24/01/05 16.08 t.u. Christian Bouchet

Depuis quelques semaines, nos amis les journaleux ont ressorti leur marronnier préféré : la dangerosité de l’extrême-droite heureusement tempérée par ses querelles internes.

Après avoir créé, de manière toute artificielle, une « affaire Golnisch », les médias du système ont créé une nouvelle « affaire Le Pen » et tenté, par ricochet, d’atteindre à chaque fois Marine Le Pen coupable de ne pas se dissocier assez nettement du professeur de l’Université lyonnaise et de ne pas le faire du tout de son géniteur. Jamais en reste quand il s’agit d’aller fouiller dans les poubelles, Le Monde s’est quant à lui fendu d’un assez long papiers - reprenant des sources policières - sur les ultras qui « sont pires que le FN » et qui - estimés à trois mille cinq cents tout mouillés - font trembler notre république sur ses bases.

Tout cela sent le travail bâclé, les intuitions non vérifiées, les informations bidonnées. Tout cela c’est du travail ... de journaliste, c’est à dire du vent, du pipi de sansonnet, de l’insignifiant...

Le français moyen qui subit la conjoncture économique, qui se sent de plus en plus éloigné de ceux qui prétendent le représenter, qui vit la dégradation de la sécurité urbaine et de la qualité de l’école, n’a rien à faire de savoir ce qui est publié dans les pages d’Aviso, ce que pense JMLP de faits vieux de soixante ans, ou ce que Golnisch dit, ou ne dit pas, dans ses conférences de presse. Il sait pourquoi il va voter pour le FN : par dégoût et refus de ce qui est ; le reste : il s’en contrefout !

Or, dans le même temps où nos amis de la presse pissent sans imagination leurs copies, l’observatoire des médias du CRIF publie « Le Front national : état des forces en perspectives ». Venant d’une structure « communautaire » qui a beaucoup fait dans la diabolisation des idées nationales, on pouvait s’attendre au pire. Et bien non ! Le travail est honnête. Pire, il est de nature à donner du cafard aux antifascistes patentés et de l’espoir aux nationaux.

Relevons, avec ironie, que l’auteur de l’étude laisse de côté les « ultras » en leur réglant leur compte en quelques lignes acides : «[c’est] autant un phénomène sociologique de contre-culture de marge, voire de tribu urbaine, qu’un objet d’étude strictement politique ».

Voilà pour les marges. Sur le corps du sujet, l’analyste est beaucoup plus prolixe. Sa thèse tient en quelques lignes : « Rien ne permet d’affirmer que la progression du FN est stoppée. Une dynamique politique et sociale existe dans ce courant, qui peut largement permettre au parti de survivre à l’inévitable disparition de la scène politique de son fondateur. »

Et il développe : « L’une des affirmations récurrentes, avant chaque consultation électorale depuis 1984, consiste à affirmer que le FN a atteint son étiage maximum, donc à prévoir sa prochaine décrue. Cette hypothèse qui tient largement du wishful thinking, ne s’est vérifiée ni en 2002 ni en 2004. Il semble même que l’extrême-droite qui bénéficie désormais d’un noyau électoral fidèle, puisse gagner encore des voix, puisque des secteurs importants de l’électorat ont déjà voté une fois au moins pour le FN, franchissant une barrière psychologique qui est celle de l’inhibition face à un choix électoral « diabolisé », et peut-être d’ailleurs d’autant plus attrayant qu’il est présenté comme un mal absolu. Sa marge est d’autant plus grande qu’environ un tiers de la population interrogée par les instituts de sondages se dit d’accord avec au moins un des thèmes principaux développés par le FN. »

Par ailleurs on trouvera dans ce travail diverses autres notations qui devraient faire réfléchir. Parmi celles-ci, les raison du vote pour le FN. En premier arrive la crainte de l’insécurité, en second la défense des valeurs traditionnelles, l’opposition à l’immigration n’étant que la troisième raison d’accorder son vote au parti de JMLP, puis vient la critique de la classe politique, le rejet d’une fiscalité trop élevée, etc. L’hostilité à l’islam, que certains voudraient voir devenir l’axe central du combat national, est si secondaire dans les motivations de l’électorat qu’il n’est pas même cité

Enfin, le CRIF a bien compris où est « l’ennemi », non pas Bompard, Antony and co - qui « représentent un courant d’idées sans prise aucune sur l’électorat frontiste » -, mais Marine Le Pen qui peut « sortir le FN du ghetto politique en lissant son image de ses aspérités extrémistes. (...) Elle [peut] permettre au parti de combler le gender gap qui caractérise l’électorat FN, donc obtenir que les femmes votent pour le parti dans la même proportion que les hommes (...). D’autre part elle [peut] imposer les idées d’une nouvelle génération de militants, plus ouverte d’une point de vue culturel, plus souple en matière de morale, mais n’ayant rien renié des idéaux du parti »

En lisant cela on se dit que l’on comprend mieux la raison des « affaires » qui tentent de l’atteindre, on ne tire jamais sur les ambulance mais sur ceux dont on a tout à craindre.

Christian Bouchet

Le Front national : état des forces en perspective, Les Etudes du CRIF n° 5, 2004, 36 pages.