Jacques Vergès vient de nous quitter à Paris.
Ce brillant avocat, amateur de cigares hors de prix, a fait partie un certain temps du conseil de rédaction du journal L’Idiot international, dans lequel je prenais également part aux côtés de nombreuses autres personnalités telles que les écrivains Philippe Sollers et Michel Houellebecq, le chanteur Renaud et le caricaturiste Gébé (de son vrai nom Georges Blondeaux).
Jacques Vergès est né d’un père français et d’une mère laotienne, d’où son caractère mystérieux et calme, sa peau mate et ses yeux bridés. Intelligent comme le diable, il a participé aux procès les plus difficiles. Il a notamment défendu l’officier nazi Klaus Barbie, Carlos le terroriste, puis lorsque je vivais à nouveau en Russie Slobodan Milosevic. Il avait même essayé de devenir l’un des avocats de Saddam Hussein.
Élégant, onéreux et toujours mystérieux, il est allé en contresens de son époque et a toujours vaincu son temps avec un grand sourire. Il a fait ce qu’il voulait. Après avoir étudié avec Pol Pot [dirigeant politique et militaire des Khmers rouges, Premier ministre du Kampuchéa démocratique (Cambodge) de 1976 à 1979, ndlr], il quitta la France en 1970 pour le Kampuchéa démocratique jusqu’en 1987.
Jacques Vergès nous a quittés à l’âge de 88 ans : il aurait pu être mon jeune père. Je l’ai d’ailleurs toujours admiré.
Je me souviens d’une situation, alors que nous étions dans l’appartement, place des Vosges, du propriétaire de L’Idiot international Jean -Edern Hallier. Le conseil de rédaction attendait alors la venue de deux hommes politiques : Jean-Marie le Pen et Henri Krasucki (ancien secrétaire général de la CGT). L’entrée de ce dernier s’est d’ailleurs faite sous les notes de l’Internationale, interprétée au piano par Philippe Sollers et entonnée par nous tous. Ce soir-là, j’étais assis avec ma compagne Natalia Medvedeva à la même table que Jacques Vergès.
C’est un grand homme, hors du commun, étrange et puissant qui vient de nous quitter.