29/12/03 8.48 t.u. Christian Bouchet

La fin de l’année 2003 aura été marquée par la parution, aux éditions Dualpha, de l’ouvrage de Jean-Claude Rolinat, « Quand l’islam frappe à la porte ». :: lien ::

J’ai deux raisons d’en faire la promotion.

Tout d’abord ce livre est bon. A une période où l’on raconte à peu près n’importe quoi sur l’islam, Jean-Claude Rolinat nous met en main un ouvrage de référence dont une partie est constitué d’un abécédaire qui donne des clés pour pénétrer la foi mahométane, ses dogmes, quelques uns de ses rites, etc. La problématique d’un « islam à la française », d’un islam de France ou d’un islam en France n’est pas oubliée.

Ensuite, l’éditeur et l’auteur ont montré leur extrême largeur d’esprit en demandant à deux personnes aussi dissemblables qu’Olivier Pichon et moi-même de, respectivement, le pré et le postfacer.

J’ai ainsi pu, en une grosse dizaine de pages, traiter du problème des rapports entre le mouvement national et l’islam.

Tout est simple pour ceux qui ont une courte vue et peu de mémoire, ainsi que pour ceux qui ont été lobotomisés par le sectarisme ... Pour les autres, j’ai voulu rappeler des faits surprenants.

Que ce soit la sympathie d’Edourd Drumont ou de Gustave Le Bon pour l’islam ou l’importance des militants nord-africains dans les ligues nationalistes des années trente et dans la collaboration.

Mais ceci n’est que de l’histoire, et j’ai préféré ne pas m’attarder pour traiter de faits contemporains.

Ainsi, en 1985, Eléments consacre son n° 53 aux « Arabes ». Guillaume Faye qui est considéré alors par Rémi Kaufer et Roger Faligot comme un « néo-nazi islamophile » (in Le Croissant et la croix gammée, p. 239), y écrit : « quelque soit le sentiment que puisse inspirer la vision du monde véhiculée par l’islam, le réveil de l’arabo-islamisme constitue un fait objectivement favorable au destin de l’Europe » !...

Quelques années plus tard, lors du tout début de l’affaire du foulard, dont l’initiative - rappelons-le - revient au RPR de l’époque, des rédacteurs du Choc du mois n’hésitent pas à écrire, d’une manière significative, qu’ils préfèrent une musulmane en tchador à une beurette en jeans et en baskets.

Quant à l’Algérie et au FIS, la victoire des islamiste paraitra souhaitable à certains puisque elle est vue comme un début de solution à l’immigration à laquelle le FIS est hostile, comme il est opposé au mélange de la culture arabe avec celle de l’Occident. En août 1991, Minute énonce ainsi une politique en trois points : « pas une voix ne doit manquer au FIS ; pas une voix pour Aït Ahmed et ses démocrates et surtout pas un immigré algérien de plus » et l’hebdomadaire de préciser : «une république islamique en Algérie, c’est un pays de plus qui tourne le dos à la civilisation Benetton, c’est la victoire de la djellaba nationale contre le jean cosmopolite ».

Par ailleurs, interviewé dans la quatre-vingt-dix-huitième parution du magazine Arabies, Jean-Marie Le Pen tient, sans que le Landerneau national ne s’émeuve, ces propos bien peu politiquement corrects : « On attise la peur des Français devant ce qu’il est convenu d’appeler « l’islamisme » ou « l’intégrisme islamique ». Ceux qui attisent ou manipulent ces peurs, n’hésitant pas à dénaturer grossièrement le message de l’islam pour le faire mieux entrer dans leurs schémas, le font dans une optique très précise : celle de l’utopie mondialiste et de l’idéologie des droits de l’Homme qui présupposent la destruction des identités culturelles et le refus de la transcendance. Leur rêve est celui d’un islam aseptisé et rendu inoffensif ».

Enfin, à la fin du premier semestre 1997 personne, au sein de la mouvance nationale ne trouve à redire à ce que Jean-Marie Le Pen rencontre Necmettin Erbakan qui a été le premier Premier ministre islamiste de Turquie (de juin 1996 à avril 1997). On dit maintenant que cette rencontre fut informelle, qu’elle eut lieu de manière plus ou moins fortuite durant les vacances du dirigeants du FN sur les côtes turques... Mais il faudrait être bien naïf pour croire que des hommes politiques de ce niveau se rencontrent par hasard...

D’ailleurs, ce n’est pas non plus « par hasard » que le chef du FN participe de manière régulière aux festivités organisées par l’ambassade d’Iran à Paris en l’honneur de l’anniversaire de la Révolution islamique, ou que, en visite au Liban, il rencontre des élus du Hezbollah pour leur faire part de ses positions sur les questions du Proche-Orient.

