En attendant les dissolutions
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11/02/05 |
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2.08 t.u. |
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Christian Bouchet |
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Chose promise, chose due ? C’est ce que l’on va voir bientôt. Notre excellent ministre de l’Intérieur ayant promis au Parlement la dissolution des groupuscules violents de l’extrême droite néo-nazie, il nous reste à attendre pour savoir sur qui tombera sa foudre. Si elle tombe...
Dans l’immédiat les RG enquêtent... Quand on connaît un tant soi peu ceux-ci, on se dit que cela va encore être brillant.
Il y aurait donc trois mille cinq cents « néo-nazis » en France qui poseraient un problème de sûreté publique gravissime puisqu’ils auraient été à l’origine de 52 cas de violence l’an passé. 52 cas de violence... il est vrai que le péril est grand ! Pire, ces affreux méchants ont effectué, selon Le Monde - citant un rapport des RG - « 13 actions violentes antisémites ». On en tremble dans les yeshivas ! On en tremble d’autant plus que ces 13 actions ne représente que 7% du total des « actions violentes antisémites ». On aimerait bien connaître alors les auteurs des 175 autres actions et savoir s’ils vont être, eux aussi, dissous.
Bien sûr, tout cela ne ressemble à rien. L’extrême droite radicale française, parmi laquelle les « néo-nazis » ne doivent pas être trois cents, ne s’agite quasiment plus que sur internet. Elle ne représente plus aucune dangerosité et les chercheurs du CRIF, qui s’y connaissent bien et qui l’ont soigneusement étudiée, ne s’y trompent pas. Quand ils la décrivent, ils ne parlent pas du danger qu’elle représente mais de son état de déliquescence : « Cette mouvance, éparpillée entre des groupes locaux et des revues nationales à faible diffusion (entre 500 et 2000 exemplaires selon leurs propres déclarations), est autant un phénomène sociologique de contre-culture de marge, voire de « tribu urbaine », qu’un objet d’étude strictement politique. » (Les Etudes du CRIF, n° 5).
Y aura-t-il alors dissolution ? Sans doute. Peut-être qu’un groupuscule de skins ou deux en feront les frais, peut-être même qu’un mouvement plus politique et plus remuant sera interdit. Et puis cela sera tout.
Insignifiance de notre ministre, insignifiance de l’objet de sa hargne, insignifiance de l’éventuelle dissolution...
Quant aux raisons de tout cela, elles ne sont même pas très clairement perceptibles tellement tout l’ensemble est bancal : rassurer a peu de frais une « communauté » qui voudrait absolument que l’antisémitisme existe, démoniser encore plus le FN en attaquant ses marges, préparer d’éventuelles provocations futures, etc. On en viendrait à se demander si Villepin, surpris par la question d’un député ne lui a pas répondu n’importe quoi !
Cela dit, quoiqu’il se passe, nos libertés publiques auront encore un peu plus reculées dans l’indifférence générale. Ce qu’il y a eu de plus concret, en effet, dans la réponse ministérielle a été l’annonce d’une intervention de l’Etat auprès des loueurs de salle pour qu’ils refusent de contracter avec tous les mal-pensants.
Beaucoup de bruit pour bien peu de chose en somme. Mais ce bien peu de chose pourrait bien être l’essentiel : interdire toute possibilité de réunion, non pas aux groupuscules - qui de toutes les façons ne se réunissent guère - mais au Front national et à ses dirigeants en prévision des prochaines élections.
Qui sait ?
Christian Bouchet
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