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:::::::: evola et spiritualité européenne ::
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Une vérité, plusieurs chemins
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24/08/04 |
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22.12 t.u. |
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David Frawley |
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L’Inde possède une grande civilisation indigène datant de 7.000 avant JC, comme de récentes découvertes archéologiques à Mehrgarh l’ont clairement révélé. Elle avait la plus grande culture urbaine dans le monde au troisième millénaire avant JC, avec les nombreuses cités des rivières Indus et Saraswati.
Quand la rivière Saraswati, bien connue par le Véda, s’assécha lors du second millénaire avant JC, la culture se déplaça à l’est vers les rivières mieux connues de la plaine gangétique, qui devint la région dominante du sous-continent. C’en est fini de la vieille idée de l’invasion aryenne et d’un fondement extérieur pour la culture indienne. A sa place, la continuité d’une civilisation et de sa littérature la fait remonter au début de l’Histoire. En se basant sur cette mise en valeur de son glorieux passé, l’Inde peut maintenant regarder vers l’avenir, en tant que plus grande et plus durable culture de la planète.
Le plus vieux texte indien et peut-être le plus vieux livre du monde, le Rig-Veda, proclame fièrement : « Ce qui est l’Unique Vérité, les sages l’enseignent de nombreuses manières différentes » (Rig-Veda I. 164.46), et « Puissent les nobles aspirations venir à vous de toutes les directions » (Rig-Veda I. 89.1). Ce fondement du pluralisme indien ou pluralisme de la Bharata [l’Inde] donna naissance non seulement aux nombreuses sectes différentes de l’hindouisme mais aussi aux traditions bouddhistes, jaïnistes et sikhs, peut-être la plus grande diversité d’enseignements spirituels dans le monde entier. Bien qu’étant largement incompris en Occident comme étant un polythéisme ou adoration de nombreux dieux, ce pluralisme de la Bharata reflète une quête ouverte de la vérité et un libre épanouissement de tout le potentiel humain, sans aucune limitation à un nom, forme ou institution particuliers. Il embrasse l’art et la science aussi bien que la religion et la métaphysique.
Malheureusement, pendant les cinquante premières années depuis l’indépendance, l’Inde n’a pas redécouvert ses véritables racines. Ses intellectuels ont singé les manières occidentales de penser. Ils ont oublié leurs propres grands sages comme Swami Vivekananda et Sri Aurobindo qui ont projeté des idées modernes et futuristes à partir de la tradition indienne. Alors que les Occidentaux viennent en Inde pour rechercher la connaissance spirituelle, les intellectuels indiens regardent vers l’Occident avec une adulation qui est souvent aveugle, sinon obséquieuse.
Le monde entier entre maintenant dans une ère mondiale dans laquelle le pluralisme doit
être le fondement de la culture mondiale. Ce n’est plus une ère missionnaire, coloniale ou communiste, dans laquelle un groupe pouvait obtenir l’hégémonie dans le monde. C’est une nouvelle ère de dialogue et de respect dans laquelle nous devons apprendre à respecter et à chérir toutes les cultures du monde. Cela devrait commencer avec les peuples tribaux qui sont les gardiens de la Terre et de la sagesse de la Nature, que nous perdons si rapidement à cause d’une technologie destructrice. Elle doit inclure toutes les grandes traditions de l’Orient comme l’hindouisme et le bouddhisme, qui ont un ferme fondement de tolérance et de synthèse. Nous devons apprendre à accepter tous les êtres humains et leurs cultures comme faisant partie d’une seule grande famille. Que nos différences soient une cause d’admiration et de célébration, non de méfiance ou de haine.
Il est temps pour l’Inde d’être une fois de plus un guide et un innovateur dans la culture mondiale, plutôt qu’un suiveur et un imitateur comme elle l’est actuellement. Sri Aurobindo a remarqué que le véritable rôle de l’Inde était d’être le gourou [guide spirituel] parmi les nations du monde. Actuellement elle a du mal à maintenir l’ordre à l’intérieur de ses propres frontières. Alors que nous voyons les Indiens réussir en-dehors de l’Inde en tant qu’élite dans les pays étrangers, à l’intérieur de l’Inde ils sont encore hésitants. Pourquoi l’Inde aujourd’hui ne peut-elle pas nourrir ou développer les remarquables capacités de son propre peuple ?
