. Pourtant, quelques esprits chagrins pourraient imaginer que Xavier Fortin n’est finalement qu’un patriarche psycho-rigide comme tant d’autres.
Et qu’il n’aurait pas dépareillé, à sa façon, dans le rôle tenu par Jean Gabin dans le film fameux La Horse. Vision de cauchemar beatnick s’il en est !