Un homme libre
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02/12/02 |
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19.48 t.u. |
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Christian Bouchet |
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Spécialiste des questions géopolitiques et géostratégiques, Pascal Boniface est directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques de Paris, membre du Haut Conseil de la coopération internationale et du Comité consultatif du désarmement auprès du Secrétaire général des Nations Unies. Il est également responsable du DESS Etudes stratégiques européennes de l'IEP de Lille et il a écrit et dirigé une trentaine d'ouvrages. Il semble aussi que depuis quelques temps il ait choisi de se « faire des amis ».
Il a commencé au mois d’août en publiant dans Le Monde une tribune libre intitulée « Lettre à un ami israélien ». Le texte était modéré, voire banal. Pascal Boniface avait pris soin de faire sa génuflexion rituelle devant l’autel de la Shoah avant de contester la politique pratiquée par l’entité sioniste dans les territoires occupés.
Que n’avait-il fait ! Que n’avait-il eut l’impudeur d’écrire !
Elie Barnavi (l’ambassadeur de l’entité en France) dénonça en retour dans le même quotidien « L'hypocrisie du titre, qui m'a rappelé fâcheusement un méchant pamphlet publié naguère par Ibrahim Souss. Le ton mielleux et patelin, qui masque mal une implacable hostilité » et le député UMP Pierre Lellouche démissionna à grand bruit du Conseil d’Administration de l’IRIS, au sein duquel il siégeait depuis sa fondation, pour protester contre ce « texte inqualifiable ».
Pascal Boniface aggrava encore sa situation en remettant, semble-t-il, une note de synthèse à la direction du PS dans laquelle, s’appuyant sur des analyses électorales, il lui conseilla d’abandonner son soutien à l’entité sioniste.
C’est dire comme notre homme est devenu populaire du côté des synagogues !
Non content de s’être mis la « communauté à dos », Pascal Boniface a estimé qu’il pouvait faire coup double et devenir, pendant qu’il y était, la bête noire de tout ce que notre pays compte d’américanophiles... Ainsi a-t-il accordé un entretien passionnant au Figaro Grandes Ecoles qui est paru dans le numéro du 20 novembre dernier.
Plutôt que de le plagier citons en quelques extraits particulièrement signifiants :
« Question : Nous sommes entrés dans une période dominée par la rhétorique antiterroriste. La menace est-elle si forte ?
Réponse : (...) Cette menace est grossie. Le terrorisme n'est pas un adversaire de la taille de ce qu'étaient l'Union soviétique dans la Guerre froide et Ben Laden n'est pas assez fort pour devenir le contestataire universel de la domination occidental. Les Etats-Unis exagèrent la menace pour mobiliser, et pour justifier leurs politiques.
(...)
Question : Contre l'Irak, pour Israël... autant de positions qui nourrissent l'antiaméricanisme.
Réponse : De même que ceux qui critiquent Ariel Sharon sont souvent accusés d'antisémitisme, ceux qui critiquent Georges W. Bush sont accusés d'antiaméricanisme, alors que ce n'est pas le sujet. L'antiaméricanisme n'est pas un rejet des Etats-Unis comme Etat, ni comme nation, ni comme peuple. C'est une critique de l'action menée par le gouvernement actuel des Etats-Unis. (...) De manière surprenante, il est aujourd'hui plus difficile de critiquer les Etats-Unis, alors même qu'ils portent atteinte aux institutions qu'ils ont eux-mêmes créé. De plus, c'est toujours à sens unique. Lorsque les Américains prennent des positions contraires aux Européens, dit-on qu'ils font de l'anti-européisme primaire ? »
Pour notre plus grand bonheur, Pascal Boniface se montre dans la suite de l’entretien un européen convaincu :
« Dans le reste du monde, il existe parfois un surinvestissement sur la France ou sur l'Europe pour servir de contre-poids aux Etats-Unis. La France seule n'en n'a pas la capacité et l'Europe n'est pas encore prête. Mais la France dit au moins les choses que beaucoup de pays aimeraient pouvoir dire sans s'en sentir le droit.
Question : L'Allemagne commence aussi à se prononcer...
Réponse : L'Allemagne n'a plus besoin de la protection américaine, un autre génération est au pouvoir contre laquelle on ne peut faire jouer la culpabilité de la Seconde guerre mondiale. Elle n'accepte plus d'être traitée comme une puissance mineure par les Américains. Alors elle dit lorsqu'elle est en désaccord. Les Etats-Unis ne sont pas le seul pays à avoir le droit d'exprimer une opinion différente des autres.
Question : Les Européens peuvent parler, mais ils n'ont pas les moyens d'agir, comme on l'a vu au Kosovo...
Réponse : Les Européens sont intervenus en Macédoine sans les Etats-Unis et d'ici deux ou trois ans, l'Europe aura les moyens de faire une guerre du type Kosovo à elle seule ».
Il semble que monsieur Boniface soit à ses moments perdus militant socialiste... J’en tire donc une conclusion simple : il y a des socialistes qui sont beaucoup plus proches de nous que ne le sont des hiérarques et des théoriciens de la droite nationale ou de la mouvance identitaire.
Christian Bouchet
PS : L’adhésion à l’UMP d’Yvan Blot avait fait quelques bruits, son « exclusion » de celle-ci à été aussi discrète que rapide... Le quotidien Les Dernières Nouvelles d’Alsace nous apprend qu’elle serait due à l’intervention des sionistes de droite de la Licra... Ce non-événement aura au moins servi à quelque chose, prouver une fois de plus que les contorsions pro-sionistes d’une partie de l’extrême-droite respectueuse ne servent à rien et que le véritable ennemi est toujours le même (quoiqu’en disent un Vial, un Faye ou un Del Valle).
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