Nouveaux monstres et vieux démons
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12/10/03 |
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8.51 t.u. |
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Christian Bouchet |
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Les Editions Textuel ont publiées très récemment le numéro 8 de leur revue Contre Temps. Celui-ci est tout entier consacré au thème : « Nouveaux monstres et vieux démons : déconstruire l’extrême droite ».
Le responsable de la publication étant Daniel Bensaïd connu comme un cadre important de la LCR et le comité de rédaction étant de même composé en bonne partie de trotskistes identifiés, on pouvait s’attendre au pire...
Et bien non, l’ensemble, quoique inégal, est aussi intéressant qu’instructif.
Bien sûr, comme dans toutes ces entreprises, on n’échappe pas au papier aussi militant que mal documenté (René Monzat est sans conteste l’auteur de la contribution la plus pitoyable... Anne Tristan le suit de près) mais à côté de cela les textes de divers universitaires - sociologues et politologues - méritent la lecture et sont de nature à alimenter la réflexion.
Carole Baudinière dans L’Extrême droite française de 1944 à 1951 insiste sur l’importance du journal Rivarol pour la renaissance politique de ce courant. Elle développe aussi diverses analyses sociologiques particulièrement pertinentes et qui restent d’actualité (particulièrement quand elle transpose la théorie des profits des stigmates d’Erving Goffman à la politique).
Jean-Paul Gautier traite de son sujet de thèse, à savoir Les Héritiers de l’Action française. On y appréciera cette citation de Raymond Boudon : « Comme les champignons dans les sous-bois, les idéologies qui paraissent le plus définitivement enterrées sont toujours prêtes à reparaître à la moindre averse ».
Stéphane Hélière dans D’Occident à Démocratie libérale : la trajectoire d’Alain Madelin, analyse finement celle-ci en mettant en avant le rôle de l’Institut d’histoire sociale comme « machine à blanchir les néofascistes ».
Avec Les logiques plurielles de l’engagement au Front national, Violaine Roussel souligne l’hétérogénéité des rapports à l’engagement chez les nationaux.
Lilian Mathieu traite lui d’Unité radicale et de son avenir (en soulignant que « les cadres les plus expérimentés » ont fondé le Réseau radical) tandis que Nonna Mayer analyse le lepenisme et l’antilepenisme en 2002.
Deux contributions très intéressantes terminent le dossier.
Dans l’une Jean-Yves Camus montre que l’extrême-droite contemporaine n’a plus rien à voir avec la filiation fasciste. Cette analyse est source de remise en cause pour les «antifascistes » et Camus n’hésite pas à écrire : « il s’agit évidemment d’une révision déchirante pour nombre d’entre nous, y compris pour l’auteur de ces lignes ». Dans le même texte, Camus - qui s’y connaît en la matière puisqu’il a largement contribué à outer Alexandre del Valle dans les milieux pro-sionistes - analyse le « second retournement » de l’extrême-droite française vis-à-vis d’Israël et du sionisme.
Dans l’autre, un universitaire britannique montre comment le British national party a réussi partant d’une origine extrémiste et largement provocatrice (le BNP était une sorte de PNFE à la mode anglaise) a devenir un parti relativement modéré qui accumule les succès électoraux.
On terminera la lecture de cette revue des idées plein la tête et l’on réfléchira encore longtemps après aux stratégie possibles pour l’avenir et aux erreurs à ne pas répéter.
Cela après avoir lu un dossier rédigé par des adversaires...
Quand aux livres rédigés par « ceux de chez nous », il ne faut pas en attendre grand chose. Philippe Ploncard d’Assac, par exemple, a publié récemment un ouvrage intitulé Enquête sur la Nouvelle droite et ses compagnons de route. L’ambition de l’auteur est grande. Il veut, en effet, mener une critique interne au camp national et contribuer à la refondation idéologique du nationalisme. Le résultat cependant est pitoyable. Son Enquête n’est qu’un collections de ragots qui font sourire mais qui n’ont rien de politique : Serge de Beketch et Emmanuel Ratier sont franc-macs, l’abbé de Tanouarn est un « gnostique » infiltré dans la tradition, les Editions Pardès sont financées par les loges maçonniques et, last but not least, la Nouvelle droite se caractérise par ses « sympathies pro-américaines et pro-sionistes ».
Le choix est donc rapidement fait... Ceux qui veulent réfléchir et s’informer savent lequel des deux livres ils achèteront.
Christian Bouchet
PS : Contre Temps est disponible via librad.com :: lien ::
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