16/03/03 21.06 t.u. Christian Bouchet

Si j’en crois les bulletins d’information télévisés vu ce soir (dimanche 16) la guerre d’agression des anglo-américains contre l’Irak ne devrait plus guère tarder à commencer.

Il se peut qu’elle se termine rapidement, mais il se peut aussi que Bagdad devienne le Stalingrad de l’oncle Sam...

Il va sans dire que c’est à cette perspective que, sans grandes illusions, je rêve et que parodiant un illustre prédécesseur je souhaite, là aussi sans grandes illusions, la victoire de l’Irak.

Depuis quelques mois, au fil des manifestations contre la deuxième guerre du Golfe en gestation, nous avons eu droit de la part des opposants à celle-ci à un discours récurrent : Saddam Hussein est un dictateur sanguinaire mais il faut défendre la paix.

Comme quoi les services de propagande de Washington ont bien fait leur travail puisque même les adversaires des USA reprennent une partie de leur discours.

Si les radicaux et les nationalistes-révolutionnaires ont participé - dans la mesure de leurs faibles moyens - aux diverses manifestations des opposants à la guerre, leur position était toute autre : soutien total à Saddam Hussein et au Parti de la renaissance arabe (le Baath au pouvoir à Bagdad), guerre totale à l’impérialisme américano-sioniste.

Je rappellerai à mes lecteurs qui pourraient l’avoir oublié que, dès le début des années soixante-dix, notre grand ancien François Duprat voyait dans l’idéologie du Baath un nationalisme-révolutionnaire arabe et que les Editions Ars Magna, dès leur création, proposèrent des textes de Michel Aflak, le théoricien de ce parti.

L’Irak vit-il sous un régime dictatorial ? Tous ceux qui ont été à Bagdad, et tous ceux qui ont l’habitude des pays de la région, vous diront le contraire. L’Irak est un pays beaucoup moins policier que ses voisins et c’est - fait rare dans la contrée - un pays laïc. Si dictature il y a, elle est bien douce... Les occidentaux qui la dénoncent sont-ils d’ailleurs bien placés pour le faire ? Oublient-ils la dictature de l’argent et du politiquement correct qui règne chez nous ? Mais il est vrai que l’on « voit la paille dans l’œil de son voisin, pas la poutre que l’on a dans le sien ».

Quand à la guerre, interrogeons nous sur son but réel. Le 30 septembre 2002, Bush déclarait : « Saddam Hussein est une menace pour le monde, pour Israël et pour l'Amérique ». Le Washington Post titrait le 9 février : « Bush et Sharon ont des vues pratiquement identiques sur la politique au Moyen-Orient ». Quant à Robert Kagan, l'un des inspirateurs de Bush il dit clairement : « Les raisons de la guerre en Irak ne sont ni la démocratie au Moyen-Orient, ni le pétrole. Il s'agit d'un problème de sécurité régionale ».

De plus, par son rôle exercé à l'intérieur de la nation arabe et du monde musulman (pour ne pas parler de la Palestine), par son anti-sioniste et son anti-impérialiste, un pays comme l'Irak est un élément décisifs pour la destinée de toute l'Eurasie, par rapport à la pénétration de la thalassocratie américaine en direction de l'Heartland, le cœur géostratégique, l'arrière-pays logistique de la masse continentale eurasiatique-africaine.

Si nous portons notre regard sur une carte géographique générale de l'Asie, nous nous rendons compte sans mal que Bagdad constitue l’un des deux derniers (l’autre étant Téhéran) éléments manquants d'une mosaïque qui une fois complétée, donnerait à Washington le contrôle total de l'Eurasie occidentale et méridionale, de l'Atlantique à l'Inde. Ce serait un résultat qui, par dessus tout, éliminerait toute possibilité de s'opposer à la domination sioniste sur la Palestine, clef stratégique du néocolonialisme américain sur le vieux monde, et qui priverait les forces de résistance arabe de leurs derniers points de référence politique et religieux. Nous aurions en somme une réédition du pacte de Bagdad. L'installation de gouvernements collaborateurs demain en Irak, et après-demain en Iran, permettrait à l'impérialisme d'assurer définitivement ses arrières dans sa marche de pénétration vers le Nord, vers les gisements de pétrole et de gaz encore intacts de la Caspienne, mais aussi dans les territoires de l'ex-URSS jusqu'aux frontières sibériennes de l'actuelle Fédération de Russie.

Déjà le 20 janvier 1991, sur TF1, Simone Veil affirmait : « Cette guerre est juste et utile pour nos intérêts ». Bien sûr, elle ne parlait pas de ceux de la France mais de ceux de ses maîtres : l’impérialisme américano-sioniste.

Alors souhaitons nous aussi la guerre, mais une guerre qui donne raison à Lénine quand il écrivait « une seule étincelle peut enflammer toute la plaine », souhaitons une guerre qui « enflamme » tout le Proche-Orient , une guerre qui soit le commencement de la fin de Carthage et de Sion. Et si cet embrasement ne se produit pas demain, n’oublions pas qu’il est des braises qui couvent longtemps sous la cendre et que l’incendie finira, un jour ou l’autre, par éclater.

Et alors, Carthage sera détruite !

Christian Bouchet