
 |
:::::::: histoire :: france ::
|
Souvenirs sur Maurice Bardèche
 |
14/09/02 |
 |
6.32 t.u. |
 |
Paul Durand |
|
C’était dans la deuxième moitié des années soixante-dix, dans le vingtième arrondissement de Paris, au numéro 13 de la rue des Montiboeufs. La Fane (Fédération d’Action nationale et Européenne), une organisation NS des plus dynamiques, et Défense de l’Occident, une revue mensuelle habituellement qualifiée de « néo-fasciste » et vendue en kiosque - une performance remarquable pour l’époque - occupaient des locaux voisins, dans les sous-sols d’un immeuble vétuste. La Fane était plutôt mieux lotie, car elle bénéficiait d’un peu de lumière naturelle, alors que le local de Défense de l’Occident était aveugle : c’était ni plus ni moins qu’une cave, dont l’aspect aurait certainement beaucoup étonné les lecteurs de la revue, lesquels dans leurs correspondances imaginaient naïvement des « bureaux ». Dans cette cave s’entassaient des trésors : des Défense de l’Occident, depuis les origines de la revue, dont quelques uns pourris par l’humidité ou rongés par les souris. Je me souviens m’être plu à récupérer - histoire de ne rien laisser perdre - deux exemplaires d’un même numéro vieux de dix-huit ans (en 1976), l’un fort endommagé par l’humidité sur sa moitié droite, l’autre sur sa moitié gauche, et d’avoir, en utilisant un cutter et du ruban adhésif, reconstitué un exemplaire tout à fait présentable, et en tout cas lisible, que je me suis empressé d’ajouter à ma collection. Les rapports très amicaux établis entre la Fane et Défense de l’Occident, et l’estime réciproque que se portaient le responsable de la première, Marc Fredriksen, et celui de la deuxième, Maurice Bardèche, avaient conduit ce dernier à insérer dans sa revue (c’était en 1977) des placards de propagande en faveur de l’organisation NS. Ces placards qualifiaient la Fane d’« organisation de lutte pour un socialisme européen ».
A l’époque, la Fane était très isolée au sein de ce que l’on pourrait appeler l’« extrême-droite socialiste », en raison de ses positions très en avance sur son temps et qui suscitèrent la convergence contre elle de haines tenaces développées tous azimuts et qui devaient conduire à sa dissolution en septembre 1980 dans un climat hystérique exceptionnel. La Fane était globalement favorable à la cause arabe en général et palestinienne en particulier, tout en étant parfaitement hostile à toute immigration allogène (les correspondants arabes de la Fane comprenaient parfaitement cette double position, parfaitement cohérente). La Fane était hostile au Pacte atlantique comme à l’invasion culturelle américaine, et renvoyait dos à dos Etats-Unis et Union Soviétique, la mise en accusation de cette dernière dans le seul but de glorifier les premiers n’étant en fait, pour elle, qu’un trompe-l’œil. La Fane était septique quant à la pérennisation de la France sous sa forme hexagonale, et se montrait idéalement favorable à la constitution d’une Europe unitaire (une seule monnaie), protégeant les cultures régionales. Enfin, la Fane se préoccupait activement de libérer l’Europe des séquelles de la seconde guerre mondiale et, se moquant des tabous de la propagnde anti-NS, développait des analyses tranquillement iconoclastes sur le Troisième Reich, ses hommes, sa politique et son idéologie. Cette longue digression sur les positions de la Fane, destinée à mieux resituer le climat politique de l’époque, nous permet d’apprécier dans toute sa mesure l’indépendance et la largeur de vues de Maurice Bardèche, qui n’hésita jamais à assurer de son soutien l’organisation NS, en rappelant toutefois à l’occasion qu’il n’en partageait pas pour autant toutes les analyses.
A la recherche de nouveaux collaborateurs désintéressés, sérieux et efficaces, Maurice Bardèche ne manqua pas de faire part de ses préoccupations à son ami Marc Fredriksen, qui me recommanda chaleureusement comme traducteur d’italien et bon connaisseur des réalités politiques transalpines. C’est ainsi que débuta ma collaboration à Défense de l’Occident. Maurice Bardèche me recevait dans son bureau, à son domicile du V° arrondissement de Paris, non loin de la rue Gay-Lussac et de la rue d’Ulm, si chargée de souvenirs. Le bureau était plutôt petit, assez poussiéreux, avec des livres, des dossiers et des papiers entassés partout. Le fauteuil proposé aux visiteurs (auxquels était quelquefois proposé un whisky) étant une ruine, il était préférable de s’asseoir sur son rebord si l’on ne voulait pas disparaître dans ses profondeurs incertaines. La discussion de travail était brève, Bardèche me remettait les revues (le plus souvent Intervento ou La Torre) dont il souhaitait voir un ou plusieurs articles traduits, et en demandait la restitution finale pour ses collections. En dehors des traductions de l’italien, mes contributions à la revue ont été rares. Tous les articles que j’ai pu proposer y ont été insérés, mais le temps dont je disposais était compté et le développement considérable des activités de la FANE dès 1979 me conduisit à décider d’interrompre à mon grand regret ma collaboration à une revue si prestigieuse. Quelques temps après mon départ, Maurice Bardèche me demanda de lui rendre un service amical que malheureusement je ne pus satisfaire, étant indisponible le jour considéré : il s’agissait de le représenter lors d’une assemblée de copropriétaires. Cette anecdote témoigne des rapports de confiance qui étaient les nôtres. Par la suite (en 1981), c’est par mon entremise qu’un éditeur italien (Barbarossa) obtint de lui la rédaction non rénumérée d’une préface inédite à un livre sur Robert Brasillach. Maurice Bardèche me fit cadeau du manuscrit autographe de cette préface, en témoignage de sa reconnaissance. Défense de l’Occident cessa de paraître à la fin de l’année 1982. Les occasions de nous rencontrer devenaient d’autant plus rares que Bardèche passait de plus en plus de temps à Canet-Plage, dans les Pyrénées-Orientales, où il avait une résidence. Nous ne nous revîmes plus.
Maurice Bardèche avait une personnalité très attachante, et c’était un réel plaisir de l’accompagner dans le cimetière du Père Lachaise, à guère plus d’une dizaine les années fastes, le dernier samedi de mai, pour déposer une gerbe de fleurs au Mur des fédérés - symbole de juste révolte populaire noyée dans le sang - où le Maître lui-même donnait le signal du salut romain. Marc Fredriksen était l’un des fidèles de ces cérémonies commémoratives, et Bardèche appréciait plus que tout la fidélité, lui qui toute sa vie fut habité par le souci et la volonté de réhabiliter Robert Brasillach, son beau-frère, fusillé pour ses écrits le 6 février 1945, et dont le souvenir n’a cessé depuis de hanter la littérature française.
Paul Durand
(ancien membre du Bureau Politique de la Fane)
|