03/09/03 18.18 t.u. Christian Bouchet

M’accordant traditionnellement quelques semaines de vacances au mois d’août, je me rends à chaque reprise dans le Nord de l’Inde. Habituellement, mousson aidant, j’y ai fort chaud. Or, quelle n’a pas été ma surprise quand, le mois passé, j’ai constaté, en lisant les gazettes, que la température était globalement moins élevée à New Delhi qu’à Paris...

Les quotidiens indiens donnaient d’ailleurs dans le sensationnel et l’Hindustan Times annonçait en manchette « 10.000 morts en France » illustrant cette une avec la photo d’une rangé de cercueils.

Il a fallu que je sois dans l’avion du retour et que je puisse consulter la presse européenne pour avoir une vue distanciée sur les effets de la canicule.

Il y a eu des morts, il y en a eu beaucoup, c’est un fait. Mais si l’on gratte un peu sous le sensationnalisme des informations, on se rend vite compte qu’une bonne partie de ceux-ci étaient déjà soit en fin de vie, soit dans un état qui n’est plus réellement celui d’une vie digne (un spécialiste des personnes âgées a, par exemple, révélé dans un grand quotidien qu’environ 75 % des décédés étaient atteints de la maladie d’Alzeimer).

Je ne pousserai pas le cynisme, comme l’on fait certains, jusqu'à parler de sélection naturelle. Tout décès d’un être cher est un drame pour une famille et toute peine mérite le respect. Cependant, je ne peux m’empêcher de m’interroger sur ce désir d’une vieillesse qui ne cesserait pas. Je ne peux m’empêcher de penser au suicide de Montherlant. Relatant celui-ci, Gabriel Matzneff avait cité un auteur antique : « Vivre ce que l’on doit, non ce que l’on peut ». Je ne peux m’empêcher non plus de me souvenir de mon ami Edouard Limonov qui déclarait vouloir mourir encore jeune et qui dénonçait dans un article du Choc du mois cette « fin idéale de la vie humaine [qui] est la maison de retraite peuplée d’animaux en phase terminale, barbouillés de bouillie et d’excréments, séniles et laids. »

Si l’on quitte les rivages de l’éthique personnelle face à la vieillesse et au délabrement de soi, on ne peut qu’être choqué par l’exploitation très politicienne de tous ces morts. De droite comme de gauche, nos hommes politiques ont montré une fois de plus qu’ils ne respectaient rien et que tout était pour eux instrumentalisable.

De la gauche qui en profite pour faire des croche-pieds au gouvernement, à Raffarin qui saute sur l’occasion pour proposer une réduction de nos congés (faisant à la fois une fleur au Medef et espérant ainsi récupérer l’équivalent des baisses d’impôts qu’il nous avait consenti..) en passant par ceux qui - comme le député UDF Hervé Morin - ont entonné leur inusable refrain sur le délitement de la société, tous les valets du système se sont comporté en véritable nécrophages...

Des nécrophages incapbles de surcroît, car ne peut qu’être surpris par l’impréparation de l’Etat face aux conséquences d’une vague de chaleur pourtant indentifiée et prévue par les services météos.

Je ne suis pas le moins du monde certain que l’on doive espérer mourir vieux... Il y a des fins à mon sens préférables et plus dignes. Mais pour ceux qui ne font pas le choix de la mort volontaire, on ne peut que souhaiter une assistance optimum et le respect jusqu'au décès.

Or, ni les hommes politiques du système, ni les incapables qui nous gouvernent, une fois les déclarations convenues faites et les communiqués attendus diffusés ne s’en soucient.

Il est vrai que les vieillards votent bien peu...

Christian Bouchet