
Retraites, devra-t-on travailler jusqu'à notre mort ?
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09/02/03 |
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6.09 t.u. |
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Christian Bouchet |
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Le projet Raffarin ou comment endormir les français pour mieux les dépouiller
Après les manifestations du 1er février contre les projets du gouvernement sur les retraites, qui ont réuni dans toute la France des centaines de milliers de personnes, Jean-Pierre Raffarin a présenté le 3 février les principes de sa « réforme » des retraites devant le Conseil économique et social et sur TF1. Il s'est voulu conciliant, voire compréhensif, face aux inquiétudes de la population, tout en restant inflexible sur le fond, c'est-à-dire sur la remise en cause de ce qui existe aujourd'hui.
Le Premier ministre a dit, et répété, qu'il se voulait le défenseur de la « justice sociale ». Les manifestations ? C'est tout juste s'il n'aurait pas pu y participer, car lui aussi, a-t-il affirmé, il veut défendre la retraite par répartition.
Raffarin a essayé de rassurer, de désamorcer l'inquiétude, en affirmant d'une part que la réforme qu'il veut mettre sur pied d'ici l'été se mettra en place progressivement d'ici 2020, avec ajustement tous les cinq ans, et que d'autre part ceux qui sont à la retraite aujourd'hui ou ceux qui s'apprêtent à y partir dans les années qui viennent « n'ont rien à craindre ». Il faut donc croire que les autres ont bien raison de craindre ! D'autant qu'il y a tout lieu de comprendre que les attaques contre les retraites d'aujourd'hui en préparent d'autres tous les cinq ans.
Sur le fond, en y réfléchissant bien, le discours de Raffarin n'avait donc rien de rassurant car ses intentions sont claires, sinon précises.
Il se dit pour l'équité entre le public et le privé, mais il refuse d'aligner les salariés du secteur privé sur ce que le public a pu garder grâce aux grèves de 1995, les 37,5 années de cotisation pour une retraite à taux plein. « L'équité » se fera, mais elle se fera par le bas !
Il n'est pas question non plus de remettre en cause la retraite à 60 ans, ajoute-t-il, mais « ceux qui voudront s'arrêter plus tôt que les autres » verront leur pension diminuer en conséquence. Il est à peine sous-entendu que ceux qui voudront avoir une retraite décente devront donc travailler bien au-delà de 60 ans. Or le taux moyen d’activité des 55/60 est actuellement à peine de 50 % (non pas par choix mais par obligation : chômage, préretraite, etc.) donc bien peu nombreux seront ceux qui auront une retraite pleine et les spécialistes nous annoncent le retour des « retraités pauvres ».
Jean-Pierre Raffarin a, de plus, parlé de la nécessité d'augmenter la présence au travail des plus de 55 ans, au moment où son gouvernement laisse tranquillement les entreprises les jeter à la rue par charrettes entières et alors que l’on sait qu’à partir de 50 ans un salarié n’a plus droit à la formation et que, s’il est au chômage, il n’a guère de chance de retrouver un emploi.
Il a évoqué des « efforts équitablement partagés » pour assurer l'avenir des retraites. Mais partagés par qui ? Par les actifs et les retraités, par les salariés du privé et du public ? C'est-à-dire par les travailleurs eux-mêmes qui sont censés faire tous les sacrifices. Et les capitalistes ? Les seuls qui sont exclus de ce partage des sacrifices programmé par le gouvernement sont les patrons, les capitalistes et leurs immenses profits. Depuis 25 ans ils ont diminué la part des travailleurs dans les richesses produites et augmenté la leur (en 1970, 72,8 % de la richesse créée par l’entreprise servait à financer les dépenses salariales, en 2000, le taux n’est plus que de 66,2 %). Alors s'ils rendaient ce qu'ils ont volé, ni les actifs ni les retraités n'auraient de sacrifices à faire.
On relèvera l’étrange réaction de la CFDT à ce projet. Son secrétaire général a tenu à féliciter Raffarin de son « discours offensif ». Même le très libéral quotidien Le Figaro s'est étonné de ces félicitations déplacées, c'est tout dire ! Quant à la CGT son attentisme a de même surpris quand son principal dirigeant a précisé : « C'est une fois entrés dans le processus que nous apprécierons progressivement la capacité d'écoute du Premier ministre ». Avec des opposants de cette trempe, Raffarin et le Medef peuvent dormir tranquille !
En attendant l’inquiétude populaire fera les choux gras des placements financiers pour un rendement final assez illusoire (les fonds de pension connaissent partout des difficultés et si l’on pousse à leur développement en Europe, c’est pour racheter les actifs boursiers des fonds des USA et donc les maintenir à flot...) mais pour le plus grand bien des banksters et de leur obligés, c’est à dire de ceux qui nous dirigent.
On ne pourra que regretter la grande discrétion du mouvement national sur ce dossier. Alors que son électorat est aussi inquiet que concerné par le projet Raffarin, une réponse forte et une campagne structurée aurait permis de montrer qu’il savait sortir du binôme « insécurité-immigration » et qu’il était bien en phase avec les masses populaires.
Au lieu de cela nous avons eu droit à un nouvel épisode de « Dallas à Montretout » !
Christian Bouchet
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