La « Constitution » européenne contre les droits sociaux
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15/01/05 |
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9.24 t.u. |
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Jean Duverne |
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Nous le constatons d’année en année, dans tous les pays, la politique impulsée par l’Union européenne, en application des traités et en particulier de celui de Maastricht, au travers des directives et des politiques dictées par la Commission, aboutit à une destruction croissante des droits sociaux et des services publics. Des mesures contre les chômeurs aux menaces sur les fins de carrière, de la remise en cause de la Sécurité Sociale au danger de privatisation de tous les services publics, c’est véritablement ce que l’on appelle « l’Etat social » qui est remis en cause partout sous la contrainte de l’Union européenne, aussi bien dans les pays qui étaient membres de l’Union européenne que dans ceux qui ont adhéré le 1er mai 2004. La situation est identique pour tous les autres pays d’Europe non membres de l’Union européenne, qu’ils soient ou non candidats à l’adhésion, qui voient leurs garanties sociales, même les plus modestes, de plus en plus menacées ou détruites, parce que tous les gouvernements s’appuient sur la politique de libéralisation impulsée par l’Union européenne pour l’imposer chez eux, comme on le voit par exemple en ce moment en Russie avec la remise en cause des droits en matière de ogement, de transport et de retraites. Avec ’élargissement de l’Union européenne, on assiste à une accélération de cette politique de destruction sociale. C’est le cas, par exemple, avec le projet de directive Bolkestein relative aux services dans le marché intérieur, qui permettrait à une entreprise de services d’échapper à toutes les normes et à toutes les réglementation dans les pays où elle s’établirait. On voit ainsi se mettre en place une politique délibérée de mise en concurrence des travailleurs dans toute l’Europe, qui vise à détruite partout l’emploi, les conquêtes sociales et les services publics , pour le malheur de tous les travailleurs, qu’ils habitent dans les pays « anciens » ou « nouveaux » adhérents à l’Union européenne.
La « Constitution » européenne dont veut se doter l’Union européenne constitue une menace supplémentaire pour les droits et les libertés. Quelques exemples, parmi bien d’autres : la « Constitution » européenne s’opposerait à la remise en cause des traités antisociaux déjà existants (Maastricht, par exemple), puisqu’elle inclut cette politique dans son chapitre III. Le projet de texte constitutionnel efface littéralement la notion de service public du droit européen. On remplace cette notion par l’expression nouvelle « services d’intérêt général ». Le projet s’attaque non seulement à l’appellation des services publics, mais aussi à leur structure même. Ces attaques sont de deux ordres : 1 - le traité fait de la concurrence un principe absolu ; cela exclut naturellement tout monopole, or la rentabilité de beaucoup de services publics repose sur l’établissement d’un monopole ; 2 - le traité interdit de même toutes les aides d’Etat, qui, par nature, vont à l’encontre de la concurrence. Cette double attaque étrangle littéralement les services publics.
De plus, avec l’élargissement de l’Union européenne, on assiste à une accélération de la désindustrialisation (mines, chantiers navals, sidérurgie, automobile, entreprises de transport), qui frappe les travailleurs de tous les pays, ceux qui appartiennent à l’Union européenne depuis l’origine comme ceux qui viennent d’y entrer.
Dans plusieurs pays d’Europe a lieu en ce moment une mobilisation contre la directive Bolkestein , qui menace notamment les services publics. L’ancien député européen du parti socialiste de Belgique, Jean Maurice Dehousse, qui s’est prononcé contre le projet de Constitution européenne, déclare : « Ce que nous avons fait jusqu’à présent sur la directive Bolkestein a eu pour effet d’en faire " un dossier difficile" : ce sont les instances officielles qui le reconnaissent. Il faut donc continuer le combat et l’étendre au projet de traité constitutionnel, car à quoi sert d’écraser l’oeuf du serpent si la machine à pondre est restée intacte. »
Si la « Constitution » européenne était adoptée, elle s’opposerait à l’avènement d’une politique sociale. Cette « Constitution », si elle est ratifiée par les vingt-cinq pays de l’Union européenne donnerait un caractère « constitutionnel » à tous les traités existants, qui sont à la source de la politique de destruction sociale à laquelle s’opposent les travailleurs et les allocataires sociaux. Ne pouvant être modifiée qu’à l’unanimité des Etats-membres, la « Constitution » européenne imposerait une seule politique : celle d’une économie de marché « hautement compétitive », au nom de laquelle tout « l’Etat social » devrait être démantelé, toutes les conquêtes sociales sacrifiées. La démocratie est ainsi mise en cause, puisque cette prétendue Constitution empêcherait désormais tout choix politique et toute politique sociale.
La signature du projet de « traité constitutionnel » par le dernier Sommet européen de Rome le 29 octobre dernier met immédiatement à l’ordre du jour la mobilisation contre cette prétendue Constitution dans toute l’Europe, contre sa ratification par tous les membres de l’Union européenne. Ce « traité constitutionnel » est un instrument au profit du patronat et des multinationales, contre les droits sociaux, aggravant de manière qualitative ce qui était contenu jusque-là dans le traité de Maastricht et les directives européennes. L’enjeu est historique. L’enjeu ce sont toutes les conquêtes sociales qui nous ont permis de vivre et d’assurer un avenir à nos enfants.
Jean Duverne
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