:: La Fin des faux-semblants
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21/03/03 |
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10.05 t.u. |
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Yag Bazhdid |
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Ceux qui en doutaient jusqu’au dernier instant en auront été pour leur frais, comme la Guerre de Troie, la 2ème Guerre du Golfe aura bien lieu. Elle a même démarré la nuit dernière à 3h00 du matin. Faisant fi de la plus petite once de légalité internationale – et se plaçant de facto dans la position de l’Irak en 1991, celui qu’il faut bien appeler le “Führer fou du Potomac”, George W. Bush, l’avait dit clairement, la guerre aurai lieu, non pas en raison d’introuvables armes de destruction massive, mais, plus prosaiquement, pour virer " sous 48 heures " Saddam Hussein et les siens. But que l’on recherchera en vain dans l’ensemble des résolutions adoptées contre l’Irak…
Car, comme l’a rappelé, l'éditorialiste du Temps, Alain Campiotti, " La question de l'armement non conventionnel de l'Irak n'a jamais été pour les faucons qu'un levier. Ils n'ont jamais réellement cru – même si le danger de prolifération est une inquiétude légitime – que Saddam Hussein menaçait les États-Unis. Ils voulaient aller à Bagdad, pour corriger l'erreur de 1991, et imposer à la région un cours radicalement nouveau "(1).
" L'objectif du renversement du régime irakien était d'ailleurs inscrit depuis 1998 dans une loi américaine, le Iraq Liberation Act. Une dangereuse aventure commence. Les États-Unis et le monde n'en connaissent ni l'issue ni le coût : il sera lourd. Une nouvelle ère va s'ouvrir dans la nuit sans lune de Mésopotamie "(2).
Mais, souligne, de son côté, François Ernenwein, " …C'est donc dans un relatif isolement, privés du soutien de l'opinion et de la communauté internationales, que les États-Unis se préparent à une aventure. Sur le plan du rapport de force, ils possèdent un avantage certain. Mais rien n'indique que les bénéfices tirés de cette politique de la canonnière seront supérieurs à ceux qui auraient pu être obtenus par la poursuite des inspections. Il y a beaucoup de menaces dans les choix américains "(3).
En dépit d’une victoire qui ne devrait pas faire défaut aux panzerdivision de l’Oncle Sam, les choses sont-elles aussi roses que nous le prétend le propaganda staffel US ?
En fait, à y regarder de plus près, cet isolement ressemble fort à celui de l’assassin dont la noirceur des projets écoeure y partie de ses amis et proches. Où sont en effet, les Canadiens, les Français, les Allemands, etc., qui avaient accompagné les Nazis-Unis dans leur premier blitzkrieg de 1991 ?
Ce que rappelle sans fioritures le rédacteur en chef d’Al-Qods Al-Arabi, Abdelbari Atwane, qui souligne dans son éditorial que " la décision de George Bush d'aller à la guerre, sans l'aval de l'Onu, met le président américain dans la catégorie de la mafia qui viole la loi et se comporte sans aucune morale pour semer dans le monde crimines et corruption. Le retrait du projet de résolution préparé par l'axe du mal, composé par Washington, Londres et Madrid, est une défaite diplomatique et prouve que le monde s'est aligné sur l'axe du bien, qui s'oppose à la tendance agressive de l'axe du mal. C'est le début de l'effondrement de l'Empire américain qui vient de révéler au grand jour ses visées colonialistes en Irak et sa volonté de mettre la main sur ses richesses et de remodeler la région selon les intérêts américano-israéliens "(4).
Ceci posé, il est toujours intéressant de revenir sur les pensées des hommes qui inspirent le locataire de la Maison-Brune (pardon… Blanche).
Ainsi celles de ce triste sire qu’est Edward Luttwak concernant la France, sur, tout un symbole, Radio-J (17 mars 03), montrent bien plus qu’une simple exaspération – d’autant que Luttwak n’est pas l’analphabète géopolitique qui trône à la Maison-Blanche –
Or qu’a cru bon de déclarer le sémillant Edward ?
