:: Une mort symbolique
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17/03/03 |
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15.44 t.u. |
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Seamus Lordis |
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Ça n’est certes pas la première fois qu’un homme politique serbe est tué dans un attentat. Toutefois la disparition Premier ministre Zoran Djindjic, décédé des suites de ses blessures, de l’attentat le visant mercredi à Belgrade, est à marquer d’une pierre blanche.
En effet, à croire la radio “indépendante” (comprendre philoaméricaine) B-92, citant toutefois des sources non-officielles, l'attentat " a eu lieu vers 12h45 dans la cour du gouvernement de Serbie ".
Djindjic a été blessé par deux balles dans " le dos et l'estomac ", précise la radio.
On sait maintenant que les personnes arrêtées par la police – notamment l’ancien commandant d'une unité spéciale du MUP, Milorad Lukovic, dit “Legija” – étaient proches (politiquement, il s’entend) de l’ancien président Milosevic, lui-même livré – en violation du droit serbe et contre l’avis de la Cour constitutionnelle de ce pays – au controversé TPI de La Haye. Instance, rappelons-le, financée directement par des lobbies états-uniens.
Apparemment, guère de rapports avec la thèse officielle : le vice-Premier ministre de Serbie, Zarko Korac, parlant d’un puissant groupe mafieux, dit le "clan de Zemun", du nom d'une ville proche de Belgrade.
Bien que social-démocrate et rallié à l’Ouest, le régime belgradois, one le voit,, a su retrouver sans trop d’hésitations les accents pesants de la langue de bois de feu son prédécesseur titiste. Chassez le naturel…
Dans sa hâte à gérer l’événement, le gouvernement (si peu serbe) actuellement en place à Belgrade a décrété un deuil de trois jours.
Mais là aussi, difficile de croire au pathos d’une officialité qui nous pare d’une population " état de choc ". Devant le siège du gouvernement, où Djindjic a été abattu, on ne trouve, images à l’appui, qu’une maigre centaine de personnes, rameutées à grand peine par le régime, pour (officiellement) attendre le livre de condoléances.
Qu’on m’autorise à ne m’associer ni de près (facile, n’étant pas sur place), ni de loin, à ces démonstrations !
Non point par une quelconque acrimonie contre le petit peuple de Serbie. Ayant de toujours dénoncé les faux procès fait à ce pays, si âpre dans sa résistance au nazisme, et collaboré à l’ouvrage collectif des éditions Dualpha La Guerre du Kossovo – Mensonges & Désinformations portant sur la guerre de l’Otanazie (pour reprendre l’expression d’un confrère serbe, Slobodan Despot, je crois) contre ce peuple victime de toutes les vindictes, les haines et les ambitions, je pense ne rien avoir à prouver sur ce point.
Mais au-delà, Zoran Djindjic, reconnaissons-le, ne pouvait guère se classer dans la litanie de ceux ayant pâti de la Guerre du Kossovo, puisque, prenant la poudre d’escampette au premier survol de F-16C/D Fighting Falcon otanien, il avait passé la totalité du conflit bien au chaud au Monténégro, chez des amis haut placés et visés, pour certains, par des mandats d’arrêt lancés par le pôle anti-mafia de la justice italienne…
On ne s’étonnera donc pas outre-mesure que, dans son discours devant le Parlement, le Premier ministre monténégrin, Milo Djukanovic, lui-même objet de la sollicitude judiciaire d’un magistrat italien s’intéressant de près au crime organisé local, nous ait sorti que le meurtre de Djindjic était " une attaque planifiée contre la démocratie et un coup dur pour les forces réformistes en Serbie ".
On connaît le sens pour le moins étrange qu’entend la clique Djukanovic par " forces réformistes ".
Quid, alors, de la simple démocratie vue par les clones balkaniques des kollabos que l’administration US nous présente aujourd’hui pour l’Irak occupée dont elle rêve ?
Simple, laissons la parole au vice-Premier ministre Korac, qui, sans attendre, a affirmé que l'état d'urgence durerait " jusqu'à ce que l'assassinat du Premier ministre soit élucidé ".
Et, pour tous ceux qui n’auraient pas bien saisi le message, d’ajouter que " Oui, nous suspendons certains droits démocratiques dans l'intérêt de la démocratie ", car " L'état d'urgence est une mesure indispensable qui permettra de traduire les coupables devant la justice et de défendre le pays contre ce genre de groupes qui oseraient s'attaquer aux institutions démocratiques de la Serbie ",
On a parfois la fin que l’on mérite. Parfois pas. Les morts controversées, je connais. L’Irlande, mon pays, a connu son lot et je pense, ici, à Michael Collins. Djindjic méritait-il la sienne ? Ça n’est pas à moi de répondre. Il a, en tout cas, été abattu dans le dos… Comme ceux qui, au moment décisif du combat, lâchent pied devant l’ennemi et héritent, le plus souvent, de balles perdues.
Celles-là, en tout cas, lui étaient visiblement destinées.
D’où venaient-elles, il est à noter qu’à la veille de son départ pour La Haye – eh, oui ! Tous les Serbes ne détalent pas face au danger – le primus inter pares du SRS, Vojislav Seselj, avait, dans un meeting tenu en pleine rue, mis Djindjic en tête sur la liste des traîtres " à abattre ".
En tout cas, Seselj, lui, dispose d’un solide alibi, étant présentement détenu dans les geôles fétides du TPI.
Alors qui ?
N’étant ni proche, ni familier, ni encore moins groupie de feu le Premier ministre, qu’on souffre que la non-résolution de ce dossier ne m’empêche pas de dormir.
Pour le reste, on prête à la propagande mussolinienne cet adage (un peu pompeux) : " Molti nemici, molt’onore " (beaucoup d’ennemis, beaucoup d’honneur). Je pense qu’il ne s’appliquait pas à l’homme cueilli par la mort ce mercredi à Belgrade.
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