Les années de plomb, vingt ans après
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30/06/04 |
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20.15 t.u. |
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Christian Bouchet |
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Au moment où j’écris cette chronique, la Cour d’appel n’a pas encore rendu sa décision au sujet de l’extradition de Cesare Battisti. Quelque soit celle-ci, il n’est pas inutile que nous nous arrêtions un instant sur cette affaire.
Il s’est trouvé un lot de pétitionnaires, avec lesquels je n’ai rien en commun, pour faire du lobbying en faveur de Battisti. Il s’est trouvé un quarteron d’imbéciles, dont tout m’éloigne, pour mener une campagne soutenant sa remise à la justice italienne.
Des deux côtés ont été avancés des arguments juridiques et moraux qui ont évité d’aborder le problème essentiel : celui des années de plomb.
Dans un entretien accordé au monde, Battisti avait pourtant lui même tenté de recentrer le débat - sans être le moins du monde suivi par ses partisans, ce qui est très significatif - en disant qu’au final, le véritable coupable était le système italien qui avait manipulé toute une génération idéaliste, l’enfermant dans une guerre civile larvée et dans un terrorisme sans débouchés, afin de l’empêcher de modifier le statu quo.
Il faut lire, à ce propos, Nos belles années de plomb (livre à acheter en ligne sur librad.com :: lien ::) de Gabriel Adinolfi. L’auteur a vécu lui-même vingt années en exil du fait de son activité politique et il est bien placé pour nous expliquer le rôle des divers services à l’œuvre dans la péninsule, les manipulations diverses, les faux attentats et la création du système des repentis permettant de faire accuser et lourdement condamner des innocents gênants pour le système.
A cette époque, les « nôtres » s’opposaient en Italie à l’instrumentalisation de l’affrontement des extrêmes et disaient clairement que le véritable ennemi n’était pas le militant marxiste mais le système mis en place, dès 1943, par l’occupant yankee.
Plus de vingt ans après, leurs analyses restent justes.
Battisti était incontestablement un adversaire hier, il n’était pas un ennemi, il ne l’est toujours pas devenu à nos yeux.
J’ai différents camarades emprisonnés dans les centrales italiennes et françaises, je sais trop ce qu’ils endurent au quotidien pour souhaiter cela à quiconque, quel que soit son passé politique et quoiqu’il ait fait hier au nom de celui-ci.
Alors je ne souhaite qu’une chose que Battisti reste en France et qu’on libère en Italie, les militants marxistes et nationaux, condamnés à de très lourdes peines carcérales pour avoir eu le seul tort de vouloir changer le monde.
Christian Bouchet
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