Que " Le gouvernement américain doit maintenir une distinction entre les pays qui ont soutenu les États-Unis et les pays qui s'y sont opposés. Il y a les pays négligeables comme la Belgique, les pays qui ont fait cela malgré eux, comme la Russie, qui ont été poussés, mis dans une situation impossible par les Français et naturellement la France. Chirac personnellement ne sera jamais reçu à la Maison-Blanche, évidemment ".
Car, faute de consensus et menacés d’un double veto – le français entraînant ipso facto, le russe – au Conseil de sécurité, Washington, et ses États-liges ont dû, la mort dans l’âme, renoncer à mettre au vote un projet de résolution, qui, s’il avait été adopté, aurait donné à via factis US contre Bagdad la légitimité d’un aval de la communauté internationale.
Notons, au passage, cette ultime lâcheté bushlerienne ! Debeuliou avait, en personne, promis la semaine dernière qu’il serait mis au vote pour permettre à chacun d’abattre ses cartes.
Mais Washington a reculé faute de pouvoir rassembler les voix nécessaires (9 sur 15) à l’adoption de ses projets guerriers au sein du Conseil de sécurité.
Plutôt que de partir au combat embarrassé d’un vote négatif, le retrait du projet permet aux États-Unis de se rabattre sur la légitimité de la précédente résolution (1441) et d’autres textes de l’Onu, dont Washington assure, sans convaincre, qu’ils permettaient déjà la guerre.
Mais l’isolement actuel de la thalassocratie états-unienne laisse présager du pire quant à l’avenir des relations internationales.
Un recours à la force en Irak " risque de s’avérer lourd de conséquences pour la région et pour le monde ", a averti à Paris le chef de la diplomatie française, Dominique Galouzeau de Villepin, rappelant qu’une " large majorité " des membres du Conseil de sécurité continuait de " privilégier (…) le désarmement de l’Irak par les inspections ".
Mais comme fait remarquer Joseph Limagne, dans son éditorial d’Ouest-France, " …Plutôt que d'admettre leur échec, qui les prive de l'onction onusienne, les Américains désignent un coupable : Paris. D'une virulence rare, la charge contre la France utilise tous les ressorts de la plus parfaite mauvaise foi (…). Dans ce dernier moment d'avant-guerre, il est aussi préoccupant de constater que les trois alliés des Açores tirent aussi à boulets rouges, avec les mêmes mots, contre le Conseil de sécurité, “incapable” de faire respecter ses décisions. Plutôt qu'admettre une divergence d'interprétation de la résolution 1441, ils accusent le Conseil de faiblesse coupable. Cette dénonciation augure mal de l'avenir. Elle laisse supposer que, désormais, Washington se passera des Nations-Unies pour ses opérations de police internationale "(5).
Bien sûr, les ors de la victoire devraient, à terme, adoucir le paysage diplomatique pour la thalassocratie états-uniennes.
Avec certaines limites cependant, car il sera cas difficile pour les Nazis-Unis et leurs (rares) groupies européennes de nous jouer bien longtemps l’air de la “libération” désintéressée de l’Irak.
En effet, d’ores et déjà, le must de la presse financière US nous apprend que les entreprises en première ligne pour les contrats de reconstruction ont, " toutes, leur entrée à Washington "(6).
Parmi les sociétés contactées, notait déjà il y a quelques jours, le Wall Street Journal, se trouverait, ô hasard, Halliburton, dirigée jusqu’en 2000 par l’actuel vice-président US, Richard “Dick” Cheney, Bechtel (gestion de projets), Fluor (ingénierie et construction), Louis Berger (ingénierie et construction) et Parsons (construction). Le tout pour une première enveloppe s’élèvent au total de 1,5 milliard de dollars pour des contrats avec des sociétés privées, alors que, seuls 50 millions seraient prévus pour une poignée d’organisations non gouvernementales (ONG) comme Care ou Save the Children, pour donner le change…
Notes
(1) Le Temps (17 mars 03).
(2) Idem.
(3) La Croix (18 mars 03).
(4) Al-Qods Al-Arabi (18 mars 03).
(5) Ouest-France (18 mars 03).
(6) Al-Watan (18 mars 03).
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