L'Europe vue de la France "d'en-haut"
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18/12/02 |
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13.18 t.u. |
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Thomas Demada |
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Le débat, ou plutôt la foire d'empoigne, sur l'intégration de la Turquie dans l'union européenne a au moins le mérite de mettre à jour l'"idéal européen" des apparatchiks de Bruxelles. Cette mise à jour a malheureusement tout d'une exhumation.
Réjouissons nous, l'idée d'Europe n'est (pratiquement) plus contestée. Que ce soit par conviction ou par nécessité les tenants de la droite comme de la gauche se sont convertis bon grès mal grès à l'"euro-enthousiasme". Ne reste plus qu'une poignée de souverainistes dont le temps nous débarrassera (malgré l'accroissement de l'espérance de vie). Néo-gaullistes ou vieux natio's, nous assistons au crépuscule des "souveraineux". Ce qui devrait nous inquiéter, nous peuple d'Europe, c'est la définition que lui donnent ces adeptes de l'onanisme intellectuel.
On pourrait penser devant la multitude des attitudes et des déclarations que chaque ministre, chaque euro-député, chaque sous-secrétaire d'état au poids et mesures a sa propre philosophie européenne. Ce serait oublier que la politique à Strasbourg comme à Paris se fait d'abord dans les clubs et les salons et, disons le franchement, dans les loges. Car de manière encore plus sensible que dans les états-maçons - pardon - nations , "les sociétés de libre pensée" tiennent un rôle de prédélibérations, de "prémachages" des dossiers qui seront ensuite traiter par le conseil de l'europe. On sait qu'il existe en France une fraternelle (c.a.d un rassemblement de maçons de différentes obédiences) de l'assemblée nationale, les choses sont beaucoup moins claires au niveau européen. Les structures de l'union sont un assemblage branlant de petits aréopages parfois antagonistes mais dont la nomination échappent toujours aux suffrages populaires. Guère étonnant que leurs décisions soient aussi dépendantes des lobbies.
Pour ceux qui me taxeraient d'anti-maçonnisme paranoïaque (un phénomène qui transcende largement la simple "extrème-droite", contrairement à ce que l'on croit et qui fut longtemps un corollaire de l'anticléricalisme). Citons Alain Bauer, grand maître du Grand Orient (la principale loge en nombre de frères) s'exprimant dans les colonnes du Nouvel Obs':
" Si dans les textes de l'Europe il n'est plus question d'introduire la notion d' héritage culturel chrétien ce n'est pas par hasard. Les francs-maçons font ce qu'ils ont à faire..."
Même si sur le fond ce petit ésotériste joufflu n'a pas entièrement tort, la dernière partie de la phrase laisse rêveur: si un passage déplait on le liquide. On imagine d'avantage ces termes dans la bouche d'un barbouze que dans celle de l'animateur d'une "amicale philosophique". Arrêtons-nous ici de tailler un costard, ou plutôt un tablier en cuir aux "frères la gratouille" comme les appelait feu Mitterrand et revenons à notre chère Europe.
En pataugeant dans la fosse sceptique des clubs parisiens on remarque que plusieurs charognes remontent à la surface. En opérant un tri pertinent on remarque que deux tendances, deux visions s'affrontent:
La plus facilement identifiable se groupe autour de la grande loge nationale française (rappelons qu'elle requiert de ces frères de croire en "Dieu"). Elle a vivement réagi à la possibilité d'intégrer une Turquie "ré-islamisé" dans l'U.E. Ce "club chrétien" rassemble nombre de centristes et évidemment les démocrates-chrétiens. Il est donc particulièrement bien implanté à l'U.D.F., qui a toujours été l'avant-garde de l'Europe à la Monnet. Ces principaux animateurs sont outre V.G.E et son fameux réquisitoire contre la Turquie européenne, l'euro-député Jean-Louis Bourlanges qui voit en la chrétienté la "seule matrice" commune, garante d'une distinction entre le temporel et le spirituel face à un Islam qui ne connaît pas cette dichotomie.
Ce "parti dévot" reçoit l'appui tactique des apôtres d'une micro-Europe, limitée à sa frange occidentale, qui regrouperait les seuls pays compétitifs économiquement avec les Etats-unis. Ce qui explique l'hostilité d'Hubert Védrines , pourtant "tiers-mondiste" bon teint , à la candidature turque. Il y voit à juste titre un "cheval de Troyes" américain destiné à affaiblir la cohésion socio-économique de l'Union. Mais le personnage étant soupçonné depuis longtemps d'hostilité à l'entité sioniste il est politiquement déconsidéré et donc de peu de poids dans le débat...
Soyons franc, cette ligne bénéficie d'un certain écho favorable dans les milieux nationaux, au-delà même du simple lobby des intégristes catholiques. Il bénéficie également de la vague "néo-réactionnaire" (qui mériterait à elle seule un article) et prospère sur l'anti-islamisme ambiant.
L'autre groupe se nourrit du magma informe qui est vomis dans les cuves cyclopéennes de la grande presse française par les habituels auxiliaires du mondialisme rampant. Ce groupe nous est largement connu, je ne m'éterniserais pas dessus. Il rassemble tous ceux qui voient dans l'U.E. une étape du futur état global et uniforme. L'Europe serait donc un club de "démocraties libérales" qui distribuerait des bon points sur le plan des droits de l'homme. C'est une nouvelle religion universelle avec comme évangile révélé la Charte européenne des droits de l'homme et comme prophète la carcasse crucifiée de Pierre Moscovici. Concluons en stigmatisant les délires verbaux de D.S.K. qui déclarait au "Vrai Journal": "L'Europe doit regroupé tous les états du bassin méditerranéen sans distinctions de civilisation ou de religion". Est-ce une façon polie de réclamer le regroupement dans un état unique de la Diaspora. L'Europe comme une entité sioniste élargie?.
Ou ceux de Mamère qui aurait mieux fait de manger ces moustaches que de demander l'adhésion à la fois de la Palestine et de l'entité sioniste à l'U.E...
Posons-nous une nouvelle fois en Troisième Voie. Rejetons dos à dos les cosmopolites et les réactionnaires. Réclamons la grande Europe du Peuple, de l'Atlantique à la Sibérie et des rivages de l'Islande à ceux de la Crète. Les peuples européens dans leur corps et dans leur civilisation doivent former un tout cohérent, sans distinction de religion, et pas un ramassis bringuebalant d'espaces économiques. Plus que jamais réclamons l'Europe du sang contre l'"europe" de l'argent...
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