Ces immigrés d’hier... Ah ! Quand reviendront-ils ?
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24/01/04 |
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19.48 t.u. |
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Roland Gaucher |
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A l’heure où la guerre du voile fait la « une » dans la presse, à la télé et à la radio, il est peut-être utile de revenir en arrière et d’évoquer la situation dans notre pays, avant la guerre.
Je fais appel ici uniquement à ma mémoire, c’est-à-dire à une période limitée à la fin des années vingt et aux années trente.
J’évoquerai d’abord le cas des Italiens. Nombre d’entre eux venaient travailler en France dans le bâtiment où leur apport était très utile. Un de mes plus vieux amis (il a 91 ans) portait un nom à consonance italienne, mais son prénom était Albert. Il descendait d’un émigré, son grand-père, mais il était parfaitement assimilé.
Seconde catégorie : celle des Polonais. La plupart d’entre eux travaillaient dans les mines, c’est-à-dire dans la région Nord/Pas-de-Calais. Leur présence était globalement positive sur le plan professionnel.
Italiens et polonais étaient catholiques. Après la guerre de 40, à la différence des Italiens, un certain nombre de Polonais ont regagné leur pays d’origine.
Je n’ai pas de souvenir précis sur le cas de Portugais. Nombre d’entre eux travaillaient sur des chantiers et leurs femmes, parfois, comme employées de maison. En tout cas, à ma connaissance, ils n’ont pas soulevé de problèmes.
A ces immigrés européens, entrés chez nous pour gagner leur vie il convient d’ajouter d’autres étrangers, mus par d’autres mobiles : assurer leur sécurité. Au lendemain de la guerre de 14, la France accueillit des exilés russes. Et, après 1930, à l’occasion de la guerre civile en Espagne, beaucoup de réfugiés qui fuyaient le régime de Franco.
Là non plus, je n’ai pas gardé le souvenir que ces exilés aient soulevé de graves problèmes. Simplement, les réfugiés espagnols étaient sans doute moins assimilables que les Italiens. Dans la région parisienne, nombre d’entre eux se retrouvaient dans des cafés proches de l’Etoile. Après la dislocation du régime franquiste, beaucoup regagnèrent leur pays d’origine.
La réaction des Français à l’égard de ces travailleurs étrangers n’était en général guère hostile. Il circulaient quand même quelques brocards : ritals, polacs, russkoff, etc.
Une certaine catégorie d’étrangers provoqua, néanmoins, pendant une très brève période, une certaine peur. Mais il s’agissait d’étrangers non pas ethniques mais de classe, redoutés par les bourgeois.
En 1936, furent votés les « congés payés ». Sur les plages, où les gens disposant d’une certaine aisance prenaient chaque année leurs vacances, ce fut l’affolement. Je vécus cela à Etables (Côtes du Nord). Les filles allaient être violées, et les affreux garnements des prolos allaient apprendre aux chers rejetons des vacanciers d’horribles gros mots (ils les connaissaient tous).
Je vis arriver ces envahisseurs. Deux ou trois étaient en bleus de travail. Tout se passa sans histoire. Aux vacances suivantes, tous ces immigrés sociaux étaient parfaitement assimilés.
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