Face à face : les deux pouvoirs
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18/04/04 |
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12.26 t.u. |
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Roland Gaucher |
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Le phénomène est sans précédent. Lorsque des élections nationales ont lieu, ou que l’on vote pour élire le Président de la République, ou bien la majorité reste au pouvoir, ou bien ceux qui exercent ce pouvoir sont rejetés pour « x » années dans l’opposition.
Tout est bouleversé depuis les récentes élections régionales. Après le Waterloo qu’ils ont essuyé, la majorité et le Président restent en place, mais sortent de leur déroute singulièrement affaibli sur le plan national. Tout au contraire, la Gauche, une gauche pourtant très divisée entre trotskistes et parti socialiste allié à un PC quasi-moribond, s’empare de la quasi-totalité des régions (24 sur 26).
Des partis politiques rejetés dans l’opposition n’avaient hier aucun pouvoir légal. Aujourd’hui, ils en disposent largement, alors que les partis gouvernementaux (UMP, UDF), sans parler du Président de la République lui-même et du Premier Ministre, sortent de cette épreuve terriblement ébranlés.
Les nouveaux présidents de région, au contraire, n’ont pas attendu pour s’affirmer. Dès le 5 avril, dans Le Monde, Isabelle Mandraud dresse de cette résistance un premier bilan :
En Poitou-Charente, Ségolène Royal appelle les maires de sa région à reprendre les arrêtés d’interdiction sur les essais d’OGM en plein champ ;
En PACA, Michel Vauzelle annonce son intention de faire de sa région une « zone hors accord général sur le commerce des services (AGCS », un traité qui concerne la déréglementation des services publics voulue par l’Organisation mondiale du commerce.
Les autres présidents de régions se préparant eux aussi à agir.
« Bref, conclut la journaliste du Monde, les régions prennent le large et s’organisent comme des zones de résistance. »
Une résistance qui ne manquera pas de s’élargir avec le soutien aux minorités agissantes.
Prenons le cas des trotskistes. Certes, la victoire de la gauche est celle du Parti socialiste réformiste, allié au PCF, au détriment des minorités trotskistes.
Mais ces minorités défaites électoralement ne vont pas pour autant rester inactives. Supposons que le gouvernement prenne contre elles des mesures et engage des poursuites. Il y a de fortes chances que les Présidents de région les soutiennent, au nom des droits de l’Homme.
Il en sera de même pour les manifestations, même violentes, des intermittents et des enseignants. Idem pour les groupes altermondialistes comme ATTAC. Ou pour les agitateurs dans le domaine agricole, comme le gugusse José Bové, qui se pose en martyr, parce qu’il a fait quarante-cinq jours de prison.
Et enfin, il y a de fortes chances pour qu’une grande vague d’agitation syndicale déferle dans notre pays, et trouve dans vingt régions de France, de notables appuis.
On souhaitera bien du plaisir à Chirac et à Raffarin devant ces perspectives.
Il est vrai qu’ils auront une consolation : ils pourront toujours chercher des misères au Front national et aux « groupuscules néo-nazis ».
Car la Droite pourrie ne se comporte pas à l’égard de « l’extrême-droite » comme les socialistes dits « modérés » à l’égard de l’extrême-gauche.
Roland Gaucher
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