Connaissez-vous la différence entre un commerçant et un Ministre de l’Intérieur ? L’un et l’autre livrent des batailles, mais, selon leurs fonctions respectives, perdues ou gagnées d’avance.
Gérant de Bar-Tabac au hameau du Dresny, à Plessé –pour ceux qui l’ignoreraient, c’est près de Nantes – Joël Lailler annonçait depuis des semaines qu’il braverait le décret anti-tabac dans les lieux publics. Il l’a dit, il l’a fait. La maréchaussée l’a donc verbalisé. C’était couru d’avance et on ne peut guère lui reprocher sa rigueur : c’est tout de même son devoir de faire respecter une loi, quoi qu’on puisse penser de celle-ci.
Verbalisé tout comme son client fumeur, le commerçant annonce désormais qu’il va entamer une grève de la faim. Ce, à l’intérieur de sa 2 CV, garée derrière son commerce qui restera fermé le temps nécessaire pour qu’il se les gèle suffisamment et arrête sa comédie.
Comédie qui lui vaut toutefois une brève renommée nationale, peut-être même internationale ; pour faire parler de soi, tout est bon et à Joël Lailler, personne n’avait sans doute présenté de top model… Sinon, s’il avait eu le choix, n’est-ce pas… Le bar-tabactier en révolte ne fait donc pas la « une » permanente de tous les journaux, mais a quand même gagné « son quart d'heure de célébrité », celui auquel peut désormais prétendre chacun de nous grâce à la télévision, ainsi que l’a fort bien annoncé Andy Warhol en son temps.
« Je sais que mon action dérange en haut lieu. Les médias s’intéressent à moi », clame haut et fort le héros du Dresny à Plessé (près de Nantes, rappelez-vous).
Il brandit pour preuve une pétition et compte avec gourmandise les signatures de soutien. Nul doute que celle-ci finisse bientôt encadrée au-dessus de son comptoir, entre l’affiche sur la réglementation de l’alcool obligatoire dans tous les débits de boisson et l’inévitable calendrier annuel des PTT.
Il y a des batailles perdues d’avance, aussi inutiles que grotesques et sans doute inutiles parce que justement grotesques. Certains matamores se complaisent à les livrer, peut-être parce que la certitude de l’échec annoncé les rassure quelque part. Ils ont l’impression d’exister à peu de frais, sans éprouver d’angoisse aucune quant au résultat. Et pour cause ! Il paraît que ce qui est inutile est plus beau, tous les loosers vous le confirmeront.
La délinquance aurait reculé de 3,7 % en 2007, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur : Madame la matamore de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie n’a pas oublié de le rappeler en présentant ses vœux à la presse, mercredi 16 janvier : « Pour moi, ces évolutions favorables ne sont ni le fait du hasard, ni le fait de la chance, c'est le résultat du travail de terrain », a-t-elle estimé.
C’est qu’il est à l’évidence moins hasardeux de faire respecter les lois de la République au hameau du Dresny, à Plessé (c’est près de Nantes, n’oubliez pas) et d’y déployer toute l’autorité de nos pandores… que dans quelques zones plus turbulentes de nos grandes métropoles. La victoire y est là gagnée d’avance.