L’immigration ? Une arme des patrons
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16/11/03 |
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11.19 t.u. |
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Christian Bouchet |
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Il y a trois ans, en rédigeant le livre Les Nouveaux nationalistes, j’écrivais : « On a trop tendance dans les milieux nationaux à condamner plus les immigrés que le phénomène de l'immigration, c'est-à-dire à dénoncer l'effet plutôt que la cause. Or si on se penche sur la cause de l'immigration, dans tous les cas on trouve le capitalisme libéral et la mondialisation et on ne peux qu’être d’accord avec le journaliste communiste non-conformiste Patrick Besson quand il écrit : « l’immigration est une arme des patrons pour augmenter leurs profits, diminuer les salaires et briser l’unité ouvrière.»
Il est un fait que l'immigration profite au patronat en générant un main d'œuvre abondante et en permettant que les salaires restent bas, c'est pour cela que les syndicats patronaux sont plus que favorables à ce que les vannes de l'immigration soient plus largement ouvertes. Je n’invente rien, c’est bien Denis Gautier-Sauvagnac, délégué général de l’Union des industries métallurgiques et minières qui affirmait récemment qu’il « ne serait pas absurde d’inverser les flux migratoires », c’est bien Jean-Louis Giral, une personnalité respectée du Medef qui évoquait il y a peu « la nécessité de renouveler le stock de main-d’œuvre étrangère », c’est bien la Chambre de commerce et d’industrie de Paris qui publiait il y a quelques mois un rapport où elle proposait « l’impatriation (sic !) de salariés » et se plaignait que la France soit « une des nations européennes les plus fermées aux travailleurs immigrés » ... Je pourrais continuer ad nauseam ... »
Ces lignes me valurent, dans un mensuel d’extrême-droite, une attaque en règle de la part du principal théoricien de la haine altérophobe. Pour lui, « je faisais marxiste pour faire dans le vent » et je n’avais rien compris à rien. En effet, selon les dires de notre homme, l’immigration n’avait rien à voir avec le capitalisme libéral puisqu’elle était un gigantesque complot arabo-musulman contre l’Occident.
Je repensais à cela, avec amusement, en lisant Le Monde du 7 novembre dernier. A la suite de l'avis du Conseil économique et social recommandant « d'ouvrir davantage nos frontières ». Denis Gautier-Sauvagnac l'un des principaux dirigeants du Medef y réclame « une nouvelle politique d'immigration », et il ne cache pas sa satisfaction de voir le CES faire appel à cette « immigration de travail ». « Cela fait plusieurs années que je dis que nous avons besoin d'une nouvelle politique d'immigration », confie au Monde Denis Gautier-Sauvagnac.
Or l'ANPE a fait remarquer après l’avis du CES l'importante réserve d'actifs déjà présente en France : « Nous comptons quelque 3 millions de chômeurs. Si l'on ajoute les personnes en formation, les femmes qui ont été incitées à ne pas travailler, les plus de 55 ans actuellement dispensés de recherche d'emploi qui vont, avec la réforme sur les retraites, devoir rentrer sur le marché du travail, ce sont près de 5 millions de personnes en réserve dont nous disposons ».
Ce que ne disent, ni Le Monde, ni l’ANPE, c’est qu’à terme le chômage devrait se réduire par un simple effet démographique. Or moins de chômeurs, c’est un marché du travail plus tendu où les salaires sont de ce fait à la hausse.
L’augmentation de l’immigration a donc un immense avantage, elle maintient élevé le nombre de chômeurs donc elle permet de maintenir les salaires relativement bas. Tant pis si les frais occasionnés par l’intégration de ces étrangers sont importants, c’est la collectivité qui les supporte. Tant pis si les « dommages collatéraux » sont nombreux, ils n’ont pas d’influence dans le XVI° ou à Neuilly.
Anecdotiquement, il est piquant de constater que les groupes gauchistes qui militent pour l’ouverture des frontières travaillent dans le sens du grand patronat... Si la plupart le font par naïveté, il est évident qu’un certain nombre sont des agents d’influence (ainsi il y aurait beaucoup à dire sur le rachat par Vivendi Universal - à un prix sans rapport avec sa valeur - il y a quelques années, du site vizzavi qu’avait lancé un médiatique dirigeant des sans-papiers).
Quoiqu’il en soit, puisqu’on répète fréquemment dans les milieux anti-immigrationnistes qu’« il faut désigner l’ennemi ». Désignons-le, mais ne nous trompons pas, l’ennemi ce n’est pas l’immigré, ce n’est pas le musulmans, c’est le capitalisme, c’est le libéralisme, c’est la société marchande.
Tant que les nationaux n’auront pas compris cela, ils se réduiront à l’impuissance.
Christian Bouchet
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