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L'Amblimore antifasciste ou l’extrême-gauche pro-américaine
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22/12/03 |
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15.38 t.u. |
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Claudio Mutti |
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« Le pire produit du fascisme a été l'antifascisme démocratique ». Amadeo Bordiga
L'oxymore, figure rhétorique qui consiste à rapprocher dans une locution unique deux paroles exprimant des concepts contraires, est, comme révèle l'étymologie grecque, une « insanité aiguë » (oxy moron). Pour illustrer l'oxymore, le Dictionnaire de la langue italienne de Devoto-Oli, édition 2000-2001, cite des expressions telles que « glace bouillante » ou « convergence parallèle ».
Cependant, il y a des cas dans lesquels la combinaison des deux termes de sens opposé représente, à la différence de l'oxymore, une insanité qui n'est pas du tout aiguë, mais qui est, au contraire, résolument obtuse, c'est pourquoi on pourrait créer pour un tel cas un néologisme : l’amblimore (ambly moron), l’« insanité obtuse ».
Ainsi dans la catégorie des amblimore on pourrait ranger des syntagmes tels que « antifascisme anti-impérialiste », « anti-impérialisme antifasciste », « antifascisme et anti-impérialisme », « antifasciste et anti-impérialiste » etc.
Des expressions comme celles-ci se sont mises à circuler récemment, après que quelqu'un ait lancé l'idée d'organiser, en soutien à l'Irak, une manifestation sans préjugés idéologiques, de laquelle personne ne devrait être exclu sur la base de son orientation politique.
Il est immédiatement apparu scandaleux, à certains, que n'ait pas été fixée, par la susdite initiative, la condition indispensable et nécessaire de professer la foi antifasciste pour avoir le droit de manifester. C'est ainsi qu’on a commencé à dire et à écrire qu'une manifestation politiquement orthodoxe de soutien de l'Irak devait être, en même temps, « anti-impérialiste et antifasciste ».
Que la combinaison des deux concepts représente une contradiction est pour nous manifeste. Mais, a ce qu'il semble, pour beaucoup elle ne l'est pas du tout et par conséquent il faut le démontrer, preuves en main.
Déjà le jeune Marx avait défini les Etats-Unis comme le « pays de l’émancipation politique accomplie », ainsi que comme « l'exemple le plus parfait de l'Etat moderne », capable d'assurer la domination de la bourgeoisie sans exclure les autres classes de la jouissance des droits politiques. Un critique marxiste a observé que « aux Etats-Unis la discrimination censitaire prend une forme raciale », c'est pourquoi « on peut noter une certaine indulgence » de Marx à l'égard du système des Etats-Unis, tandis que « l'attitude de Engels est encore plus déséquilibré dans le sens philo-américain » , lequel écrit : « dans les pays bourgeois l'abolition de l'Etat signifie l'abolition du pouvoir national au niveau de l'Amérique du Nord. Ici les conflits de classe sont développés seulement d'une manière incomplète; les chocs de classes se produisent de temps en temps camouflées par l'émigration à l'Ouest de la surpopulation prolétarienne... L'intervention du pouvoir de l'Etat, réduit à un minimum à l'Est, n'existe pas du tout à l'Ouest » (Marx-Engels, Opere complete, Editori Riuniti, Rome 1955, VII, p. 288). De la sorte l'Ouest « semble être synonyme d'élargissement de la sphère de la liberté : il n'y a pas de trace du sort réservé aux Peaux-Rouges, de même on cache l'esclavage des noirs. » . Parfois, Engels devient l'apologue formel de l'impérialisme américain, comme quand il célèbre la « bravoure des volontaires américains » dans la guerre contre le Mexique : « la splendide Californie a été arrachée aux Mexicains indolents, lesquels ne savaient pas quoi en faire » ; ou comme quand il exalte « les énergiques Yankees » qui donnent une impulsion à la production de la richesse, au « commerce mondial » et par conséquent à la diffusion de la « civilisation » (Marx-Engels, idem, VI, pp. 273-275). La gauche, donc, « ne pouvait qu'être américaniste et fordiste . Car depuis l'origine elle était industrialiste ; en fait depuis l'Idéologie allemande Marx et Engels avaient exalté le développement de l'industrie (…) Et le marxiste qui voulait réaliser le socialisme avant le développement généralisé du capitalisme, Lénine, fut d'autant plus américaniste et fordiste (…)" et Boukharine, en 1923, pouvait exhorter les communistes à « ajouter l'américanisme au marxisme » .
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