Tout cela s’expliquant peut-être par cette confidence faite au journal du FNJ, Agir pour faire front : « c’est cette hégémonie [l’américaine] qui, substantiellement, est hostile à l’idée nationale en général, aux nations en particulier Ainsi les nationaux ont-ils entre eux un corpus de valeurs communes aux civilisations qu’elles soient chrétiennes ou même musulmanes. Ces valeurs vont du patriotisme au respect du passé, de l’attachement à la terre à l’amour de la famille et à toutes les valeurs qui en découlent : la solidarité, la charité, l’honneur, le dévouement, le sacrifice, etc. »

L’hostilité et l’opposition à l’islam de la part d’une partie de la famille nationale est en fait très récente. Elle date du tournant du millénaire, avec la parution des livres d’Alexandre del Valle et de Guillaume Faye « nouvelle formule » et l’engagement clairement anti-musulman du Mouvement national républicain de Bruno Mégret. Parti qui lança des campagnes rabiquement anti-musulmanes à partir de 1999 et qui suscita la création d’un Observatoire national de l'islamisation en France le 6 novembre 2000.

On peut s’interroger sur ce retournement et on peut lui trouver diverses raisons : la nécessité de se trouver un ennemi de remplacement alors que le communisme ne pouvait plus jouer ce rôle, la visibilité accrue de l’immigration avec la montée en puissance de représentant de la deuxième génération plus instruits et donc plus revendicatifs, le sentiment d’appartenir à l’Occident et donc d’être solidaire des USA en butte aux attaques terroristes islamistes, etc. Il se peut aussi que la scission FN/MNR ait joué un rôle non négligeable en obligeant le MNR à trouver un positionnement autre que son concurrent, en apparence plus radical, mais moins « ethniciste» dans les faits.

Quoiqu’il en soit en a peine plus de six ans, l’anti-islamisme va devenir une composante fondamentale du discours d’une partie très importante de l’opposition nationale. Or, durant la même période, et même actuellement, la position du Front national va rester très modérée, ce qu’on a tendance à ne pas percevoir ou à oublier. Si ses campagnes contre l’immigration et ses méfaits n’ont pas de cesse, il semble bien qu’il y ait un volonté de ne pas attaquer les musulmans en tant que tels afin de ne pas se priver d’un potentiel de voix qui peut être appréciable et que Farid Smahi estime à 15 % des électeurs d’origine maghrébine (on s’est rendu compte, en effet, lors des derniers scrutins, que des immigrés maghrébins qui avaient le droit de vote votaient à droite, voire à l’extrême-droite !). Cela alors que, dans le même temps, diverses études de sociologie électorale ont montré que les électeurs n’étaient pas le moins du monde sensibles au thème trop abstrait de l’anti-islamisme qu’ils n’arrivaient pas à relier à leur vécu quotidien.

Même si aucun Pascal Boniface ne s’est clairement manifesté au Front, on peut ainsi analyser dans ce sens un certain nombre de déclarations frontistes. Que ce soit Sid-Ahmed Yahiaoui (Ex-Conseiller régional FN en Ile-de-France et en PACA et un temps conseiller de JMLP pour les affaires musulmanes) : « Refuser le foulard, un simple fichu sur les cheveux, recèle les germes totalitaires d’une possibilité d’interdire tout signe religieux à l’école » ; Michel de Rostolan, fondateur du Cercle Renaissance et Conseiller régional FN d’Ile-de-France : « Il me paraît nécessaire que tous les efforts soient développés pour consolider un « islam à la française », à stricte proportion de la population musulmane de nationalité française, et animé par des ministres du culte de nationalité française » ou que ce soit encore Le Pen lui-même : « ce qu’il y a de grave dans la société française d’aujourd’hui, ce n’est pas qu’il y ait des musulmans ; c’est que le plus grande partie de ces musulmans sont d’origine étrangère et qu’ils n’ont pas fait acte de choix entre leur nationalité et la nationalité française ».

Et lors du dernier débat sur le voile, tout le monde aura noté que le FN est resté très réservé et n’a pas caché son hostilité à une loi.

Deux déclarations de bon sens ont d’ailleurs été faîtes par Samuel Maréchal et par Bruno Golnisch. L’un remarquant que quand le problème du voile occupe le devant de la scène, cela permet de ne pas parler du reste des problèmes du pays, l’autre affirmant que si problème il y a, c’est un problème d’immigration et non pas de religion et que l’accent mis sur l’aspect religieux n’est pas neutre : il fait oublier l’essentiel.

Or là est sans doute le noeud du problème. Ce n’est pas l’islam qui frappe à notre porte, ce sont des masses allogènes et cela est fort différent !

Christian Bouchet

Note

Jean-Claude Rolinat, « Quand l’islam frappe à la porte ». :: lien ::