Trois hommes et une belle en cuisses
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23/12/03 |
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5.26 t.u. |
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Christian Bouchet |
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C’est sous ce titre que Rinascita, le quotidien de libération nationale et de l’opposition extraparlementaire italienne, annonce une nouvelle sitcom politique avec dans le principal rôle ... Alessandra Scicolone.
Scicolone ? Ce nom ne vous dit rien ?
C’est pourtant sous celui-ci qu’Alessandra Mussolini était connue jusqu’en 1992. Avant cette date, elle considérait que le nom de son grand-père était dur à assumer et elle préférait porter le patronyme de sa famille maternelle. Puis la belle Alessandra a découvert qu’en définitive son nom « était porteur », qu’il pouvait lui assurer une carrière politique et elle en a bien profité.
Il faut se souvenir de cela pour apprécier certaines déclarations de la député italienne dont celle-ci : « les propos de monsieur Fini sont incompatibles avec le nom que je porte ». Un nom dont elle n’était pourtant pas si fière il y a à peine plus de dix ans.
Si je relate cela, c’est que la petite fille du Duce, qui a démissionné récemment de l’Alliance nationale (tout en restant membre de la Maison des liberté, il est important de le noter) a participé la semaine passée à la création d’un cartel électoral intitulé « Ensemble pour un mouvement social » avec Luca Romagnoli du Mouvement social flamme tricolore, Adriano Tilgher du Front social-national et Roberto Fiore de Forces nouvelles.
Il est inutile de dire que la mussolina est la locomotive de tout cela puisque le Msft est en déclin continu depuis qu’il a scissionné du parti de Fini et que les mouvements de Tilgher et de Fiore, bien que sympathiques, ne sont que des groupuscules sans grande consistance. Locomotive, la Scicolone l’est par son véritable nom et par son physique largement mis en avant sur les affiches...
L’est-elle par ces idées ?
Là c’est beaucoup moins évident. Un sondage récent montre en effet que 72% de l’électorat de l’Alliance nationale ont jugé les déclarations de Fini - qui ont entraîné la démission d’Alessandra Mussolini - « opportunes », et 80% estiment qu’elles confirment que «Fini est un grand homme d’Etat ». Au mieux donc, la mussolina pourrait escompter regrouper derrière elle de 3 à 4 % de l’électorat italien total, ce qui, ajouté à l’audience très faible de ses alliés, ne devrait guère donner à « Ensemble pour un mouvement social » plus de 5 à 6 % des voix aux prochaines européennes. Un résultat honorable certes mais qui sera sans influence sur la politique réelle de l’Italie.
Puisque nous évoquons les idées, on peut se demander aussi si Alessandra Mussolini en a. Le motif de sa rupture nous pousserait à répondre par la négative. En effet, elle n’a pas rompu en avançant une critique générale de la stratégie de Fini. Ce qui la préoccupait ce n’était pas l’alliance avec la droite libérale, ce n’était pas l’idée de donner le droit de votes aux immigrés, ce n’était pas le choix du camp occidental en politique étrangère, ce n’était pas non plus le philosionisme (elle-même avait fait des déclarations dans ce sens), etc., ce n’était pas, pour résumer, tout ce qui peux caractériser une ligne politique et des choix idéologiques... Non, c’était une référence purement symbolique à un régime disparu depuis plus de cinquante ans... Un peu comme si la séparation de Le Pen et de Mégret avait été due à des appréciations divergentes sur le pétainisme !
D’ailleurs, il est clair dans la mise en place du nouveau parti que celui-ci se positionne comme un nouveau MSI en faisant largement référence à la période Almirante (le soutien apporté par la veuve de ce dernier étant largement mis en avant). Or ce MSI, ce n’était pas l’héritier de la République sociale. Cela seuls les antifascistes et les journaleux le croyaient. Le MSI, même si nous pouvions le trouver sympathique par certains aspects, c’était déjà un parti occidentaliste, anti-social, pro-américain et pro-sioniste, dont le rêve ultime était de rompre l’arc constitutionnel pour accéder au pouvoir dans une alliance avec la démocratie-chrétienne.
Fini n’a pas trahi, contrairement à ce que l’on pense, il a seulement rendu possible ce qu’avaient toujours rêvé ceux qui l’avaient précédé à la tête de la droite nationale italienne.
Alors se référer au MSI d’Almirante, ce n’est pas remettre en cause la ligne Fini dans sa conception même, c’est juste en contester quelques aspects cosmétiques.
D’ailleurs, les analystes italiens ne s’y trompent pas. Pour eux, on est face à une manoeuvre politique. Pour apparaître comme de centre-droit, l’Alliance nationale a besoin d’une contestation sur sa droite. Avec le MSFT - dont chacun se souvient que les proches de Fini avaient facilité la création de « manière déconcertante » - la mayonnaise n’avait guère pris et, avec le temps, elle tendait à totalement disparaître. « Ensemble pour un mouvement social » sera la solution à cela : une opposition d’extrême-droite respectueuse qui occupera l’espace électoral que lui désigne le système et qui - par conviction et par reconnaissance des prébendes dont elle bénéficiera (il y a un siège de député européen à prendre, et demain des sièges de conseillers régionaux et municipaux ...) - ne contestera nullement celui-ci.
Lénine parlait d’« idiot utile ». Nous pourrions parler de « belle idiote utile. »
Christian Bouchet
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