Déchéance de nationalité : «L'obstination est mauvaise conseillère», lance Aubry à Hollande
Loin de retomber, l'opposition à l'inscription de la déchéance de nationalité pour les Français bi-nationaux condamnés pour terrorisme continue avec virulence. « La déchéance de nationalité est une honte », s'est emporté ce jeudi Jean-Luc Mélenchon. Doutant de l'utilité de la sanction -« Rien n'arrêtera jamais un terroriste »-, il estime que la mesure « crée de fait deux catégories de Français, les Français de souche, et je ne sais pas ce que ça veut dire, et les Français de papiers ».
Le fondateur du Parti de gauche, candidat à la présidentielle en 2012 pour le Front de gauche, s'est directement adressé au président de la République : « François, cette fois ci, pas ça. Tout le reste, on peut en discuter mais l'identité de la République ne t'appartient pas, alors fais un référendum », a-t-il lancé sur RTL, pensant à « tous les gens qui, comme moi, ont au moins un ancêtre sur huit qui est étranger, qui a choisi d'être Français ».
Moins virulent mais également opposé à la déchéance de nationalité, l'ancien ministre socialiste Benoît Hamon a lui aussi lancé un appel à François Hollande : « Le président de la République doit reculer sur la question de la déchéance de nationalité. (…) On n'est pas là pour essayer de trouver une motion de synthèse pour satisfaire la droite et la gauche », a-t-il plaidé, à l'adresse de l'ancien premier secrétaire du PS Hollande, réputé à l'époque pour son art consommé, voire excessif, de la synthèse. « Je ne lui demande pas de ravaler la mesure, mais qu'il réfléchisse avec nous à une mesure qui n'inscrirait pas une distinction entre Français dans la Constitution ».
Et le député des Yvelines de rappeler que la mesure « était inscrite dans les propositions de Nicolas Sarkozy, de Marine Le Pen et même du Bloc identitaire ». « Eux considèrent qu'il y a des Français de papier et des Français de sang. (…) En 2010, François Hollande disait qu'elle était contraire aux principes constitutifs de la Nation. Ces principes n'ont pas changé entre 2010 et 2016 ».
« L'obstination est mauvaise conseillère. Il faut aujourd'hui renoncer », a estimé Martine Aubry lors de ses vœux à la presse dans sa mairie de Lille ce jeudi en fin de matinée. « Ce n'est pas en s'adressant à la moelle épinière des gens qu'on fait de la politique », a-t-elle sèchement lancé à destination de François Hollande et Manuel Valls qui, en 2010, avant les attentats de 2015, s'indignaient de la volonté de Nicolas Sarkozy d'élargir la déchéance de nationalité.
« Un symbole unit, grandit, comme par exemple le drapeau, la devise républicaine, ou la Marseillaise ». Or, pour l'ancienne ministre de l'Emploi de Lionel Jospin, « la déchéance de nationalité divise, stigmatise et porte atteinte à l'un des fondements de la République française. Ce n'est pas un symbole, il faut véritablement la combattre », a-t-elle déclaré, fustigeant, sans la citer, la ministre de la Culture Fleur Pellerin qui avait estimé, le 6 janvier, que créer des apatrides n'était pas impossible puisque des traités internationaux régissent ce statut.
« Je ne comprends pas bien toute cette agitation », a commenté Jean-Yves Le Drian. Trois jours après les tueries du 13 novembre, devant le Congrès réuni à Versailles, « le président de la République a annoncé un paquet de mesures lourdes, à la fois juridiques, symboliques, et opérationnelles pour lutter contre le terrorisme. La déchéance de nationalité fait partie de l'ensemble qui a été proposé », a plaidé le ministre de la Défense, favorable au « pack ».
Nouvelle présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse (LR) y est elle-aussi favorable. « Je souhaite qu'on redonne du prix à la Nation française, ce n'est pas un droit c'est un privilège. Des Français se sont battus pendant des années pour l'obtenir », a-t-elle défendu sur France Info. Pour ne pas créer d'apatrides, la députée (qui attend, pour tenir sa promesse de démissionner de l'Assemblée nationale, que les recours sur son élection à la région soient examinés) est favorable à la déchéance pour les bi-nationaux et l'indignité nationale pour les terroristes qui n'ont que la nationalité française.