14/09/03 7.18 t.u. Didier Rueda

Il y a 45 ans, en 1958, ( j’aurais pu dire « le siècle dernier » ou « le précédent millénaire » si j’avais voulu être plus sarcastique... ) naissait, sur papier, en France et en Grande Bretagne, la première étude portant sur la création d’un avion supersonique qu’on appellera plus tard « Concorde ».

Le premier vol de ce bijou eut lieu le 2 mars 1969. En 2003, à une époque où le progrès nous permet de rouler en Golf de 5e génération, ô combien mieux équipée et plus performante que la Golf de première génération, non seulement, le concorde n’a pas connu la moindre évolution mais, pire encore, nous n’avons pas trouvé les budgets suffisants pour assurer sa simple duplication. C’est comme si l’on nous disait que - politique fiction - nos actuelles automobiles, des 4L, DS et autres 404, les modèles les plus vendus sur le marché de l’occasion en ce dernier trimestre de l’année 2003, étaient subitement interdites de circulation sous prétexte que les autorités, pilotées par Sarkozy, les décrétaient trop usagées pour poursuivre leur route. Cela voudrait tout de même dire que, en dehors de la tiers-mondisation de notre pays incapable de renouveler son parc automobile, nos ingénieurs des années 60 furent de sacrés caïds et nous, de sacrés bons conducteurs...

Mais, heureusement, le Concorde n’est qu’une exception où le « progrès » s’est malheureusement confondu en « regrets ». Les priorités budgétaires ont tout simplement changées... enfin ! Nous sommes gouvernés par une élite, formée à l’école républicaine, publique, laïque et citoyenne, où le « Progrès » est le « Credo » quotidiennement récité. On se demande bien, d’ailleurs, ce qu’il serait advenu de notre beau pays si l’obstination de nos énarques et autres polytechniciens n’avait pas été la quête permanente dudit « Progrès ».

Tenez ! Politique fiction : nous pourrions craindre le pire en matière de santé publique. Sans notre élite, nous aurions pu, un jour, n’être plus remboursé des médicaments de dernière génération qu’aux seuls tarifs des médicaments génériques fabriqués dans les années 60 ! Faute de moyens pour satisfaire la demande croissante des populations mondiales s’approvisionnant en France, les gouvernements nous inviteraient à reprendre les tisanes et autres secrets de famille en guise de traitement. Histoires de fous, me direz-vous. Quel tiers-mondisation devrions-nous avouer à la face du monde ! Sans le travail admirable de notre élite, nous pourrions imaginer aussi le pire pour nos aïeux. On pourrait nous annoncer le décès de dizaines de milliers d’entre eux en raison de virus malencontreusement contractés dans les hôpitaux ou, pire encore, en raison de grands froids hivernaux ou de trop fortes chaleurs estivales. Les autorités, incapables d’expliquer les raisons de cette catastrophe rivaliseraient d’hypocrisie en nous invitant à héberger à domicile nos vieux, sous couvert de convivialité, jusqu’à leur dernier souffle. Rendez-vous compte : nous serions un pays incapable de financer l’installation de climatisations ; un pays incapable de sécuriser l’environnement viral de ses hôpitaux ; incapable de former des infirmières au point d’en importer d’autres pays.

Quel aveux de tiers-mondisation serait-ce !

Sans notre élite, le pays serait depuis bien longtemps au bord de la cessation de paiement . Il serait peut-être même aux mains d'extrémistes ( de droite bien sur... ). Nous pourrions, sans risque de nous tromper, envisager sa mise sous tutelle financière à l’instar des colonies vis-à-vis des gouvernements européens durant les heures sombres de la colonisation. Tenez ! Nous serions obligés de demander l’autorisation à la commission de Bruxelles avant de baisser nos impôts ou de nationaliser telle ou telle entreprise mise à mal par les fonds de pensions apatrides. Coups de règles sur les doigts et amendes pleuvraient. Nous aurions depuis longtemps quitté notre rang de modèle pour le monde. Quant au Concorde, il n’aurait peut-être même pas de musée pour l'abriter des pluies acides. Tant qu’il y aura des énarques…