Un holocauste européen
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19/02/05 |
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7.50 t.u. |
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Christian Bouchet |
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Décidément le révisionnisme historique va se nicher partout. Il n’est cependant pas, notons le bien, combattu partout avec la même vigueur. L’Hiroshima allemand de Dresde n’aurait donc fait, selon nos médias, que 35.000 morts. Des sources, plus anciennes, nous avaient, elles, habituées à considérer qu’il y avait eu de 200 à 300.000 victimes. Mais il est vrai que les historiens ont depuis « fait leur travail ». L’ont-ils bien fait ? L’ont-il fait en toute impartialité ? Je ne sais pas, ce que je constate c’est qu’ils ont pu le faire, sans subir ni pression ni cabale, et que le fait qu’ils minimisent la douleur d’une population ne les conduit pas devant les tribunaux.
Cela écrit, quelque soit le chiffre réel des morts - et il est sans aucun doute plus proche du second que du premier - Libération a bien résumé la réalité de ce « Bomben-Holocaust » : «A Dresde, on se sentait vraiment en sécurité. On ne voyait vraiment pas pourquoi les Alliés attaqueraient une ville de culture qui n'avait aucune signification militaire, ni industrie d'armement. (...) En 1945, la ville était remplie de réfugiés de l'Est, essentiellement des femmes, des enfants et des vieillards qui fuyaient le front et que l'on a inutilement massacrés.»
Et oui, c’est ainsi. Les anglo-américains ont bombardé sans raisons militaires une population civile déjà fort affectée par la guerre. Cela en utilisant des armes conçues pour faire le plus de victimes possibles parmi des vieillards, des femmes et des enfants.
On se dit que soixante ans après, il aurait peut-être été temps de montrer une certaine compassion pour les victimes, de reconnaître qu’elles furent innocentes et de désigner leurs bourreaux. Il y a un terme pour cela, qui est assez utilisé actuellement, c’est celui de repentance.
Le seul problème, c’est que si l’on faisait cela on remettrait en cause non seulement le passé mais aussi le présent. On remettrait en cause ce principe qui veut que les Etats-Unis soient les éternels bienfaiteurs des peuples, ceux qui leur apportent la démocratie et les droits de l’homme. De Dresde à Falloujah, il y a une suite logique et les assassins d’hier et d’aujourd’hui ne peuvent pas s’excuser car ils ont toujours fait le bien. On ne s’excuse pas d’une bonne action, on s’en félicite, et les malheureuses victimes de celle-ci ne sont jamais que des « dégâts collatéraux ».
Ainsi, pour cette raison, plutôt que de demander au bourreau d’hier de faire repentance, c’est du peuple allemand qu’on a, de nouveau ,exigé celle-ci.
C’est pour cette raison qu'une "course de la paix", a relié le mémorial des bûchers de livres qu’auraient fait les nationaux-socialistes en 1933 et la Frauenkirche, l'église détruite au cours des bombardements. Manière habile de montrer que l’un et l’autre étaient liés et que les morts dans les bombardements avaient payé pour leurs ... votes. C’est pour cette raison qu’on a organisé le soir de l’anniversaire, dans cette même église, une veillée, non pas du souvenir, mais de lutte « contre la violence et le racisme ». C’est pour cette raison aussi que tous nos médias ont traîné dans la boue les Européens qui se sont souvenu et qui ont manifesté, dans les rues de Dresde, contre l’impérialisme américain en portant témoignage, non seulement du martyr de cette ville, mais aussi d’Hiroshima, du Vietnam, et de tous les peuples que les yankees ont bombardé jusqu'à l’Irak.
Il y avait, le 13 février dernier, deux visions du monde face à face à Dresde : celle des tenants du nouvel ordre mondial et celle des résistants.
Christian Bouchet
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