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Vendredi, 23 Janvier 2009 |
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Identité et éthique
Claude Bourrinet |
Tribune libre
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Jean-Hugues Bourgeois est un militant de la Confédération paysanne, altermondialiste, défenseur des « droits de l’homme » et membre d’une association d’aide aux immigrés. Paysan, éleveur de chèvres, adepte du retour à la terre, à la nature, à la simplicité, il mérite tout le respect et la sympathie de ceux qui voient dans la lèpre moderniste, et singulièrement urbaine, l’un des maux majeurs de la civilisation issue des Lumières. Altermondialiste, son engagement se révèle fort estimable, à l’heure du pantouflage télévisuel et de la lâche résignation à la logique marchande. Qu’il ait opté pour un courant qui, malgré des objectifs très justes, pâtit quelque peu d’une certaine récupération médiatique et de naïvetés égalisatrices, ne dépare en rien la valeur humaine d’un être qui a choisi de se battre. Que son combat aille jusqu’à encourager une immigration qui suscite pas mal de problèmes, sur lesquels il n’est pas besoin ici de revenir, cela regarde une logique qui, sans être celle des résistants au Nouvel Ordre du Monde, lesquels placent l’identité nationale, européenne, comme un idéal vital, n’a pas à être diabolisée, la chasse aux sorcières, le dualisme moraliste, le fanatisme barbare n’appartenant pas à ceux qui se réfèrent à la tradition et à l’éthique aristocratique. (1)
Les faits sont en effet accablants. Jean-Hugues bourgeois, originaire des Hautes-Alpes, avait repris une ferme, dans les Combrailles, au début de l’année 2006, pour élever des chèvres et cultiver des céréales bio. Pour des raisons peut-être liées à des intérêts paysans locaux (les 50 hectares de sa propriété étant de très bonnes terres), ou à d’autres plus idéologiques, des lettres de menaces de mort contre ses proches (2) lui ont été envoyées, et son cheptel a été brûlé dans un incendie criminel.
Il semblerait que l’auteur de ces méfaits inqualifiables ait été arrêté, à la suite d’une enquête minutieuse et de l’analyse des empreintes digitales et des traces ADN laissées sur la lettre anonyme.
Les médias nous révèlent qu’il s’agirait d’un militant « d’extrême droite ». Affirmation bien sûr à prendre avec des pincettes, comme tout ce qui se déverse de la télévision, de la radio et des journaux.
Cependant, quel que soit l’auteur de ces actes stupides et criminels, il est bon de rappeler plusieurs principes.
Rappelons que l’incendie, surtout quand il est aussi sournois que celui-ci, est non seulement un geste veule et bête, mais qu’il a été, dans toute société, puni par d’extrêmes sanctions, comme la peine de mort. Et à mon sens, je n’y vois aucun inconvénient. Il n’est pas utile, je pense, de rappeler aux hommes qui se respectent, et qui se réclament d’une éthique chevaleresque, que si quelqu’un a un compte à régler, cela se fait dans les règles. Je mets à part une situation de guerre, qui souffre bien des entorses à la morale, mais nous n’en sommes pas là. Je ne laisserais pas passer aussi l’occasion de souligner que l’on doit autant le respect aux animaux qu’aux êtres humains, et que massacrer des bêtes de cette façon ne peut que soulever le mépris.
Allons plus loin. Il est terriblement vrai que l’immigration, le discours droitdel’hommique, et l’égalitarisme tous azimuts contribuent à la désagrégation de notre communauté européenne, à la dissolution de nos valeurs traditionnelles et à l’affaiblissement de nos capacités de défense devant des périls de plus en plus pressants. L’individualisme, le déracinement, l’utilitarisme économique sont des fruits empoisonnés de la culture humaniste.
Mais l’anti-humanisme, tel qu’il se présente quand il cherche à retrouver l’authenticité de la vie en commun, est-il fatalement la négation de l’homme ?
