
« Notre » Résistance
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19/02/03 |
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20.13 t.u. |
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Christian Bouchet |
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Dans son très intéressant petit livre consacré à la Milice (La Milice, Lyon 1943-1944, Librairie Nationale, 2002), Jean-Claude Valla consacre quelques pages à dénoncer la thèses des « tireurs des toits » miliciens.
Selon lui, il n’y aurait jamais eu de francs-tireurs miliciens, ni de résistance des milieux collaborationnistes. Ce que l’on en raconte relèverait pour Jean-Claude Valla, de la légende urbaine et des effets de foule. Tout cela ne serait, en résumé, qu’un montage des FTP pour faciliter leur répression.
Il y a encore peu de temps, je ne me serais pas arrêté sur ce problème.
Mais il se trouve que j’ai entrepris d’écrire un ouvrage sur la résistance populaire à l’invasion yankee de l’Europe à la fin de la seconde guerre mondiale.
Comme on le sait peu, celle-ci a été un phénomène extrêmement important et violent - dans les parties de l’Allemagne et de l’Italie envahies par les troupes des USA - qui perdurera bien après la défaite de l’Axe.
Une recherche en entraînant une autre, j’ai élargi mon champ d’action à la France « occupée » (par les soldats de l’Oncle Sam, bien sûr...) et j’ai été tout à fait surpris de découvrir qu’un universitaire américain, Perry Biddiscombe, avait publié, dans la revue historique d’une université du nord des USA, un article de plus de cinquante pages sur « les maquis blancs et leur impact dans la France libérée, 1944-1945 ».
Perry Biddiscombe a eu accès aux archives militaires américaines, aux comptes-rendus des correspondants de guerre yankees et il a aussi dépouillé beaucoup de dossiers français de l’époque.
Ce qu’il nous fait découvrir est étonnant : une résistance véritable, présente sur toute la France, avec ses réseaux, ses combattants, parfois son appareil politique ...
Pourquoi n’a-t-on pas parlé de cela jusqu'à maintenant ?
C’est encore Perry Biddiscombe qui nous donne la réponse.
L’histoire, on le sait, n’est pas neutre.
En travaillant abondamment sur la Résistance, en insistant sur le bon accueil fait aux troupes alliées et aux FFL/FFI, les historiens nous ont créé l’image d’une France qui avait peut-être été pétainiste, mais qui était versatile et pas mauvaise dans le fond. En effet, elle ne pouvait que se réjouir d’être « libérée ».
Si au contraire, les troupes alliées et les FFL/FFI/FTP rencontraient en face d’eux une résistance cela écornait notablement cette belle image.
Or, bien sûr, cela étant contraire au « sens de l’histoire » il ne fallait surtout pas en parler.
Nous sommes bien, pour notre part, décidé à faire - mieux vaut tard que jamais - le contraire et à - nous aussi - nous revendiquer de la Résistance et de notre devoir de mémoire.
Christian Bouchet
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