Papon dehors, Ménigon dedans
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03/01/04 |
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6.37 t.u. |
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Thomas Demada |
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Après 16 ans d'emprisonnement et deux accidents cardio-vasculaires, Nathalie Ménigon, une des fondatrices du groupe armé "Action Directe", restera en prison. Le 24 novembre 2003 les experts ont déclaré que l'état d'une femme dépressive, hémiplégique, partiellement amnésique, pouvant à peine marcher était "compatible avec la détention". Cette ancienne employé de Banque (comme Arlette...) ne bénéficiera donc pas de la "jurisprudence Papon", le droit pour un citoyen, quel que soit son crime, de ne pas crever en cellule...
Si la bonne presse "de gauche" s'est contenté d'entrefilets discrets, elle n'a pas manqué de souligner le parallèle avec Maurice, l'increvable de la fonction publique (puisque en plus de Vichy il a sé(r)vi sous trois républiques). Rajsfus, toujours précis dans les chiffres, a déclaré dans les colonnes de Libé' que Papon "ayant à son actif la déportation de 1680 juifs bordelais (...) s'était montré très gaillard dès sa sortie". Le problème n'est pas là, il ne s'agit pas de décerner une "prime à l'infirmerie" pour justifier l'élargissement de l'un plutôt que l'autre. La patrie de Voltaire gagnerait à laisser mourir chez eux les petits vieux et les paralytiques, car derrière Nathalie se sont des milliers de malades incurables qui agonisent dans les clapiers à pauvres du ministère de l'intérieur.
Plus à gauche, on ne pardonne toujours pas à "Action Directe" d'avoir mis le trotskisme institutionnel en péril, d'avoir pointé les contradictions de sa participation à la démocratie bourgeoise. La revue autonome "Camarades" déclarait en 1977: "Le Mouvement est capable, sans attendre la permission des gôchistes, de défendre ses besoins en assument massivement un haut niveau d'affrontement avec l'Etat...". L'extrême-gauche normalisée, elle, n'est pas près de mordre la main qui la nourrit. La vie de Nathalie vaut-elle moins que celle de Mummia?
Sur un plan plus politique, soutenir les anciens d'AD n'est pas un acte innocent. Loin du verbiage séditieux et des babillages révolutionnaires, une poignée d'autonomes a prouvé que dans notre société policière le passage de l'action politique à l'action militaire (et vice-versa) était encore possible. N'oublions pas qu'en 1982, une des tendances sécessionnistes d'AD, la branche "lyonnaise", développa une thématique proche de l'idée national-révolutionnaire. Nous devons apporter notre soutien à Nathalie Ménigon avec un certain sous-entendu d'agit-prop. C'est d'ailleurs dans ce sens que l'entendent les militants-bagnards d'AD.
On peut regretter qu'AD ait agi trop tôt et trop vite. On peut leur reprocher ne pas s'être départie d'un certain "angélisme marxiste" concernant l'éveil des masses, ou leur condamnation de l'attentat contre le restaurant "Goldenberg" (le petit coeur chaud du sionisme à Paris, rallié récemment au lepénisme). Qu'importe si l'autonomie offensive a finalement été un échec, elle reste le seul exemple récent d'une volonté pré-révolutionnaire en Europe.
L'état bourgeois ne peut plus avoir votre tête sur un billot mais il possède encore le pouvoir de vous laisser clapoter dans l'oubli général entre quatre murs et quelques barreaux... Alors pour Noël prochain ne réclamez pas le dernier gadget capitalo-impérialiste, prenez votre plus belle plume pour demander à Santa-Coca la libération de Nathalie Ménigon. Dans son élan, si il pouvait rajouter dans nos petits souliers Carlos et Michel Lajoye la prochaine trêve des confiseurs serait orgasmique...
Thomas Demada
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