Prenons le cas de l’accueil des étrangers, puisque Jean-Hugues Bourgeois en a fait un combat, et qu’il a souffert de s’être battu pour cette cause. Celui qui est familier de l’Iliade et de l’Odyssée connaît la valeur de l’hospitalité, qui, dans l’Antiquité, et jusqu’à l’époque moderne, jusqu’à la constitution des Etats (« monstres froids !), l’instauration de valeurs utilitaristes, l’universalisation de l’individualisme, la mainmise des patries exclusives sur les consciences et les corps (presse, service militaire, productivisme etc.), est considérée comme sacrée (3). Le racisme, qu’il ne faut pas confondre avec la xénophobie, largement partagée par les peuples antiques, qui voyaient dans l’étranger un danger, est un produit des nationalismes bourgeois et du scientisme positiviste du XIXe siècle. Or, pour un citoyen grec ou romain, comme d’ailleurs pour un Apache ou un Zoulou, toucher la pierre du foyer, ou l’âtre, ou, que sais-je ? ce qui existe de plus précieux, d’un point de vue religieux, dans la maison, entraîne ipso facto protection et entretien, quelle qu’en soit la conséquence, y compris la perte de la vie. C’est un devoir, un contrat imposé par les dieux, qui existait avant que l’on fût né, et qui existera après nous.
Certes, il faudrait voir de plus près, chez chacun des peuples de l’antiquité, comment s’effectuait cette hospitalité. Le concept souffre de réserves et de conditions innombrables, et ne peut être réduit, comme le font les partisans des droits de l’homme, à un impératif abstrait, et, de ce fait, faux. Car les Anciens, en bons païens, voyaient gens et choses de façon extrêmement concrète, dans toute la multiplicité et la richesse du monde tel qu’il est.
Il est néanmoins urgent de rappeler que le code de l’honneur, l’éthique aristocratique sont incompatibles avec des comportements, l’on ne dira pas « barbares », car les barbares présentaient leurs lettres de noblesse, eux aussi !, mais dignes d’abrutis. Si l’on doit combattre les vrais auteurs de nos maux, il faut s’en prendre à l’oligarchie atlantiste qui démolit notre vaisseau, en ayant bien sûr de quoi sauver sa peau. Le Titanic n’étant pas passé de mode !
Mais il est vrai que les « princes » qui nous gouvernent sont autrement mieux protégés qu’un simple berger !
1 - Des menaces de mort et de viol contre sa fille de 8 ans !
2 - Même si, par ailleurs, Jean-Hugues Bourgeois peut nous injurier ! Depuis quand nous devons-vous de ressembler à nos ennemis ? Pût aux dieux que nous n’eussions que des adversaires !
3 - Par exemple, dans L’Histoire romaine de Théodore Mommsen : « L’hospitalité est la forme simple et primitive de la protection. Si haut qu’on remonte dans les âges, avant même la séparation des peuples, on la rencontre d’une façon certaine ; le fait est prouvé par l’identité du mot et de sa notion dans les langues latine, grecque et slave. Le latin hostis (dans son sens originaire), le gothique gasts, le slave gosti, désignent, tous les trois, l’étranger protégé par l’hospitalité ; ils sont en même temps les synonymes du grec ξένος . Le mot hostis a aussi un air de famille avec le mot hospes, du moins dans sa première syllabe; il répondait dans son acception originaire à l’idée d’un accueil sur le pied d’égalité (hostire — œquare ?). L’hospitalité a ensuite engendré l’amitié (amicitia). Juridiquement, qu’elle soit contractée entre individus ou entre cités, l’hospitalité est toujours la même : souvent elle réunit l’être collectif et les individus, et le droit établi entre deux villes l’est par suite entre chacun de leurs concitoyens. D’ailleurs autant de contrats, autant de variétés. Recevoir purement et simplement un étranger n’est point s’engager à rien de plus, sauf peut-être pour quelques jours : que s’il revient une seconde fois, on n’est pas tenu de le recevoir. Il en est de même des envoyés d’une ville avec qui Rome est en guerre ou n’a pas d’alliance : protégés par le droit des gens, ils s’en retournent comme ils sont venus. Le contrat d’hospitium, au contraire, crée un lien de droit permanent, le plus souvent avec réciprocité effective. Il n’est pas seulement viager : dans toute l’antiquité, on le considère comme durable et profitant aux enfants et descendants (liberi posterique) ; il s’établit entre personnes respectivement étrangères les unes aux autres, et par là il se distingue de l’amitié ordinaire ou des simples relations de fait. »
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