02/11/04 10.08 t.u. Jack Sinclair

Il fut un temps où les étudiant en totalitarisme venaient se former à Paris, auprès d’intellectuels qui péroraient à la terrasse du Flore et d’universitaires en mal de révolutions. Certains de ces étudiants, rentrés dans leurs pays, ont pris le pouvoir, tel les khmers rouges, avec les résultats que l’on connaît. Rien ne semble avoir changé, la France semble condamnée à innover perpétuellement en matière de société totalitaire, laissant les mains libres aux savants fous, qui dans leurs sinistres laboratoires veulent donner raison aux prophéties d’Orwell.

Le dernier épisode à été lancé après le 11 Septembre 2001, par Alexandre Del Valle, ancien militant d’extrême droite, converti à l’humanisme d’Ariel Sharon, en dénonçant un prétendu complot rouge-brun-vert qui viserai, à travers la critique du gouvernement américain et de la politique israélienne, à moderniser les habits de l’antisémitisme. Cette idée du complot à ensuite été reprise et intellectualisée par Pierre-André Taguieff dans son livre « La nouvelle judéophobie », qui dénonce la « Démonisation d’Israël et du Sionisme » et en appelle à « Une profonde réforme intellectuelle et morale » dans la lutte contre le racisme et la xénophobie. P-A Taguieff n’a pas de scrupules à dénoncer les jeunes arabes de France, qui s’identifient aux enfants palestiniens de l’Intifada, qui meurent sous les balles de l’armée israélienne, sans citer cette minorité de la communauté juive qui organise tout les ans à Paris un gala en l’honneur de Tsahal.

Aujourd’hui c’est Jean-Christophe Rufin, écrivain, auteur du sulfureux « Globalia », qui dans un rapport au ministre de l’intérieur, dénonce tous ceux qui osent critiquer la politique israélienne et tout soutient aux revendications palestiniennes comme autant d’actes anti-sémites. Israël doit sortir du champ de la critique, de toute critique, alors Rufin propose sans rire, d’interdire les mots qui fâchent à propos d’Israël : racisme, apartheid, ségrégation. Cela rappelle le magnifique roman d’Ismaël Kadaré, « La niche de la honte » où un ministère de l’empire ottoman est chargé de mater le peuple albanais en faisant disparaître de sa langue les mots qui mènent à la rébellion. Tuer les mots, le crime non nommable, existe-il ? La question aurait sûrement passionné Alfred Jarry et les surréalistes. Nous avions déjà le détournement, voire le retournement des mots : « libérer » pour envahir, « terroriste » pour résistant, « droits de l’homme » pour destruction de peuple, « démocratie » pour gouvernement corrompu et vendu, « immigration » pour délocalisation de peuples, etc. Ce monde du mensonge, de la démocratie bidon et du pouvoir des firmes et des médias est justement celui que dénonçait J-C Rufin dans son excellent roman de politique fiction, « Globalia ». Alors a t’il été trop loin ? Doit il se repentir et faire allégeance ? Ou plus simplement n’est-il qu’un lâche ? Mais que Del Valle, P-A Taguieff, J-C Rufin et les autres, le sachent, notre imagination est sans borne, c’est celle de la résistance, sa source ? La douleur des peuples menacés dans leurs identités.

Alors Messieurs les portes-plumes de la haine, sachez-le, s’il le faut nous inventerons un nouveau langage pour nommer la réalité et pour dénoncer le crime. Et comme le dit un poème palestinien : Et jusqu'à la dernière goutte de mon sang, je résisterai, je résisterai.

Jack Sinclair