08/07/02 6.08 t.u. Christian Bouchet

Il est des lectures qui laissent un malaise profond.

Ce malaise, je l’ai ressenti tout récemment en lisant une circulaire du Mouvement national républicain de Rhônes-Alpes signé du SR et de huit SD.

Qu’avait donc celle-ci de si extraordinaire ?

Elle tirait un bilan des élections législatives et proposait des solutions pour sortir du mauvais pas où le mouvement mégretiste se trouve.

L’une d’elle concernait le positionnement de l’organisation. Elle avait au moins un mérite, celui de la clarté : « il faut prendre un virage radical ... nous positionner fermement comme un parti économiquement de droite libérale ».

Je n’ai pu m’empêcher d’arrêter un instant ma lecture et de me dire « Tout cela pour ça ? »...

Trois ans et demi de combat pour proposer in fine de constituer un clone atteint de nanisme de Démocratie libérale ou pour se transformer en un challenger du Centre national des indépendants...

Bien sûr, il ne s’agit pas de la position officielle du mouvement, bien sûr il ne s’agit que de l’opinion de cadres locaux...

Mais cependant, le simple fait qu’une telle proposition soit faite dans nos milieux a de quoi inquiéter pour le moins.

Il est de bon ton dans les rangs nationaux de « désigner l’ennemi ».

Je me suis souvent dit - en lisant Faye, Le Gallou ou d’autres - que l’ennemi désigné n’était pas le bon. Mais cette fois-ci voilà qu’on me propose de « s’assimiler à l’ennemi ».

En effet qui est notre ennemi absolu sinon la société marchande et son incarnation dans le capitalisme libéral ?

Il est possible que nos neuf signataires (parmi lesquels ma misogynie rabique me fait relever qu’il y a six femmes...) n’aient qu’une formation politique des plus sommaires, mais je ne peux quand même pas les imaginer totalement illettrés. Pourtant, il y a de quoi douter...

Nos neuf signataires réaffirment leur opposition à l’immigration. Fort bien. Mais qui est responsable de l’invasion ? Qui veut toujours plus d’immigrés ?

On a trop tendance dans les milieux nationaux à condamner plus les immigrés que le phénomène de l'immigration, c'est-à-dire à dénoncer l'effet plutôt que la cause. Or si on se penche sur la cause de l'immigration, dans tous les cas on trouve le capitalisme libéral et on ne peux qu’être d’accord avec le journaliste communiste non-conformiste Patrick Besson quand il écrit : « l’immigration est une arme des patrons pour augmenter leurs profits, diminuer les salaires et briser l’unité ouvrière.»

Il est un fait que l'immigration profite au patronat en générant un main d'œuvre abondante et en permettant que les salaires restent bas, c'est pour cela que les syndicats patronaux sont plus que favorables à ce que les vannes de l'immigration soient plus largement ouvertes. Je n’invente rien, c’est bien Denis Gautier-Sauvagnac, délégué général de l’Union des industries métallurgiques et minières qui affirmait récemment qu’il « ne serait pas absurde d’inverser les flux migratoires », c’est bien Jean-Louis Giral, une personnalité respectée du Medef qui évoquait il y a peu « la nécessité de renouveler le stock de main-d’œuvre étrangère », c’est bien la Chambre de commerce et d’industrie de Paris qui publiait il y a quelques mois un rapport où elle proposait « l’impatriation (sic !) de salariés » et se plaignait que la France soit « une des nations européennes les plus fermées aux travailleurs immigrés » ... Je pourrais continuer ad nauseam ...

Nos neuf signataires réaffirment par ailleurs leur souhait de défendre la France des terroirs. Fort bien. Mais qui détruit ceux-ci sinon la société marchande et libérale ? Cette société qui ne peut fonctionner à plein régime qu’après avoir aplanies toutes les différences pour constituer un marché de consommateurs parfaitement similaires dans leurs goûts et leurs souhaits.

Etc., etc.

Plus que l’islamisme, plus que la gauche, plus que le socialisme, l’ennemi réel c’est la vision économiste de la société, c’est le libéralisme économique (même de droite).

Nous ne le répéterons jamais assez.

Christian Bouchet