Pour changer cette situation, une nouvelle vitalité et une nouvelle créativité sont nécessaires, qui honorent les vénérables traditions du pays mais qui ne s’enferment pas dans des formes et des conventions dépassées. Par-dessus tout, cela requiert une nouvelle génération de penseurs qui aient une vision globale, mais qui s’enracinent dans la spiritualité pratique du Yoga et du Vedanta. Les penseurs indiens doivent retourner à leurs sources culturelles, pas pour s’arrêter là, mais pour créer une nouvelle vison pour l’humanité. De nouveaux rishis, yogis et bodhisattvas doivent se lever pour compléter les anciens.
Nous pouvons déjà voir comment de telles disciplines traditionnelles indiennes comme le Yoga, l’Ayurveda et le Vedanta gagnent le respect à l’échelle mondiale pour leur approche intégrale et holistique. Une telle vision indienne ou dharmique doit être ajoutée pour enrichir la religion, la philosophie et la science tout autour du monde. La nouvelle génération d’Indiens doit adopter cette tâche mondiale comme étant son but. Le nouvel ordre mondial de l’ordinateur et de la révolution de l’information offre au pays une situation très favorable pour son exceptionnel talent spirituel et intellectuel. Mais pour que cela arrive, l’Inde doit se lever et parler fermement, pas simplement pour plaire à tout le monde, mais pour tracer une nouvelle voie vers l’univers qui réside à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de nous.
Une telle nouvelle Inde combinerait la science et la spiritualité dans une perspective globale, ajoutant la compréhension intuitive des anciens rishis à la compréhension critique des scientifiques modernes. Si une conscience unitaire est en effet le fondement de l’univers, comme le dit la mécanique quantique, les yogis de l’Inde ont déjà montré la voie pour l’atteindre. Elle créerait un système de médecine qui combinerait les avancées de la biochimie avec une compréhension de la force de vie et de l’âme qui reflète l’être humain supérieur, qui est cosmique par nature. La nouvelle Inde développerait nos potentiels matériels, mais pour la gloire de l’Esprit, le Soi de tous les êtres, tout comme l’Inde classique combinait un vaste épanouissement de l’art, de l’architecture, de la musique et de la danse avec les nombreuses philosophies de l’absolu et avec les voies yogiques. La nouvelle Inde protégerait la Terre tout en allant jusqu’aux planètes et aux étoiles, mettant en valeur le paradis que ce pays tropical aux nombreuses rivières a l’habitude d’être. Elle honorerait nos ancêtres spirituels et leur héritage, réalisant les plus profondes aspirations de notre espèce et ne se contentant pas simplement de l’abondance matérielle. Elle élèverait le pauvre et l’opprimé, pas pour convertir les gens à une croyance, mais pour les aider tous à devenir heureux et libres, à la fois dans leurs corps et dans leurs esprits.
Une telle Inde réveillée est cruciale pour la culture mondiale, qui reste actuellement coincée entre un consumérisme destructeur d’une part, et un exclusivisme religieux rigide d’autre part.
Aujourd’hui les Etats-Unis sont la seule superpuissance dans le monde. Mais c’est une superpuissance seulement dans le monde extérieur. Sa richesse matérielle cache une
pauvreté spirituelle et un malaise psychologique et social croissants. Aucune superpuissance technologique ne peut correctement guider le monde. Seule une superpuissance spirituelle peut le faire, et l’Inde a le meilleur potentiel pour le devenir. La question est plutôt de savoir si le pays et ses dirigeants sont disposés à faire les sacrifices que cela doit impliquer.
L’Inde détient la Shakti, la puissance spirituelle et force d’évolution de l’humanité. Elle est la grande Mère du Monde dans sa manifestation. Que sa force yogique s’exprime une fois de plus pour le bénéfice de tous !
Publié dans Bharatiya Pragna, Février 2000
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