Départementales: Stigmatiser le FN, une stratégie risquée pour le PS
Le Parti socialiste joue avec le feu. A dix jours des élections départementales des 22 et 29 mars prochains, qui s'annoncent extrêmement difficiles pour lui, le PS a fait de la lutte contre le Front national son axe principal de campagne. Le parti frontiste est en effet donné en tête du premier tour du scrutin, alors que la gauche, très divisée, anticipe une lourde défaite.
Dimanche dernier, le premier ministre Manuel Valls a ainsi confessé «avoir peur pour (s)on pays» en voyant les scores du FN. Quelques jours plus tôt, François Hollande affirmait dans les colonnes du Parisien qu'il voulait «arracher» les électeurs au Front National, tandis que Jean-Christophe Cambadélis parlait du «suicide» de la gauche qui part divisée au combat. Des déclarations chocs, censées mobiliser l'électorat socialiste, alors qu'une forte abstention est prévue. Sans suffire à inverser le scénario de la défaite électorale, cette stratégie pourrait bien être contreproductive selon les experts interrogés par 20 Minutes. Explications.
Le risque de focaliser l'attention sur le FN
En proclamant sa «peur» face aux scores élevés pronostiqués au FN, Manuel Valls prend le risque de mettre sur le devant de la scène le parti frontiste. Comme l'a souligné Guillaume Tabard dans un édito du Figaro, «la campagne électorale semble se résumer à ce match, quasi personnel entre Manuel Valls et la famille Le Pen» qui ne se prive d'ailleurs pas de lui répondre. Une stratégie risquée, selon le chroniqueur, car «elle valorise un parti qu'il prétend réduire» et «souligne, par contraste, l'incapacité de la gauche à se situer sur un autre terrain que celui de la République en danger.»
Une absence de stratégie
Pour Rémi Lefebvre, professeur de sciences politiques à l'université de Lille 2, les déclarations de Manuel Valls illustrent surtout «l'absence de stratégie» des socialistes, «aux abois». Contrairement à Jean-Marc Ayrault, qui n'avait pas souhaité s'engager personnellement dans la campagne des élections municipales de mars 2014, «Manuel Valls a décidé de faire la stratégie inverse», souligne-t-il. «Il joue la carte du leader déterminé droit dans ses bottes. Le paradoxe, c'est qu'il agite la peur du FN, avec un discours émotif sur la "peur pour son pays" alors que beaucoup de citoyens estiment que la gauche a une grande responsabilité dans la montée du FN» souligne-t-il.
Un discours qui ne masque pas les divisions de la gauche
«Ce n’est pas la question du FN qui est dangereuse mais la dispersion de la gauche», note, de son côté, Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop. Dans la plupart des cantons, la gauche est en effet divisée. «Un suicide politique en direct», a déploré Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS. L'abstention, elle, pourrait concerner 55 à 57% des électeurs, en particulier à gauche, selon le sondeur. Dans ce contexte, «la stratégie du PS est une stratégie de remobilisation» souligne-t-il. «Un des moyens de mobiliser les électeurs de gauche est de montrer un danger», en l'occurrence, celui incarné par le Front national, explique-t-il de son côté. «Cette stratégie est de moins en moins efficace pour mobiliser l'électorat de gauche», relève pourtant Frédéric Dabi. D'autant plus avec le risque d'un «vote sanction» visant la politique de François Hollande. «Tous les ingrédients sont réunis pour une catastrophe» pour le PS, résume Rémi Lefebvre.