José Bové, c'est bien fait
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20/11/02 |
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4.15 t.u. |
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Clément Lelhuillier |
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" Son combat est légitime "
Charles Pasqua (Le Monde, 22 juin 2000)
Le Réseau Radical - structure regroupant les nationalistes-révolutionnaires et les solidaristes français - se réjouit de la peine de 14 mois d’emprisonnement à laquelle a été condamné hier José Bové.
José Bové a accédé à la reconnaissance médiatique le 12 août 1999 après avoir, avec d’autres militants du syndicat paysans d’extrême-gauche la Confédération Paysanne, légèrement endommagé un fast food Mc Donald’s à Millau.
Qualifié de " héros gaulois " par Paris Match, encensé par la presse comme le représentant de la résistance du peuple de France à la mondialisation, il fut même alors salué par quelques ténors des forces nationales comme quelqu’un menant un combat parallèle au nôtre1.
Pour nous, José Bové, joue un rôle et, loin d’être un adversaire de la mondialisation, il en est un allié efficace dont la fonction est de neutraliser toute résistance en la fourvoyant.
Avant tout, il n’est pas inutile de revenir sur la personnalité de ce " paysan " qui n’est pas issu de la terre.
En effet, il avoue lui-même que " c’est le hasard militant " qui l’a conduit à devenir agriculteur (Libération 17/09/1999) et, précisons le, pas n’importe quel " hasard militant ", puisqu’il s’agit de l’antimilitarisme et de l’opposition à l’extension du camp militaire du Larzac. Fils de bourgeois aisés et de droite, ayant été élevé aux USA, ayant fait ainsi que son épouse Sciences po, José Bové s’est toujours défini comme un militant de l’extrême-gauche la plus radicale. Dans José Bové, la révolte d’un paysan, sa biographie sous forme d’interview publié par les éditions Golias, il ne nous cache rien : " Je suis un anarcho-syndicaliste. Plus proche de Bakounine que de Marx. Mes préférences, ce sont la Fédération jurassienne de la première Internationale au siècle dernier et la CNT espagnole de 1936 ". Dans le même ouvrage il nous donne d’intéressantes précisions sur son insoumission, son adhésion à l’Union Pacifiste, son engagement anti-nucléaire, son soutien aux Canaques tueurs de gendarmes, etc.
Il est aussi frappant de constater à quel point cet homme, qui tient à préciser " Le philosophe chrétien Jacques Ellul m’a beaucoup influencé " et " Je me sens proche de la théologie de la libération. Même si je ne m’inscris pas dans le Credo de la communauté chrétienne, j’adhère à l’Evangile comme grille de lecture et d’engagement dans le monde. C’est une référence qui me paraît fondamentale ", à un attachement très fort au progressisme chrétien. Etudiant, il a fréquenté, avec son épouse, l’aumônerie catholique et la Jeunesse étudiante chrétienne, et son établissement sur le Larzac a été étroitement lié à cela. Dans son autobiographie, il reconnaît l’importance des structures catholiques de gauche dans la genèse de la lutte qui entraîna son installation dans une bergerie à Montredon : " La première structure de militants du Larzac, c’est le groupe du CMR (Chrétiens en monde rural). Les aumôniers étaient toujours présents aux réunions. Tous ces gens passés par la JAC (Jeunesse agricole chrétienne), par le CMR, qui font référence à l’Eglise, font peu à peu prendre conscience à l’opinion publique qu’il est légitime de résister, et font en sorte que cette légitimité soit appuyée par les autorités de l’Eglise ".
Tel est donc le passé de l’homme qui est censé représenter la contestation au mondialisme. Tranquillisez-vous il n’a pas changé ! Il est heureux de préciser dans Paris Match que sa fille milite à Ras l’Front et dans Libération qu’il commande ses livres à la librairie (anarchiste) du Monde Libertaire, et quand il se déplace à Seattle ou à Davos comme porte-parole des anti-mondialistes français, ils n’est pas seul. Il se fait accompagner - entre autre - par l’ancien leader d’SOS-Racisme Harlem Désir et par le communiste Jack Ralite et il reçoit le soutien de Droit devant !, d’Agir contre le Chômage, du DAL, de la LCR, de la Ligue des droits de l’homme, de la CGT, de la FSU de France-Liberté de Danielle Mitterrand, etc.
Nous pourrions écrire que " même le diable porte pierre " et que dans la lutte contre la mondialisation on ne choisi pas ses alliés.
Mais encore faudrait-il que José Bové lutte réellement contre la mondialisation. Or tel n’est pas le cas, et il déclare clairement : " La mondialisation est pour nous une excellente chose, mais une autre mondialisation2", " La mondialisation est souhaitable et inévitable3 ".
C’est là que tout s’éclaire et que le rôle de José Bové apparaît au grand jour.
Il existe en France une contestation polymorphe de la mondialisation et de l’américanisation. Celle-ci peut se structurer et devenir dangereuse pour ceux qui nous gouvernent. Il n’y a pas de meilleure manière pour désamorcer tout cela que, de créer de toute pièce, grâce aux médias, un dirigeant anti-mondialiste qui sera reconnu comme telle par le système et dont l’ombre étouffera tous les cadres sui generis qui auraient pu apparaître.
José Bové, dont le combat peut parfois sembler sympathique, remplit cette fonction avec conviction. Universaliste convaincu, il n’occupe le créneau identitaire que par opportunisme. Ce n’est pas un résistant, mais au mieux un réformateur, il ne refuse pas la mondialisation, il veut l’aménager. Et les aménagements, il les souhaite non pas pour les paysans et les autochtones français ou Européens mais uniquement pour les peuples du tiers-monde, lui qui affirme : " Le combat de Seattle est celui-ci : accepter la mondialisation comme un fait accompli et éviter, par de nouvelles règles, que les pays en voie de développement, déjà faillis, n’en paient lourdement la note4".
Ne nous trompons pas d’alliés, ne nous trompons pas d’amis, les procès de Bové ne furent jamais ceux d’un résistant au Nouvel ordre mondial mais ceux d’un collaborateur du système. D’ailleurs les sanctions demandées furent légères, symboliques, et cela même est significatif.
Clément Lelhuillier
Note :
1 - Position qu’a maintenue Bruno Mégret qui écrivait encore dans un communiqué diffusé fin juin 2000 " Bruno Mégret, président du MNR, se félicite de la forte mobilisation pour la manifestation anti-mondialiste de Millau, révélatrice de la colère du peuple et des paysans français contre le nouvel ordre économique mondial."
2 - Paul Ariès, José Bové, la révolte d’un paysan, Golias, Villeurbanne, 2000, p. 42.
3 - Paul Ariès, op. cit., p. 62.
4 - Paris Match, février 2000.
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